Je vais peut-être froisser le chœur des ravis de la crèche européenne et des groupies de notre Président de la République, mais je crains que les réjouissances exprimées ce matin - au-delà d'être indécentes au regard des souffrances infligées aux Grecs - sont totalement hors de propos. L'Europe s'est engagée dans une voie dangereuse et la crise ne fait que commencer...
Évidemment, sans l'intervention de François Hollande et de la France, l'aboutissement des négociations entre l'Eurogroupe et le gouvernement grec aurait été pire encore que les conclusions de ce matin du lundi 13 juillet 2015. Il faut reconnaître que le Président de la République a enfin décidé d'affronter des exigences conservatrices allemandes totalement délirantes et qu'il faut le féliciter pour cela.
Mais peut-on parler de succès quand le gouvernement allemand a multiplié les exigences de dernières minutes, voulant faire payer à la Grèce son coup d'éclat c'est-à-dire le recours au référendum et à la souveraineté populaire après avoir organisé avec la complicité active du Président de l'eurogroupe M. Dijselbloem (travailliste et social-démocrate paraît-il) l'asphyxie financière et économique de la Grèce...?
Alexis Tsípras avait déjà la corde au cou lorsque la France est enfin intervenue, et nous aboutissons à la mise sous tutelle ou Protectorat d'un État membre de l'Union européenne même si Schaüble aurait rêvé d'un Grexit... La solidarité n'est plus une référence politique au sein de l'UE, nous payons et nous paierons encore longtemps de ne pas avoir affronté les conservateurs et les libéraux en juin 2012 quand nous avions les moyens d'exiger une réorientation de la construction européenne.
C'est sans doute l'idéal européen qui va en mourrir lentement. Pendant ce temps là le SPÖ passe des accords avec l'extrême droite (après le SMER SD slovaque et le PS Bulgare) et la Hongrie de Orbán poursuit sa dérive si ce n'est crypto-fasciste tout du moins autoritariste et anti-démocratique : mais ça n'est pas grave, cela ne vaut pas que les dirigeants européens se mobilisent car le danger majeur était qu'un gouvernement de gauche en Grèce puisse contester la légitimité de l'ordo-libéralisme. Désormais, la souveraineté populaire est un mythe dans l'Union européenne concrétisant en cela les prévisions d'Emmanuel Todd (qui se trompe sur d'autres sujets : Charlie ou le "hollandisme révolutionnaire") ; cela ne peut nourrir que les plus dangereux réflexes populistes et xénophobes sur notre continent. Mais soyons heureux il n'y aura pas de Grexit, les Grecs vont continuer à souffrir comme aucun peuple européen ne le supporterait sans aucune garantie que leur dette soit réexaminée mais ouf il n'y aura pas de Grexit... J'ai honte...
Frédéric Faravel