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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

12 avril 2019 5 12 /04 /avril /2019 16:28

Il faut souligner le mouvement de fond qui touche aujourd'hui la plupart des pays européens : c'est une percée électorale de mouvements nationalistes xénophobes, d'extrême droite, ou l'ancrage de majorités durables réactionnaires. De fait, la xénophobie prospère dans l'Union européenne quelles que soient les déclarations d'intention et les indignations convenues de ses dirigeants européens ou gouvernementaux.

résultats des extrêmes droites en Europe aux élections européennes de mai 2014 - résultats des extrêmes droites en Europe lors des dernières législatives (mesuré à l'été 2018)résultats des extrêmes droites en Europe aux élections européennes de mai 2014 - résultats des extrêmes droites en Europe lors des dernières législatives (mesuré à l'été 2018)

résultats des extrêmes droites en Europe aux élections européennes de mai 2014 - résultats des extrêmes droites en Europe lors des dernières législatives (mesuré à l'été 2018)

A- La structure de l'Union favorise les extrêmes droites

C'est bien dans le cadre de l'Union européenne que plusieurs mouvements xénophobes ont accédé au pouvoir, seuls ou en coalition. Il est loin le temps (janvier 2000) où les gouvernements européens et la commission envisageaient de boycotter le gouvernement autrichien après un accord entre les conservateurs et le FPÖ (transformé en parti xénophobe par Jorg Haider) : aujourd'hui les sociaux-démocrates autrichiens ont conclu des accords régionaux avec l'extrême droite (et l'éventualité d'un accord à l'échelle nationale n'est plus écartée par ce parti), et les « sociaux-démocrates » slovaques ont déjà constitué trois gouvernements avec le soutien ou la participation de l'extrême droite (2006-2010, et depuis 2016). C'est dire ce que valent ces indignations et le niveau d'acclimatation des élites européennes avec ce qu'elles dénoncent par ailleurs comme le diable incarné.

Aujourd'hui, plusieurs gouvernements comptent l'extrême droite ou la droite réactionnaire au pouvoir : la Pologne avec le PiS, l'Autriche avec la coalition ÖVP-FPÖ, l'Italie avec la coalition M5S-Lega, la Hongrie avec le FIDESZ, la Belgique avec la coalition MR/VLD/NV-A (jusqu'en décembre 2018), sans compter ceux où elle soutient de fait le gouvernement. C'est bien dans le cadre de l'Union européenne que plusieurs autres partis d'extrême droite ont atteint des sommets électoraux comme avec le FN en France, le UKIP au Royaume-Uni, le DFP au Danemark ou le PVV au Pays-Bas. C'est toujours dans ce cadre que l'on assiste à la résurgence de partis néonazis, dont on aurait pu penser qu'ils seraient à jamais relégués aux poubelles de l'histoire : c'est le cas du Jobbik en Hongrie (19% des voix en avril 2018) ou des « Démocrates » suédois (17% en septembre 2018) ; c'est la naissance et la progression d'« Aube Dorée » en Grèce, passée de rien à 7% dès 2012, progression qui ne doit rien au hasard, la Grèce étant le pays qui a le plus souffert de la misère sociale extrême imposée par l'Union européenne et le FMI.

Or par son cadre ordo-libéral général, l'Union européenne provoque de fait de fortes tensions entre les États membres et à l'intérieur des nations européennes. Les peuples du Sud (Grèce, Portugal, Espagne, Italie) sont opposés aux peuples du Nord (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Finlande), dont les classes dirigeantes et les élites économiques sont les grandes gagnantes de la libre-concurrence.

Les premiers ne supportent plus de voir les seconds leur imposer une austérité injuste et inefficace. À ce titre, l'irruption avec 11% lors des élections régionales en Andalousie d'un parti d'extrême droite – VOX – est là pour nous rappeler que l'Espagne n'est pas pour toujours immunisée par le souvenir trop frais du franquisme. Si la virulence récente du débat sur la question nationale en Espagne avec la Catalogne peut expliquer une visibilité accrue de l'extrême droite, il n'est pas surprenant que VOX sorte de la marginalité dans l'une des régions où la population a le plus souffert de la crise économique sans que la solidarité européenne ne joue.

