Dimanche prochain aura lieu le premier tour de la primaire de la droite et du centre, qui doit désigner le candidat du parti Les Républicains et de l'UDI.
La confusion étant totale à gauche, je sais que nombreux sont les électeurs de gauche qui s'interrogent sur la pertinence d'aller participer à cette consultation, jusque dans les rangs du Parti Socialiste et pourquoi pas parmi les militants de la motion B "à gauche pour gagner !" [qui rassemble l'aile gauche du PS et ceux qu'on appelle les "frondeurs"].
Je comprends que beaucoup s'interrogent sur la situation politique, que vous soyez nombreux à être dépités par l'état dans lequel le quinquennat de François Hollande a plongé la gauche et le pays, que vous soyez nombreux à douter que la gauche puisse encore être présente au second tour de l'élection présidentielle… mais d'ici dimanche, je souhaitais rappeler que la stratégie du « moindre mal » – s'assurer la désignation de Juppé pour éviter un candidat pire – n'a jamais rien donné de bon, que cette réalité est valable aussi bien pour la primaire de droite que pour la recomposition de la gauche.
Je me permets d'insister sur quelques points :
Il n'y a pas eu de déplacements massifs d'électeurs de droite en 2011 pour les primaires citoyennes qui justifieraient « moralement » qu'on s'autorise à faire de même en 2016 pour le camp adverse. Au-delà de quelques provocations gratuites et marquantes (comme Madame Mothron à Argenteuil), ces votes n'ont jamais pesé sur les résultats, tout porte à considérer (si on prend du recul sur les consultations similaires aux États-Unis ou en Italie, ou si on regarde les enquêtes d'opinion) que le nombre d'électeurs de gauche allant voter à cette primaire ne sera jamais assez significatif pour peser sur les résultats. Si donc il n'y a aucune capacité à perturber un jeu qui sera déterminé par les électeurs de la droite et du centre, pourquoi s'exposer aux désagréments qui suivent ;
On participe à une primaire lorsque l'on partage des valeurs avec le camp qui les organise. C'est le sens de la charte que nous avions publiée en 2011 et que nous demandions de signer aux votants ; c'est celui de celle que Les Républicains ont éditée pour leur propre consultation. Stricto sensu, ce qui sera à signer « ne casse pas trois pattes à un canard », puisque les « valeurs de la droite et du centre » n'y sont pas définies. Mais vous avez pu constater quelles étaient aujourd'hui – après trois débats télévisés – les valeurs de la droite et du centre au regard des déclarations de chacun des sept candidats. Le fait même que les six autres candidats acceptent de débattre avec M. Jean-Frédéric Poisson en dit long sur les valeurs qui leurs sont communes. On a constaté à quel point les débats volaient haut par ailleurs, abordant finalement peu leurs programmes tous plus réactionnaires les uns que les autres. Et en écoutant bien les uns et les autres, je suis de moins en moins convaincu que nous partagions quoi que ce soit de commun avec eux ;
Plus la participation à cette primaire sera importante, plus le candidat qui sera désigné en tirera de la légitimité. Plus il sera difficile de lui contester d'être présent au second tour à sa place, plus la dynamique électorale sera importante, plus son élection « probable » au second tour de l'élection présidentielle pourra devenir écrasante. Si nous devions revenir dans l'opposition, nous nous serions encore plus affaiblis – comme si nous en avions besoin avec les quatre années et demi que nous venons de subir – pour contester le programme de régression du nouveau président et reconstruire une gauche digne de ce nom ;
Les Républicains n'ont pas exactement copié le dispositif que nous avions mis en place en 2011 pour les primaires citoyennes. En effet, aucun engagement n'a été pris pour détruire les listes électorales ainsi réalisées (au-delà des gens qui avaient « volontairement » accepté d'être recontactés). Vous vous exposeriez donc à recevoir leur propagande à l'issue de la consultation ad vitam aeternam... Personnellement j'évite le masochisme.
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Mais au-delà de toutes ces considérations, je veux réaffirmer que pour ma part je ne me résigne pas à ce que la gauche soit morte et que d'ici l'élection présidentielle rien ne puisse être fait pour éviter le naufrage et la débandade.
S'il faut participer à une primaire, c'est à celle de la gauche. C'est celle-là qu'il faut faire réussir, y compris malgré tous ceux qui cherchent encore à la faire trébucher. Cela passe par nous assurer qu'il y aura suffisamment de bureaux de vote : il n'est pas nécessaire d'être membre du PS pour être assesseur ou même président d'un bureau de vote.
Cela passe aussi par nous mobiliser en faveur des candidats qui portent une alternative à la politique de François Hollande et Manuel Valls ; et au second tour pour le candidat représentant cette alternative. Nous devons convaincre tous ceux qui ont été déçus par le quinquennat – que ce soit des électeurs socialistes, écologistes ou du Front de gauche – de venir s'exprimer pour mettre en échec une ligne politique qui a affaibli le pays, aggravé les divisions sociales, fracturé la gauche comme jamais auparavant. Seule la victoire d'une alternative à gauche à cette primaire peut encore créer une dynamique qui rebatte les cartes à gauche et permette à notre camp politique de déjouer le fatalisme d'un nouveau 21-Avril qui serait plus encore déflagrateur que le précédent.
Au-delà de l'agitation médiatique, ne nous laissons pas abuser : il n'y a pas de différences notables, sauf des postures et de nouvelles impostures, entre François Hollande, Manuel Valls et Emmanuel Macron, qui ont défendu ensemble les mêmes choix gouvernementaux néo-libéraux, qui les ont imposés au forceps (avec le recours au 49.3) en dépit de notre programme, de nos valeurs et des engagements très modérés de François Hollande lors de la précédente campagne présidentielle.
Et si jamais malgré cette primaire, nous n'arrivions pas à conjurer la défaite, seule la victoire d'une alternative à gauche dans cette primaire nous permettra d'avoir une base suffisante pour reconstruire une gauche de transformation sociale qui s'assume.
Camarades, je vous appelle au sursaut.
Camarades, je vous appelle à l'espoir.
Frédéric FARAVEL
mandataire fédéral de la motion B « à gauche pour gagner !
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