Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
Me contacter

en savoir plus

 

Trouve

Gauche Républicaine & Socialiste

16 octobre 2015 5 16 /10 /octobre /2015 18:41
La gauche confrontée à la crise de la construction européenne

L'année écoulée aura représenté une nouvelle fracture dans l'appréhension, que les citoyens en général, et les militants de gauche en particulier, ont de la construction européenne.

Depuis des années, il est devenu terriblement banal de dire que cette construction européenne se fait sans associer les peuples, qui s'en détournent peu à peu, comme le démontre à chaque élection du Parlement européen le taux d'abstention ou la progression (inégale il est vrai selon les pays) des forces politiques europhobes, populistes ou national-populistes.

Les traités européens, qui se sont succédé depuis la chute du mur de Berlin, ont en effet multiplié les transferts de compétences et de souveraineté des États-Nations vers des institutions supra-nationales, qui n'ont pour la plupart aucun compte à rendre devant les citoyens. Ainsi une partie de la gauche et des socialistes dénoncent depuis plus de vingt ans désormais l'indépendance de la Banque Centrale Européenne et l'insuffisance de pouvoirs réels du Parlement européen, devenu le symbole d'une perte de souveraineté populaire à l'échelle nationale jamais regagné à l'échelle européenne.

À mi parcours, l'épisode du projet de traité constitutionnel européen a illustré une première fois à quel point les choix des électeurs ne pesaient plus sur les destinées de l'Union Européenne : rejeté par référendum en France et au Pays-Bas (sans doute pour des raisons différentes), il réapparaissait en 2007-2008 sous le titre de Traité de Lisbonne pour être ratifié par les parlements sans tenir compte des scrutins référendaires.

La dérive ordo-libérale de la construction européenne est-elle en train de tuer l'idéal européen ?

Lorsque les failles de l'architecture économique et monétaire de l'Union européenne et de la zone euro furent mises au jour par la crise financière de 2008-2009, la réponse des gouvernements européens conservateurs et libéraux fut de graver dans le marbre les politiques d'austérité au travers du TSCG, baptisé traité Merkozy, et depuis complété au parlement européen par les directives Six-pack et Two-pack. C'est sur ce dossier même que l'orientation du quinquennat de François Hollande s'est sans doute joué, dès ses premières semaines, le Président de la République nouvellement élu refusant de renégocier ce traité, comme il s'y était engagé devant les Français, pour négocier des délais supplémentaires afin de se conformer aux mécanismes de contraintes budgétaires que nous avions dénoncés durant la campagne électorale.

Les différents développements de la crise grecque depuis 2009 ont démontré à l'extrême la perversion de la dérive ordo-libérale de la construction européenne : des cures d'austérité sans précédent qui aggravaient les difficultés du pays et saignait à blanc le peuple grec. Lorsque Syriza – au terme d'un processus qui alliait tout à la fois le déshonneur et la déconfiture du PASOK et une profonde aspiration du peuple grec à une alternative anti-austérité – a remporté les élections de janvier 2015, nous avons été nombreux à espérer qu'il y avait enfin une possibilité de faire évoluer le rapport de force, d'abord pour mettre un terme aux supplices infligés aux Grecs et ensuite et à plus long terme pour réorienter l'Union européenne. Mais six mois plus tard, après avoir subi un chantage politique, financier et économique, commis quelques erreurs, et malgré un mandat référendaire sans appel quelques jours plus tôt, le gouvernement d'Alexis Tsípras était contraint par l'eurogroupe d'accepter un troisième memorandum qui ancre dans la durée les politiques d'austérité et enferme la Grèce dans une logique de récession.

Le gouvernement grec n'a pas reçu le soutien qu'il aurait pu espérer des gouvernements de gauche en Europe. La position de la France n'a consisté qu'à maintenir le lien et les négociations quand les pressions pour un Grexit brutal étaient trop fortes, mais François Hollande et son gouvernement n'ont jamais remis en cause la logique austéritaire et le fonctionnement de l'eurogroupe, conseillant aux négociateurs grecs d'adopter une posture identique à celle de la France depuis juin 2012 : accepter les « règles du jeu » de la zone euro et abdiquer finalement toute prétention à mener une politique économique alternative.

A l’issue de la crise grecque – issue provisoire, car le 3ème mémorandum est voué à l'échec –, la question est posée : est-ce qu’on peut concevoir aujourd’hui une politique alternative dans le cadre européen tel qu’il est ? À la fois une alternative au niveau national, alors qu’on est pris dans un réseau de contraintes liées à notre appartenance à l’Union ; mais aussi une alternative au niveau européen, si plusieurs États membres se coordonnent pour infléchir la construction européenne… est-ce que le cadre actuel le permet ? C'est à cette question majeure que la gauche et les socialistes doivent aujourd’hui apporter une réponse car elle détermine la question de la souveraineté populaire, au moment où l'orientation ordo-libérale de la construction européenne semble impliquer un passage durable dans une période post-démocratique.