À l'inverse, l'Europe du Nord perçoit quant à elle l'Europe du Sud comme un boulet, maintenu sous perfusion financière. La presse britannique l'avait sympathiquement rebaptisée PIGS (Portugal, Italy, Greece, Spain), les Allemands parlent du « Club Med » : le mépris n'est pas sans conséquence. Et il nourrit en Allemagne comme ailleurs le vote d'extrême droite : l'Alternative für Deutschland (AfD) est ainsi entrée dans de nombreux parlements régionaux et surtout au Bundestag avec 12,6% des suffrages et 94 députés en septembre 2017 (elle est encore donnée entre 9 et 12% dans les sondages pour les européennes). Le succès de l'AfD – parti anti-euro – se nourrit évidemment de la récrimination citoyens allemands les plus âgés qui ne veulent « pas payer pour les fainéants » d'Europe du Sud et refusent tout principe de solidarité financière, risque (sur leurs pensions) que feraient peser selon eux la monnaie unique. L'AfD – qui aurait pu rester une branche radicale et particulièrement égoïste du conservatisme allemand – a également bénéficié de son virage vers l'extrême droite en reprenant à son compte les revendications anti-migrants de mouvements du type PegiDA (Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident) à visée ouvertement raciste. La crise des migrants affrontée de manière individualiste par Angela Merkel et égoïste par le reste des États membres les plus riches a nourri le sentiment raciste. L'AfD a raccroché dans le même mouvement le rejet à l'égard de l'immigration turque plus ancienne, qui nourrissait les petits mouvements néonazis qui se faisaient régulièrement remarqués par des ratonnades et des incendies volontaires (et meurtriers).

Or si ces mouvements se montrent identitaires et farouchement anti-migrants, xénophobes, anti-immigrés, ils proposent la plupart du temps des politiques très libérales en matière économique (le virage « social » du FN semble être terminé avec le départ de Florian Philippot et se résume aujourd'hui au rétablissement de la retraite à 60 ans). Ils n'ont aucun problème de principe à prôner l'austérité budgétaire, la baisse d'impôt sur les sociétés ou encore la limitation ou la suppression d'un impôt sur la fortune ; la dénonciation de boucs émissaires internes et externes – les étrangers, les migrants, les immigrés, les « Juifs », les musulmans, etc. – est un expédient bien pratique pour qui veut maquiller la réalité (ou l'inanité) de son programme politique (ou de son impuissance).

Notons cependant que le cap (présence au 2nd tour de la présidentielle, scores supérieurs à 20% des exprimés) a été franchi par le FN après que les reniements des responsables politiques français sur la question européenne soient si patents pour les classes populaires qu'elles ont rompu avec les partis traditionnels. Si les tensions identitaires ne sont pas inexistantes en France, avec la présence d'un islamisme radical qui se développe, les Français en général et les catégories populaires ne sont pas xénophobes et racistes en soi ; en réalité, l'intégration et l'acceptation fonctionnent encore très largement dans notre pays, comme le montre la proportion importante de « mariages mixtes ».

Ces partis ne représentent en réalité aucun danger réel pour les élites économiques des pays concernés et constituent des opposants rêvés (et parfois des partenaires on l'a vu) pour les partis conservateurs, libéraux, sociaux-libéraux dominants : le débat public est dès lors réduit à un clivage stérile qui opposerait les « démocrates » aux xénophobes, les pro-européens aux nationalistes, l'ouverture contre la fermeture, les questions économiques et sociales étant reléguées mécaniquement au second plan (sauf irruption populaire imprévue).

