Depuis le samedi 13 octobre 2018 et l'annonce d'une scission importante du PS à l'appel d'Emmanuel Maurel, de nombreux militants du PS s'interrogent sur notre démarche et ils ont raison de poser des questions. C'est notre devoir de leur répondre, d'expliquer ce que nous faisons, de réduire leur crainte et peut-être de les convaincre de nous rejoindre.
Je peux comprendre qu'ils ne partagent pas le choix de nombreux camarades qui ont décidé d'aller construire un nouveau parti politique pour donner corps et rassembler les divers membres de la famille de la gauche républicaine. Donner plusieurs d'années à un parti politique c'est aussi se créer une famille affinitaire ; à bien des égards, la rupture n'est pas seulement politique mais souvent aussi affective. En cela, nous avons pris soin de ne dire aucun mot blessant à l'égard de nos camarades militants et responsables de terrain du PS. Alors laissons un moment de côté la rupture affective, pour se concentrer sur celle qui compte, la rupture politique, qui nous amène à considérer que si nous voulons être fidèles au parti de Jaurès, de Blum, de Mayer et de Mitterrand, il faut passer par une scission et fonder le foyer où montera à nouveau fièrement la flamme du socialisme républicain et démocratique.
Ils me permettront donc d'apporter quelques éléments de réflexion.
1. sur la forme d'abord et concernant le moment choisi pour la rupture :
- Dans la journée du 11 octobre 2018, plusieurs fédérations ont refusé de soumettre au vote des militants le texte alternatif que nous avions déposé, et aucun moyen n'a été mis en place pour permettre la vérification de la sincérité du scrutin.
- Des grandes fédérations connues pour fonctionner encore plutôt bien n'ont mobilisé lors du vote du 11 octobre qu'à peine un tiers des votants du congrès... d'autres pourtant connues pour ne pas être flambantes sont subitement montées à une participation de plus 80% des adhérents à jours de cotisation (ce qui ne c'était même pas vu au congrès)... La direction du PS prétend sur ces bases qu'il y aurait eu 22.000 votants soit plus de la moitié des suffrages du congrès (avec tout ça nous ferions encore quand mêmes 17%) : on voit bien que la direction du PS est retombée dans l'organisation de la fraude massive tout en cautionnant l'obstruction de nombreuses fédérations (plus d'un tiers). Si jamais on avait pu en avoir un, le contrat de confiance est totalement rompu à leur initiative. La décision a été prise lorsque le processus a été soldé, puisque nous étions présents à la commission de récolement à Solférino dans la nuit du 11 au 12 et que nous avons pu mesurer la manipulation.
- On notera qu'au Conseil national du PS du 13/10, Olivier Faure a fait nommer Porte-Parole et Secrétaire national deux cadres qui s'étaient distingués en 2017 en demandant leur investiture à LREM pour les Législatives : quel meilleur message que celui-là !
2. Sur le fond ensuite qui explique le moment choisi pour la rupture :
- La direction du PS est insincère sur l'Europe : le texte qu'elle a fait adopter aux militants du PS est périmé d'avance puisqu'il n'aura plus aucune force une fois que la conférence du PSE aura adopté son Manifesto (Christophe Clergeau nous a indiqué clairement que c'est ce dernier qui primerait) et désigné son candidat à la présidence de la commission européenne ; or tous les candidats pressentis du PSE sont issus de partis qui dirigent ou ont dirigé avec la droite (voire l'extrême droite en Slovaquie) et tous recherchent une alliance politique avec Emmanuel Macron et ses amis ultra-libéraux en Europe (Cuidadanos, libéraux néerlandais, etc.). On voit une fois encore que la déclaration sur l'honneur de ne plus faire de compromis avec les conservateurs est un mensonge éhonté quand la direction du PS s'apprête à cautionner une alliance avec la droite libérale.