À ce titre, les propositions reprises par le Président de la République en faveur d'un gouvernement économique et d'un parlement de la zone euro n'apportent pas de réponses : que changerait une telle architecture institutionnelle si ces organes restent soumis aux logiques ordo-libérales inscrites dans les traités ?

La crise des réfugiés est une autre facette symptomatique de la perte de repère et de sens à l’œuvre dans l'Union Européenne. Les institutions et les gouvernements européens n'ont pas découvert cet été la crise migratoire ; si la conquête de territoires immenses à cheval sur l'Irak et la Syrie par Daesh a aggravé le phénomène, il est en marche depuis plusieurs années, conséquences tout à la fois de la transformation des sociétés africaines et moyen-orientales sous l'effet de la mondialisation, du changement climatique et des « déstabilisations » issues des « printemps arabes ».

Voici plusieurs années que les pays méditerranéens de l'UE sont confrontés à un afflux important et dramatique de migrants, dont on fait mine aujourd’hui de découvrir qu'ils mériteraient pour une majorité d'entre eux d'être considérés comme des réfugiés. L'Espagne, l'Italie, Malte ou la Grèce – déjà confrontées à l'imposition des politiques d'austérité – ont été trop longtemps laissées à elles-mêmes pour « gérer » cette situation et les centaines de morts qu'elle provoquait, alors qu'elle concernait l'ensemble des Européens. Les égoïsmes nationaux et l'inertie technocratique ont trop longtemps primé sur l'impératif devoir de solidarité et de fraternité, entre États membres et à l'égard des réfugiés qui sont censées constituer les valeurs de l'Europe.

Lorsque la Commission européenne a commencé à prendre la mesure des enjeux en proposant une répartition solidaire et obligatoire de l'accueil des réfugiés, nous avons tout à la fois été confrontés au populisme et à la xénophobie officielle de certains États d'Europe centrale, comme la Hongrie ou la Slovaquie, l'égoïsme britannique et une certaine hypocrisie française qui n'a rien trouvé de mieux que d'engager une vaine et infondée polémique sur la question des quotas. Poussés par les événements et l'émotion populaire, la Commission et le couple Franco-Allemand œuvrent désormais ensemble pour rattraper le temps perdu. Mais rien ne dit qu'ils arriveront à créer les conditions du consensus qui doivent permettre la mise en place d'une politique migratoire européenne, si ce n'est commune, au moins coordonnée.

Ainsi, l'UE s'accorde finalement sans difficulté sur des contraintes à l'encontre d'un ou plusieurs États membres quand il s'agit d'imposer des politiques d'austérité qui deviennent de plus en plus irrationnelles, mais semble incapable ou impuissante à mettre en œuvre les principes de solidarité et d'humanité qui devrait l'unir.

La crise permanente de la gauche européenne

On pouvait lire en 1972 dans Le Manifeste du PSU «La social-démocratie est devenue gérante, parfois médiocre comme en France et en Angleterre, parfois habile comme en Suède, du capitalisme.» ; on peut dire en 2015 que ce constat est largement dépassé : la social-démocratie, convertie pour l'essentiel au social-libéralisme, est devenue l'un des promoteurs actifs de l'ordo-libéralisme qui vide de son sens la construction européenne. À ce titre, le comportement de Jeroen Dijsselbloem, président de l'eurogroupe, dans la crise grecque aura été parfaitement insupportable. Tout a été fait pour obtenir soit la capitulation de Syriza, soit la chute du gouvernement grec, dans l'objectif officiel de faire respecter les règles budgétaires absurdes inscrites dans les traités européens, et dans le but officieux de faire échouer toute expérience d'une politique alternative à l'austérité. Les propos de Martin Schulz ou de Sigmar Gabriel allaient peu ou prou dans le même sens.

Les élections se succèdent en Europe et confirment toujours la perte d'influence de notre famille politique. À de rares exceptions près, lorsqu'ils gagnent, les partis socialistes le font poussivement, mais leurs défaites sont de plus en plus souvent des déroutes. Dans de nombreux États membres, ils sont déjà réduits à des rôles de supplétifs dans des gouvernements à direction libérale ou conservatrice. La famille socialiste et social-démocrate ne semble pas avoir retenu la leçon des années 1990 et 2000 durant lesquelles ses membres ont mené des politiques d'inspiration libérale, qui se sont révélées funestes tant du point de vue économique et social qu'électoral. Le congrès du PSE à Budapest en juin dernier a démontré l'état de décomposition et d'incohérence politique de cette organisation et de ses membres.