Enfin dans ses rapport avec les États tiers, l'UE alimente les déséquilibres économiques et renforce la domination occidentale, conduisant à de graves tensions. En contractant des accord de libre-échange, en exploitant les ressources du Sud par le biais de ses multinationales ou en utilisant le Franc-CFA, arrimé à l'Euro, comme outil néo-colonial, elle participe effectivement à maintenir le Sud en position de dépendance. Sur le plan géopolitique et militaire, les grandes puissances européennes – la France au premier chef – se trouvent presque toujours en première ligne lors d'interventions illégitimes, aux côtés ou avec le soutien des États-Unis (Libye, Syrie...), qui ont participé à la déstabilisation démographique et migratoire en méditerranée. Sur le plan migratoire, « l'Europe forteresse » qui se remet en place après la crise de 2015 est un repli égoïste face aux conséquences de nos propres politiques libre-échangistes et bellicistes. Le discours sur l'incapacité à prendre en charge l'afflux de migrants (au-delà du pic de 2015, c'est moins de 200 000 en 2017 et moins de 100 000 en 2018, pour 500 millions d'Européens) et la nécessité de construire des centres de rétention hors de l'UE qui est tenu par les dirigeants européens est irresponsable car il est tout à la fois inefficace et perçu comme une légitimation du discours de l'extrême droite.

Pour la gauche, la question politique centrale doit être la reconquête des classes moyennes et populaires tentées par la droite autoritaire et l'extrême droite, en réaction à la mondialisation. Or de fait, en étant un relais puissant de cette mondialisation, les structures de l'UE nous enferment de facto dans un magma de tensions identitaires intra et internationales. Lutter contre la xénophobie ne se fera donc pas en proclamant des sermons et en pointant du doigt le racisme dont feraient preuve ataviquement les classes populaires (comme on l'a fait avec les Gilets Jaunes dans un amalgame saisissant). Les tensions identitaires ne viennent pas de nulle part : elles ont pour terreau la pauvreté généralisée, les inégalités croissantes, le chômage de masse et les dénis de démocratie à répétition. C'est en mettant fin à ces dernières qu'on vaincra les premières et qu'un discours d'éducation populaire sur la fraternité humaine sera de nouveau opérant. Défendre l'Union européenne telle qu'elle est ou dans ses grandes lignes en croyant défendre l'ouverture au monde et à l'Autre, ou la fraternité universelle, est donc un contresens total : tant que les mécanismes européens qui produisent par libre-concurrence et libre-échange des ravages sur les citoyens européens perdureront les mouvements identitaires, xénophobes et anti-sociaux auront de beaux jours devant eux

les extrêmes droites en Europe

les extrêmes droites en Europe

B- Le piège du Brexit

L'Euroscepticisme des Britanniques est connu et ancien ; il est répandu depuis l'origine et l'adhésion du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord le 1er janvier 1973 dans de nombreux pans de la société britannique, divisant classes sociales, partis politiques, syndicats...

Sur cette base eurosceptique, les dirigeants britanniques ont régulièrement fait preuve d'une fermeté et d'une intransigeance à toute épreuve pour refuser tout principe de solidarité et toute évolution qui conduirait le Royaume dans autre chose qu'une zone de libre-échange. Ils ont donc manié à plusieurs reprises le chantage et avec succès. Il suffit de se rappeler le « I want my money back » de Margareth Thatcher. Au demeurant, cela prouve à quel point pour qui veut engager un rapport de force conséquent on en tire (surtout les grands pays) toujours quelque chose. La position de la Grande Bretagne est caractérisé par un nombre important de dérogations ou « opt out » en plus du « chèque britannique » obtenu en 1984 (Schengen, mécanisme de taux de change européen, Charte des droits fondamentaux, espace commun de liberté, de sécurité et de justice…).

La profondeur de la purge libérale subie pendant 18 ans par la société britannique sous Thatcher et Major – même pas contrebalancée par les mandats travaillistes de Blair et Brown – avait fini par placer la participation des Britanniques à la construction européenne comme une garantie des droits sociaux, là où partout ailleurs l'inverse était ressenti. Mais le sentiment profond du pays n'avait pas été modifié.

David Cameron, premier ministre britannique (2010-2016), Jean-Claude Juncker, président de la commission européenne depuis juin 2014

David Cameron, premier ministre britannique (2010-2016), Jean-Claude Juncker, président de la commission européenne depuis juin 2014

1) La responsabilité particulière de David Cameron

Le piège du Brexit s'ouvre sur une nouvelle opération de chantage par le « jeune » Premier ministre conservateur David Cameron qui avait succédé en mai 2010 au travailliste Gordon Brown, abattu par la crise économique (et le ras-le-bal du blairisme).