- La direction du PS a refusé par principe de proposer à la gauche de se rassembler, si possible dès les prochaines élections européennes (mai 2019). Nous leur avons posé la question :
"Puisque vous nous dites que le texte du "chantier Europe" sera le plus à gauche jamais élaboré (parce que vous nous auriez fait des "concessions") - en réalité il ressemble comme deux gouttes d'eau à celui élaboré en 2013-2014 à la veille des élections européennes (celles où Martin Schulz, notre candidat, avait promis de ne plus faire de compromis avec la droite, avant d'exiger des députés européens socialistes nouvellement élu de voter pour Juncker comme président de la commission) - alors il n'existe plus de divergences insurmontables qui empêcheraient que vous proposiez à la gauche de discuter de bases communes pour le rassemblement dès les européennes. Si les autres refusent votre propositions, c'est leur problème mais au moins faites le !"
Il nous a clairement été répondu par Olivier Faure qu'il ne le ferait pas. Nous n'avons pas eu d'explications ; sauf dans des discussions en aparté après la réunion, les membres de son cabinet et de son secrétariat national expliquant qu'on ne discuterait pas de rassemblement de la gauche tant que les électeurs déçus du macronisme ne seraient pas miraculeusement rentrés au bercail électoral... Comment les y amènerait-on ? Mystère, mais surtout pas en tranchant les questions difficiles posées à la gauche selon eux... Il y a fort à parier que passées les Européennes, la direction du PS ne fasse rien non plus pour le rassemblement de la gauche.
- Tous ces constats, plus de nombreux désaccords politiques nous ont conduit à rompre avec la direction du PS. On aurait pu imaginer que le PS apprendrait de la double déroute présidentielle et législative : il n’en est rien… aucun bilan du quinquennat, aucune vision politique, l’inertie règne rendant incapable de parler au reste de la gauche et au mouvement social ou d’être entendus par les Français. La « Renaissance » promise aux militants par Olivier Faure ressemble à une glaciation, car il ne sait trancher en fait entre les socialistes et les soutiens plus ou moins déclarés d'Emmanuel Macron.
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Pour ceux qui nous demandent pourquoi nous ne rejoignons pas Génération.s, quelques mots. Nous avons de nombreux désaccords avec Génération.s, nous ne l'avons jamais caché : sur l'Europe, sur le Travail, sur la République et la Laïcité. Sur la stratégie de rassemblement de la gauche aussi, puisque nous considérons que LFI est un partenaire majeur avec qui il faut discuter, ce que récusent aujourd'hui les dirigeants de Génération.s.
Nous considérons que la priorité pour nous est à construire le parti qui rassemblera les membres de la famille de la gauche républicaine (dont le Mouvement Républicain & Citoyen... et de très nombreux anciens militants que le PS avait désespéré). Ce parti sera la garantie de notre indépendance, de notre capacité à dire à tous les partenaires de gauche qu'il est possible et même nécessaire, si ce n'est indispensable, de se mettre autour de la table pour discuter sans y mettre de conditions préalables : vous aurez remarqué qu'à part peut-être récemment Ian Brossat cette ouverture n'est pas forcément partagée par nos amis... Nous participerons à toutes les initiatives de rassemblement de la gauche et nous irons aux élections européennes dans le cadre de liste de rassemblement. Génération.s aussi peut faire ce choix.
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Voilà, camarades, ce qui explique notre démarche. Elle sera précisée et développée dans les semaines qui viennent. Vous pouvez nous rejoindre en prenant le temps qu'il vous faudra pour cela ; notre porte restera grande ouverte en permanence. Dans le cas contraire, vous pouvez rester informés, si vous le souhaitez ; nous n'avons pas l'intention d'être agressifs ni désagréables avec les militants du PS, ce sont des camarades socialistes.
Frédéric FARAVEL
de gauche à droite, Jean-Luc Laurent, président du MRC, Marie-Noëlle Lienemann, vice Présidente du Sénat, Emmanuel Maurel, député européen, Bastien Faudot, porte parole du MRC, et Catherine Coutard, vice présidente du MRC, le matin du vendredi 19 octobre 2018 à la Brasserie L'Assemblée en conférence de presse