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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

6 février 2017 1 06 /02 /février /2017 16:19
Paul Magnette, ministre-président socialiste de Wallonie © BELGAIMAGE

Paul Magnette, ministre-président socialiste de Wallonie © BELGAIMAGE

Paul Magnette fait partie de ces responsables socialistes européens qui nous permettent de porter avec fierté notre idéal socialiste, quand tant d'autres dirigeants ont depuis longtemps jeté le bébé avec l'eau du bain en abdiquant devant le libéralisme et en cédant face à l'institutionnalisation européenne de l'ordolibéralisme allemande.

Il a commencé à être connu par le grand public en s'opposant frontalement aux dérives du CETA (traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada) et en obtenant des corrections majeures du point de la région Wallonie, dont il est le ministre-président.

Dans l'entretien qu'il donnait le 3 février à L'Echo (Belgique) et que je reproduis ci-dessous, il parle clair et fort ; il traduit très exactement l'état de ma réflexion vis-à-vis de la dérive actuelle de la construction européenne. Cette lecture est de salubrité publique.

Frédéric FARAVEL

entretien donné à L'Echo, recueilli par Frédéric Rohart et publié le 3 février 2017 à 22h30

Vingt-cinq ans après le traité de Maastricht qui a lancé l’aventure de l’euro, où va l’Union européenne ? L’Echo a demandé à plusieurs personnalités de se projeter dans le quart de siècle à venir pour imaginer comment l’Union pourrait évoluer. Aujourd’hui, l’avis d’un "fédéraliste meurtri", un homme politique wallon qui mène un bras de fer obstiné avec les institutions européennes. Et qui est convaincu qu’il faut des cendres pour permettre au phœnix de renaître.
Après avoir consacré l’essentiel de sa carrière à étudier l’Europe, Paul Magnette se demandait en mai dernier s’il n’était pas en train de devenir "le premier des eurosceptiques socialistes". Mais si le ministre-président wallon est en guerre contre l’Europe "libérale-conservatrice", il n’en reste pas moins un Européen convaincu. Un Européen "meurtri" d’assister à la désintégration de l’Europe, mais convaincu qu’elle permettra l’indispensable renouveau.
L’euro, vous le voyez plutôt comme une réussite ou un échec ?

C’est une monnaie mal pensée. Elle a été conçue selon une logique monétariste: créons une monnaie et l’économie suivra. Cela n’a pas marché. La convergence économique ne s’est pas réellement produite par l’effet de l’euro. Cela n’a pas non plus amené à créer une vraie politique économique européenne : il n’y a pas de vrai budget, pas de vraies ressources propres. Une union monétaire sans union économique a pour seul effet de neutraliser la variable monétaire dans les ajustements entre les Etats membres. Du coup, l’ajustement se fait sur des législations sociales et fiscales qui n’ont pas convergé. Cela a produit ce qu’on pouvait craindre : l’euro a accéléré une dérégulation sociale et fiscale, il a inversé la logique de l’Union européenne.

C’est-à-dire ?

Toute la logique de l’Union européenne est une logique de convergence et de protection. Aujourd’hui, il y a une asymétrie fondamentale : la monnaie est contraignante ; la libéralisation se décide à la majorité absolue des États membres ; mais l’union sociale et l’union fiscale, c’est l’unanimité. Donc il y a quelque chose de bancal dans le système. Ce sont une vingtaine d’années qui ont complètement retourné le sens de l’Union européenne. Parce que jusqu’alors, la logique des traités fondateurs, l’idée c’était toujours : je dé-régule au niveau national mais je re-régule en même temps au niveau européen.

Cette période est aussi celle qui mène aux élargissements de l’Union européenne, une erreur ?

D’un point de vue géopolitique, il fallait faire ces élargissements. Le problème, ce sont les conditions qu’on y a mis qui étaient très faibles. Il aurait fallu dire : il faut un jour entrer dans l’euro, on va vous aider — et vous forcer — à atteindre les conditions économiques, à faire de la convergence. Au lieu de ça, on s’est dit : les travailleurs (roumains, bulgares, polonais, hongrois…) vont aller là où on manque de travail, en Europe occidentale. Et le capital (français, allemand…) va aller là où on manque de capital, en Europe centrale.

C’est précisément ce qui s’est passé.

Oui, du point de vue de l’économie abstraite, c’est formidable : les facteurs s’allouent naturellement là où ils doivent aller. C’est la magie de la main invisible. Sauf que pour les gens, c’est brutal. Dans nos pays, ça déstructure complètement les systèmes de sécurité sociale. Et pour les pays d’Europe centrale, c’est une catastrophe : la Roumanie a perdu les 15% les plus jeunes et les plus costauds de sa population ! Et les conséquences politiques sont dramatiques. On est dans un moment de désintégration politique complet. Jusqu’ici l’Europe n’avait jamais reculé, là elle recule. Et ce n’est pas fini à mon avis.