Les motivations de Cameron pour exiger de nouvelles concessions sont purement « domestiques » : en coalition avec le Lib-Dems, en chute libre dans les sondages, Cameron est tout à la fois confronté à la concurrence sur le versant europhobe de son électorat par le UKIP de Nigel Farage dont les scores ont explosé aux élections européennes de mai 2014 (27,5%) et à la réorientation d'abord timide de son opposition travailliste. Flatter les sentiments europhobes d'une partie de l'électorat conservateur lui paraît un bon calcul pour éviter une hémorragie vers le UKIP et, dans un système de scrutin majoritaire à un tour, une défaite par défaut au profit du travailliste Ed Miliband : pari réussi en mai 2015, si les Lib-Dems s'effondrent, la percée du UKIP aux élections générales est contenue à 12,6%, le parti europhobe ne gagnant qu'un siège à Westminster, les Conservateurs distancent de 6 points le Labour et obtiennent la majorité absolue.

Cameron avait commencé à dénoncer une disposition du TFUE sur une « Union sans cesse plus étroite des États membres ». Il va donc exercer une pression importante sur la Commission et le Conseil européens pour obtenir de nouveaux « opt out » espérant ainsi assécher définitivement le fonds de commerce du UKIP et déstabiliser un peu plus un Labour divisé dont les sympathisants viennent de désigner comme leader un membre peu connu de l'aile gauche parlementaire, totalement isolé au sein du PLP. Et il va y arriver : Aucune solidarité économique et financière avec le reste des membres de l'Union Européenne, notamment avec ceux qui participent à l'eurozone ; aucune perspective d'harmonisation sociale et fiscale, dans le but de décharger les sociétés britanniques d'une quelconque obligation d'équité économique ; aucune solidarité avec les États européens qui font face plus que d'autres, plus que la Grande-Bretagne elle-même, à la crise des réfugiés qui s'est aggravée avec la guerre en Syrie et la montée en puissance de Daesh – au contraire, il s'agit de limiter – en faisant porter la responsabilité des restrictions et des contrôles aux États du continent – plus encore l'entrée de migrants en Grande-Bretagne et notamment ceux qui viennent de l'Union européenne (Polonais), accusés de vouloir profiter de la générosité du Welfare state britannique (il insiste d'ailleurs particulièrement sur les dernières mesures – et celles à venir – de restriction d'accès aux aides sociales prises par le gouvernement conservateurs à cet effet) ; il s'agit également de se dégager des obligations et de la jurisprudence européenne en matière de droits de l'Homme, jugées attentatoires à la sécurité nationale et contre-productive dans la lutte contre la criminalité.

Les dirigeants européens ont cédé sur toute la ligne ; Cameron rentrait en Grande-Bretagne triomphant.

Ayant pourtant brossé dans le sens du poil le sentiment anti-européen, David Cameron ne sera pas en mesure de faire face à la violence la campagne en faveur du Brexit menée non seulement par le UKIP mais également d'éminents responsables de son propre parti (pas seulement Boris Johnson). Ils vont largement jouer d'abord et avant tout sur le sentiment anti-migrants européens, qui dans le cadre de la législation britannique ultra-libérale sont perçus comme une concurrence déloyale sur le marché du travail ; si la Grande Bretagne a obtenu des concessions impensables et qu'elle a par ailleurs délocalisé sa frontière à Calais pour tous les non européens, les partisans du Brexit expliquent qu'en dehors de l'UE, le Royaume-Uni pourrait enfin reprendre le contrôle de ses frontières et de sa politique migratoire. Ils accusent Cameron de ne pas avoir obtenu le retour du veto de la Grande-Bretagne sur toute décision européenne et dénoncent le fait que les décisions de la CJUE et de la CEDH puissent s'y appliquer. Les Brexiters vont jouer à fond sur l'image d'échec de l'Union face à la crise grecque et la crise migratoire : ils présentent l'UE comme un bateau en train de couler qu'il conviendrait de quitter au plus vite. Enfin, ils prétendent que la Grande Bretagne pourra être en meilleure posture si elle est indépendante pour négocier ses propres accords commerciaux (on y reviendra).