Les socialistes français ont fait l'erreur de considérer l'engagement européen comme un succédané à un internationalisme jamais pensé ; mais que reste-t-il de cette posture lorsque l'idée européenne a été détournée de son sens initial ?... Le PS avait appelé à l'été 2011 à assumer le nécessaire affrontement politique avec les conservateurs allemands, ce qui avait déjà provoqué des réactions surjouées sur la supposée germanophobie des socialistes français. Il paraît aujourd'hui absolument nécessaire, sans préjuger des débats du futur congrès du SPD, d'assumer la confrontation politique avec les dirigeants actuels de ce parti. La gauche du Parti Socialiste doit donc dans ce but entreprendre de consolider les contacts épars avec ses équivalents dans les partis du PSE – quand ils existent. Des contacts peuvent être évidement établis et le sont déjà au Parlement européen, mais il faudra compter également sur le renforcement de nos liens avec le Parti socialiste wallon, qui a pour particularité de n'avoir pas changé son discours européen exigeant entre son passage au pouvoir et désormais dans l'opposition.

La conquête du leadership au sein du Labour Party de Grande-Bretagne par Jeremy Corbyn est un point d'appui évident car, malgré l'affaiblissement réel du Labour, ce parti conduit aujourd'hui un changement de stratégie politique majeur dans la gauche britannique, en rupture avec le libéralisme assumé qui l'a éloigné de sa base électorale après qu'une partie des électeurs blairistes est revenue à ses amours tories, et sans doute avec une évolution marquée des engagements européens de ce parti. L'appui d'un Labour de gauche – même s'il a depuis longtemps pris quelques distances avec le PSE – ne serait pas négligeable pour une alliance des gauches socialistes, qui ont besoin qu'un grand parti demande un fonctionnement plus démocratique et transparent du PSE.

Malgré les désillusions provoquées par l'échec de Syriza face à l'eurogroupe, lorsqu'il existe une dynamique à gauche, ce sont des partis hors PSE qui en profitent, surfant sur les compromissions des sociaux-démocrates ou sur leur incapacité à proposer une alternative crédible à la droite : Syriza en fut le symptôme le plus prégnant, mais c'est aussi le cas de Podemos ou encore d'Izquierda Unida en Espagne. Au Portugal, la gauche radicale (Bloc de gauche BE et alliance écolo-communiste CDU) a plus progressé que le PS (+5,4 points et + 4,3 points) lors des élections du 4 octobre. En Irlande (nord et sud), c'est Sinn Féin qui est en dynamique.

Pour compléter le tableau, plusieurs forces politiques siègent au sein des groupes parlementaires européens écologistes ou GUE/NGL, alors qu'ils portent un discours socialiste assez « classique », c'est le cas de Syriza (dont le leader Alexis Tsípras était le candidat du Parti de la gauche européenne, présidé par Pierre Laurent, à la présidence de la commission) ou de Sinn Féin à nouveau, mais aussi du Parti Socialiste néerlandais, du SNP écossais (qui malgré son échec référendaire sur l'indépendance a triomphé successivement aux élections européennes puis aux élections générales, remportant 56 des 58 membres écossais à Westminster), ou du Parti Socialiste Populaire danois.

Si les socialistes européens, et parmi eux en premier les socialistes français, veulent sortir de l'impasse politique, il est urgent d'engager un dialogue structurel avec ses forces nouvelles ou qui, pour les plus anciennes, ont su se renouveler, alors que nous étions incapables de structurer une alternative à l'offensive libérale engagée depuis la fin des années 1970, au point d'intégrer de manière plus ou moins assumée une partie de ce discours dans notre corpus programmatique.

Nous devons également mettre fin au compromis historique avec les anciens démocrates-chrétiens, devenus conservateurs. Il ne s'agit plus simplement d'assurer la co-gestion du Parlement européen, pour un bon fonctionnement des institutions communautaires, mais trop souvent les compromis s'étendent au fond des politiques et des délibérations et amènent les membres du groupe S&D à concéder trop de points au PPE et aux libéraux. Cela mine durablement la lisibilité et la cohérence de nos options politiques, et nous rend plus inaudibles encore auprès des électeurs européens. Nous devons lui substituer un rapprochement avec le Parti de la Gauche européenne et les Écologistes. Seule cette option nous permet de rendre crédible la perspective d'une alternative politique sur les enjeux de la construction européenne.

Mais ne nous y trompons pas les débats, qui traversent la social-démocratie sur la construction européenne et la possibilité de la réorienter, sont également posés chez nos partenaires écologistes, de la gauche radicale ou (post-) communiste (les positions du PCF sur le mémorandum et la nature de la zone euro en témoignent) : c'est une culture politique dominante dans la « gauche radicale » européenne, qui craint que toute déconstruction ou crise durable d’un cadre international ne finisse par profiter à la droite radicale xénophobe. Ainsi l’idéal européen est finalement confondu avec sa traduction institutionnelle existante, alors même que l’écart entre les deux est régulièrement dénoncé.

Enfin, l'émergence d'une alternative européenne de gauche soit suffisamment forte et coordonnée pour imposer une véritable réorientation de la construction européenne et donc un bouleversement profond des traités actuels s'inscrit forcément sur le temps long.

Il n'est pas dit que les peuples européens soient disposés à attendre jusque là.

Frédéric FARAVEL

La gauche confrontée à la crise de la construction européenne
Partager cet article
Repost0

commentaires