L’Europe recule : vous ne parlez pas seulement du Brexit ?

Non, qui croit encore en l’Europe aujourd’hui ? Moi qui suis un fédéraliste meurtri et un peu désespéré, quand je parle à des étudiants, l’Europe ne représente plus rien pour eux. Par contre elle représente pour tous les perdants de la mondialisation, la cause de tous les problèmes. Donc elle est en train de se désintégrer. Les gens ne le voient pas encore, mais c’est comme un feu de cheminée : ça a pris, c’est invisible, mais à un moment donné, on le verra. Et le Brexit en est le premier symbole.

"J’espère que le Brexit sera suivi par un Polxit, un Hongrexit, un Bulgxit, un Roumaxit…"

À qui la faute ?

Je crois qu’il y a une responsabilité énorme dans le tournant libéral-conservateur. Sans faire tout remonter à Maastricht, le Six Pack, c’est la mort de l’Europe.

Le Six Pack, c’est notamment la menace de sanctions pour les Etats qui ne respectent pas les règles du Pacte de stabilité. Pourquoi était-ce une telle erreur selon vous ?

Parce qu’il a poignardé la catégorie sociale qui avait soutenu le projet européen : la classe moyenne d’Europe occidentale. Le Six Pack a comprimé leur pouvoir d’achat, a prolongé la récession, a aggravé les inégalités. L’Europe s’est privée elle-même de ce qu’était son soutien historique.

Vous visez Angela Merkel, qui l’a porté ?

Merkel a été logique : elle a défendu les intérêts de l’Allemagne. Ce sont ceux qui n’ont pas résisté à Merkel qui sont responsables. José-Manuel Barroso et Herman Van Rompuy d’abord. Et puis François Hollande, qui n’a rien corrigé alors qu’il avait promis qu’il allait renégocier les traités. Plus largement, ces années-là, 2008-2015, sont tragiques: moins parce qu’on a fait que ce qu’on n’a pas fait. Il y a une crise fiscale, il y a des "leaks" partout et on ne fait rien d’ambitieux. On a une récession et on fait un plan Juncker minimaliste. C’est la crise des réfugiés et on confie le problème à Erdogan. On fait démonstration de l’impuissance, de l’inutilité de l’Union européenne telle qu’elle est aujourd’hui. Mais je reste un Européen convaincu.

À condition que l’Europe soit sociale, donc. La recette porteuse pour la gauche, c’est la confrontation, comme vous l’avez faite avec le CETA : montrer aux gens le rapport de force ?

Ce n’est pas la confrontation pour le plaisir : il faut renvoyer la balle à l’Europe. C’est quand même dingue : à la Commission, ils font de l’ingérence dans les matières nationales qui sont extrêmement sensibles. Et ils ne sont pas capables de lutter contre la fraude fiscale ou de gérer le problème des réfugiés.

La Commission s’en prend à Apple, pousse à plus de transparence fiscale, à ce que les profits soient taxés où ils sont produits…

Oui mais c’est mou ! On doit récupérer 1.000 milliards d’euros par an qui nous sont volés. Pour faire avancer la convergence fiscale, il ne faut pas dire : "Bon, je mets une proposition sur la table, qui est d’accord ?" Évidemment qu’il y en aura toujours un qui sera contre, puisque c’est à l’unanimité. La seule manière de faire, c’est de faire de la conditionnalité : "Bon l’Irlande, vous voulez encore des fonds de cohésion ? La condition, c’est que vous acceptiez une norme sociale supérieure." Et il faut faire pareil avec le commerce extérieur. "Bon le Canada, vous voulez faire un accord avec nous ? Alors on met un chapitre fiscal dans le traité commercial." Il faut faire du régime fiscal un objectif absolu. C’est quand même comme ça que Delors arrivait à négocier : il faisait des packages : "Tu veux ça, eh bien tu prends ça."

Depuis votre confrontation sur le CETA, est-ce que vous avez vu un changement d’attitude de la part de la Commission européenne ?

Elle a mis en place un vrai travail sur les mécanismes d’arbitrage. Mais pour le reste, quand je lis Cécilia Malmström encore récemment dans un grand quotidien, le journal me tombe des mains. C’est de l’autisme politique. Il n’y a rien qui change dans son discours et son attitude. Et c’est hallucinant parce qu’il n’y a rien qui va changer dans la nôtre non plus. Donc on va vers de nouvelles confrontations, et je pense qu’on sera de moins en moins seuls.

Trump, Erdogan, Poutine : l’Europe est entourée de leaders qui lui cachent peu leur hostilité. Que peut faire l’Europe à court terme pour reprendre pied ?