cette photo de David Cameron aurait pu être prise à l'annonce des résultats du référendum [joke]

cette photo de David Cameron aurait pu être prise à l'annonce des résultats du référendum [joke]

2) Comprendre les résultats du référendum

In fine, le 23 juin 2016, 51,89% répondront à la question « Le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l'Union européenne ou quitter l'Union européenne ? » par la seconde option (près de 1,3 million de voix d'écart, 70% de participation). Toutes les prévisions des instituts de sondage ont été déjouées. La participation très élevée n’a pas été favorable au camp du maintien. C’est le camp du Brexit qui s’est mobilisé de manière massive. Le premier ministre britannique en a tiré les conséquences en annonçant sa démission, dès le 24 juin au matin.

David Cameron est celui qui aura mis à nu les divisions béantes d’un royaume plus désuni que jamais ; au-delà des considérations tenant compte de la classe sociale et de l'âge des votants (les jeunes ont voté massivement pour rester dans l'UE mais ce sont en réalité massivement abstenus) les résultats donnent une image de graves ruptures internes : Seul le Grand Londres (près de 70%), l’Écosse (62% - toutes les circonscriptions écossaises donnent une majorité au remain), l'Irlande du Nord (55,8%) et le centre ouest du Pays de Galles ont voté pour le « Remain ». Ces résultats sont de nature à soutenir une remise en cause de l'unité du Royaume – le Scottish national party (SNP – gauche) au pouvoir à Édimbourg réclame d'ailleurs une relance du processus d'autodétermination écossaise, alors qu'il avait perdu le référendum sur l'indépendance en septembre 2014 – et une menace pour la paix en Irlande où les résultats sont un décalque quasi parfait de la répartition entre catholiques républicains (pro-remain) et protestants unionistes (pro-leave).

Les résultats du référendum du 23 juin 2016 et la répartition entre communautés en Irlande du NordLes résultats du référendum du 23 juin 2016 et la répartition entre communautés en Irlande du Nord

Les résultats du référendum du 23 juin 2016 et la répartition entre communautés en Irlande du Nord

Si le sentiment anti-migrant a joué, le vote pour sortir de l'UE est avant tout une expression de colère « un hurlement contre l’establishment, contre Westminster », analyse à chaud la députée travailliste Diane Abbott, proche de Jeremy Corbyn, le leader travailliste. Ce dernier résumait le 24 juin 2016 sur la BBC : « Les habitants de ce pays sont très en colère. » Les circonscriptions industrielles du Pays-de-Galles ont déjoué les pronostics en plébiscitant la sortie : Cameron pourra longtemps repenser à la manière dont il a géré la crise de l’acier. A n’en pas douter, une partie des électeurs britanniques a utilisé le référendum pour exprimer sa colère envers le gouvernement conservateur. Pendant plusieurs mois, Cameron a multiplié les mesures impopulaires et, sous la pression d’une partie de son propre camp, a été contraint de reculer sur certaines. Cela a alimenté la perception d’un gouvernement devenu bateau ivre, totalement coupé des préoccupations des Britanniques.

Le camp travailliste est également profondément divisé. À Sunderland, au cœur du heartland travailliste, le Brexit l’emporte avec 71% des voix. Témoignage de la manière dont bon nombre de communautés, notamment dans les anciens bastions industriels, de sentent marginalisées. Elles ont donc répondu à leur manière à Westminster qu’elles accusent d’abandon. Déjà, en choisissant Corbyn comme leader en septembre 2015, une majorité de travaillistes avait envoyé un message à ses responsables traditionnels. En votant pour le Brexit, un sur trois a renouvelé le message… De fait, le leader travailliste devra faire face dans les années qui suivront à plusieurs manœuvres de déstabilisation des blairistes restés majoritaires au groupe parlementaire : le discours de l’eurosceptique Corbyn était favorable au maintien pour transformer l’Union européenne de l’intérieur, ils dénoncent donc (au-delà de options économiques et sociales qu'il a rétablies au Labour) un argumentaire trop compliqué pour être audible. Le SNP a accusé le Labour d’avoir manqué l’occasion de mobiliser ses troupes. Las, la participation des Écossais au référendum est bien plus faible qu’attendue, ce qui permet aux travaillistes de retourner l’accusation. Bien évidemment, la colère provoquée par la politique d’austérité du gouvernement Cameron a, probablement, amené une partie de l’électorat de gauche à sanctionner le Premier ministre.

Pour autant, il n’y aura aucun changement de cap dans l’orientation politique menée par Westminster. Le premier ministre a confié à la conférence du parti conservateur le soin de désigner son successeur, fermant ainsi la porte à une élection générale anticipée. Après le forfait « surprenant » de Boris Johnson, ex maire de Londres et un des leaders tories du Leave, c'est donc Theresa May – précédemment ministre de l'intérieur – qui va devenir Première ministre, dans un état de faiblesse difficilement mesurable. Et c'est dans ces conditions qu'elle va devoir « négocier » la sortie de l'Union européenne.

Jeremy Corbyn, leader du Labour party depuis septembre 2015, Theresa May (ministre de l'intérieur puis première ministre) et Boris Johnson (maire de Londres puis député conservateur et ministre des affaires étrangères de juillet 2016 à juillet 2018)
Jeremy Corbyn, leader du Labour party depuis septembre 2015, Theresa May (ministre de l'intérieur puis première ministre) et Boris Johnson (maire de Londres puis député conservateur et ministre des affaires étrangères de juillet 2016 à juillet 2018)

Jeremy Corbyn, leader du Labour party depuis septembre 2015, Theresa May (ministre de l'intérieur puis première ministre) et Boris Johnson (maire de Londres puis député conservateur et ministre des affaires étrangères de juillet 2016 à juillet 2018)

3) Le Royaume-Uni et l'Union européenne au pied du mur de la sortie

Grande différence entre la France et le Royaume-Uni, ce dernier n'a pas réellement de tradition référendaire. Cameron a bricolé son référendum et il l'a fait sans imaginer un seul instant qu'il puisse être battu et sans mesurer ce qu'impliquait une éventuelle victoire du Brexit : ni du côté britannique ni du côté « bruxellois », la marche à suivre n'est pas balisée hors des très théoriques invocations à l'activation de l'article 50 du traité de l'Union européenne.

Lorsqu'un référendum est soumis au peuple français, on retient la question (comme en Grande Bretagne), on oublie trop souvent que c'est tout un texte loi complet qui est en fait soumis au vote des citoyens. Rien de cela le 23 juin 2016. Et quand bien même la France un jour s'essaierait à un exercice équivalent, il faudrait que l'exécutif qui voudrait soumettre un Frexit aux Français ait négocié pendant deux ans avec la commission et le conseil européens un accord qui soit lui soumis à référendum. Contrairement à ce que raconte Asselineau, il ne suffirait pas de supprimer le titre XV de la constitution. Il faut tenir compte de ce à ce quoi nous avons assisté depuis l'activation de l'article 50 par Theresa May voici deux ans pour adapter notre stratégie de bifurcation – et de transformation radicale de la construction européenne – et la rendre efficace.

Theresa May, déjà en position de faiblesse du fait des conditions dans lesquelles elle a accédé au pouvoir, a été mise au pied du mur par ses « partenaires » européens. Le 17 novembre 2018, ces derniers ont rejeté les propositions britanniques au sommet de Salzbourg. À partir de ce moment, les Européens se sont unis pour imposer à Theresa May l'ensemble de leurs conditions.

Ces conditions – décrites par David Cayla, dans un entretien au Figaro Vox le 16 janvier 2019 – sont de deux ordres :

  • D'abord une phase de transition est prévue à partir du moment où le Royaume-Uni quittera l'Union européenne, avec environ deux années de négociations concernant les futures relations du pays avec Bruxelles, jusqu'à fin 2020. Pendant cette période, le Royaume-Uni devra continuer de respecter les règles de l'Union européenne, de payer sa contribution, d'être dans le système de la PAC: en réalité, pendant ce temps, rien ne changera pour le Royaume-Uni. Ensuite, il y a la perspective d'une refondation des relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Cette période de transition est compréhensible, il est logique et audible qu'on ne quitte pas l'Union européenne comme cela, d'un simple claquement de doigts. Cependant cette période de transition n'est pas favorable au Royaume-Uni qui ne participe pas aux décisions de l'Union européenne mais devra continuer de payer et de respecter ses règles.