À court terme, rien. Que Federica Mogherini ne se fâche avec personne, c’est la moindre des choses qu’on puisse faire pour le moment. Laissons faire le Brexit, après on pourra discuter.

Quel scénario pour l’Europe après le Brexit, dans un horizon de 25 ans ?

J’imagine bien le Brexit être suivi par un Polxit, un Hongrexit, un Roumaxit, un Bulgxit… Si on arrive à négocier un accord dur mais équilibré entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, certains pays se diront qu’un modèle à la britannique est enviable. Donc la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie – et peut-être le Danemark et la Suède – sortent de l’Union et nouent des accords commerciaux ou de partenariat.

C’est souhaitable, selon vous ?

Oui, ça permet d’arrêter un peu la concurrence interne : on se retrouve alors avec des pays beaucoup plus proches en termes de niveau de PIB et de modèle socio-économique. L’Union regroupe quand même encore 400 millions d’habitants, on est encore plus nombreux que les États-Unis. On en profite pour signer des accords d’association avec des pays de la Méditerranée. Et avec un peu de chance – c’est horrible ce que je vais dire – mais les Etats-Unis décident d’une intervention unilatérale au Proche-Orient, et les Européens disent NON. Il y a des manifestations un peu partout en Europe : c’est la naissance d’une conscience civique européenne qui ne naîtra que dans l’affrontement. Il faut un "nous contre eux". Et il vaut mieux que ce soit nous Européens, multilatéralistes, légalistes, contre les États-Unis isolés et agressifs. Par la même occasion, on arrête toutes les négociations des traités multilatéraux et bilatéraux et on fait des accords commerciaux purs et on en profite pour renforcer le développement endogène de l’Union européenne.

Comment ?

L’Europe réinvestit massivement, elle mutualise une partie des dettes, et elle finance des grands travaux. Pas des grosses infrastructures type TGV mais des grands chantiers comme la rénovation de l’ensemble du parc énergétique des logements sociaux. On explique aux classes moyennes et populaires que grâce à l’Europe leur facture d’énergie va baisser. On commence doucement à réconcilier les citoyens avec l’Union européenne, on crée de l’emploi, on assure notre indépendance énergétique. Et on redevient les leaders du combat climatique mondial de manière crédible. On doit se donner des objectifs. Mais en mettant de l’argent. Sans quoi ça n’est pas attractif.

"La naissance d’une conscience civique européenne ne naîtra que dans l’affrontement. L’Europe multilatéraliste, légaliste, contre les États-Unis isolés et agressifs."

Dans votre scénario, il faut donc revoir à la hausse le budget de l’Union européenne, qui plafonne à 1% du PIB…

Oui, il faut au minimum le tripler. L’Europe doit rester un cheval léger, garder une administration légère, par contre elle doit avoir un vrai budget d’investissement : un plan Juncker puissance 100. Alors les gens vont commencer à voir des résultats… L’Europe ne fonctionne plus sur la mémoire de son héroïsme, elle ne fonctionne pas sur un patriotisme européen, elle ne fonctionne qu’en démontrant qu’elle est efficace, or elle ne l’est pas.

Le rêve que vous exposez, vous y croyez ? C’est un euphémisme de dire que ce n’est pas un discours dominant…

Je pense que ces élites européennes, qui vivent complètement déconnectées du monde, finiront par être obligées de comprendre. On va aux devants d’une désintégration politique, des pays qui vont devenir ingouvernables, gouvernés par des dingues comme les États-Unis aujourd’hui. Et il y aura des mobilisations civiques massives. Je crois que l’Europe n’échappera pas à une forme de grande désintégration politique, un réveil de la société civile, et l’apparition d’une nouvelle génération politique qui sera plus en phase avec la société civile.

En réponse au Brexit, les États planchent sur une Europe de la défense, ce n’est pas une bonne piste ?

Il faut plus d’Europe sur un pacte énergétique, plus d’Europe des investissements, plus d’Europe des législations sociales, de lutte contre le dumping fiscal, de présence aussi sur la scène étrangère. Mais je crois plus en des accords de partenariat avec les pays du Maghreb, et demain les pays africains qu’en une Europe de la défense. Avec les moyens militaires un peu dérisoires qu’on a sans les Britanniques, l’Europe de la défense, c’est la France…

Manque-t-il aussi une scène politique européenne ? Une circonscription fédérale comme la demande Guy Verhofstadt ?

Il met tout à l’envers. C’est typique des gens qui ne comprennent pas la société. Dire qu’on va changer les institutions pour changer le monde, ça ne marche pas : c’est la société qui bouge. Benoît Hamon, Antonio Costa et même Alexis Tsipras – malgré tout le mal qu'on a pu dire de lui – l'ont compris, eux.

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