  • Le problème tient à ce qu'il se passera après 2020. Un protocole a été mis en place sur la question de l'Irlande pour après 2020 : il s'appelle « filet de sécurité » ou « backstop ». Ce protocole prévoit qu'il ne doit pas y avoir de frontières entre l'Irlande du Nord et la République irlandaise, pas non plus entre la République irlandaise et le Royaume-Uni. Pour cela, il est « proposé » au Royaume-Uni de continuer à participer à une union douanière avec l'Union européenne. Rappelons qu'une union douanière n'est pas un traité de libre-échange : cela signifie que non seulement il y a libre circulation des marchandises mais qu'en plus le Royaume-Uni ne peut pas négocier des accords commerciaux avec d'autres pays, puisqu'il doit avoir des tarifs douaniers qui soient les mêmes que ceux de l'Union européenne. Cela veut donc dire que l'Union européenne pourra signer des accords commerciaux auxquels les Britanniques devront se soumettre pour rester dans l'union douanière.
    Par ailleurs, il faut noter le fait que l'Irlande du Nord resterait entièrement dans le marché unique et devra se soumettre à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et de la même façon les Britanniques devront continuer de respecter un certain nombre de règles européennes contrôlées par une autorité
    ad hoc composées de membres de l'Union européennes et des Britanniques.
    Ce qui veut dire que, après 2020, pour garantir le non-retour d'une frontière avec l'Irlande du Nord, les Britanniques devront continuer de respecter les règles du marché unique et ne seront plus souverains en matière commerciale. C'est précisément cela qui bloque l'accord du Parlement britannique. De même que ce «
     backstop » ne peut être remis en cause qu'avec l'accord conjoint des deux parties : si l'Union européenne le refuse, le Royaume-Uni ne pourra plus jamais sortir de l'union douanière.

Est-ce à dire que l'Union européenne profite de son rapport de force favorable dans la négociation de l'accord avec le Royaume-Uni ? En fait, l'Union européenne est incapable de négocier. Ce que nous avons vu avec la Grèce en 2015 se reproduit avec le Royaume-Uni. La cohésion des États membres de l'UE repose sur l'idée qu'il faut que la partie adverse se soumette à l'ensemble des conditions de l'Union. Or l'Union européenne, dans sa structure même, n'a pas de pouvoir politique légitime, donc elle ne peut pas transgresser ses propres règles. Dans les négociations, elle demande mécaniquement à ce que ses propres règles s'appliquent sans le sens diplomatique qui conviendrait ; donc en réalité il ne s'agit pas du tout d'une négociation. Donald Tusk et Jean-Claude Juncker ont d'ailleurs logiquement expliqué qu'il n'y avait que cet accord possible, qu'il n'y aura pas d'autres négociations. Ils disent cela car c'est le seul accord possible qui respecte strictement toutes les règles. Si le Royaume-Uni ne doit pas avoir de frontière entre l'Irlande du Nord et la République irlandaise, alors il faut que le Royaume-Uni reste dans le marché unique dans son ensemble : l'obstination pour ce schéma montre que l'Union européenne fait preuve d'une absence totale de sens politique.

La politique n'est pas l'art du possible, mais plutôt l'art de rendre possible ce qui est nécessaire. Or il faut respecter le vote des Britanniques : Ils n'ont pas fait le Brexit pour sortir formellement de l'Union européenne et en garder les règles, ils l'ont fait pour retrouver leur souveraineté – notamment retrouver une souveraineté sur les accords commerciaux et sur les règles intérieures du pays… Et c'est précisément cela qui est empêché par le « backstop ». L'Union européenne ne peut structurellement pas négocier des accords politiques. Pour que les deux parties se satisfassent d'un accord, il faudrait déjà que les intérêts britanniques soient compris. Désormais il faut inventer une nouvelle manière de procéder, de refaire ce qui avait été en partie fait avec des aménagements, comme ce fut déjà le cas pour le Royaume-Uni qui ne voulait pas entrer dans l'euro. Mais pour cela il faudrait au sein de l'Union européenne une autorité politique capable de comprendre que la question irlandaise est particulièrement sensible et qu'il faudrait éviter qu'un conflit redémarre… Il faut trouver une solution mais les Européens refusent de l'imaginer car personne ne véritablement tient la barre. Car l'Union européenne est enserrée dans un système extrêmement régulé, et par définition, quand il y a des règles il n'est pas possible de les dépasser.

Au final, le « spectacle » donné par les débats à la Chambre des Communes depuis près de trois mois, paraît largement incompréhensible pour des observateurs étrangers (au demeurant on pourrait au contraire se réjouir de voir un parlement débattant réellement et à bâtons rompus, conscients de son rôle et de son pouvoir), s'explique de trois manières :

  1. La Première ministre Theresa May n'était pas taillée pour affronter son poste et moins encore dans les circonstances particulières présentes. De plus, pendant des semaines, elle a paru plus préoccupée par les intérêts de son parti plus que par ceux du Royaume – phase qui semble dépassée, après qu'elle a annoncé sa démission dès que la validation de l'accord aura été acquise, et après avoir décidé d'entamer des négociations directes avec l'opposition travailliste ;

  2. La pratique référendaire n'existe pas réellement dans la culture politique britannique. Les membres du Parlement se conçoivent de tout temps comme les seuls détenteurs de la souveraineté populaire qui leur est déléguée par les électeurs de leur circonscription. On se retrouve depuis trois ans dans une situation de conflit de légitimité et de légalité politique renforcée par le fait que le référendum n'était pas conçu pour prévoir les conditions réelles de la sortie de l'UE ;

  3. La nature de l'accord entre le gouvernement britannique et l'UE est sur les points essentiels en contradiction complète avec les aspirations des Brexiters à recouvrir l'intégralité de la souveraineté du Royaume-Uni. Difficile d'accepter un tel accord.

4) Les conséquences du Brexit

J'écris alors que les institutions européennes viennent d'accorder un deuxième report de la sortie qui aurait dû intervenir le 29 mars 2019, au point que la composition du futur parlement européen (dont l'élection doit avoir lieu le 26 mai) pourrait en être perturbée. À ce stade, il est impossible de prédire si un accord sera finalement validé ou si nous constaterons un « no deal ». Si ce dernier cas arrivait, la France aura fait partie des pays les plus intransigeants : Emmanuel Macron a été très dur avec en tête l'idée qu'on allait pouvoir récupérer les services financiers de la City. Ce sont les intérêts de la France vu du point de vue du banquier, sans percevoir ni défendre l'intérêt réel de la France, alors même que, de toute façon, la France ne récupérera pas la City.

Ces risques du « no deal » sont élevés : ce dernier déstabiliserait énormément de choses pour les Britanniques, notamment pour le commerce, à court terme. Mais ils pourront progressivement en profiter pour retrouver une forme de souveraineté et faire naître quelque chose de positif pour leur économie à moyen terme. Pour la France et l'Allemagne par exemple, il s'agira concrètement d'un coût net. La France dégage son plus important excédent commercial avec le Royaume-Uni et le « no deal » serait une très mauvaise nouvelle pour notre industrie qui est déjà en très mauvais état. La France aurait donc dû en toute logique essayer de préserver ses relations avec un pays avec lequel elle dégage des excédents commerciaux. Airbus, par exemple, dépend d'une importante partie britannique (production des moteurs). S'il y a un blocage des flux commerciaux entre le Royaume-Uni et la France, cela posera indéniablement problème à la France. De même qu'à nos pêcheurs qui n'auront plus accès aux eaux britanniques.

Au-delà des considérations sur le modèle économique ultra-libéral des Britanniques, il faut constater cependant que la catastrophe annoncée dès le lendemain du référendum n'a pas eu lieu. Non seulement le Royaume-Uni ne perd pas d'emplois mais actuellement, il en gagne. Ça ne veut pas dire qu'il n'en perdra pas après le Brexit, mais pour l'heure ce n'est pas le cas. Comme l'indiquait Coralie Delaume au Figaro Vox le 28 mars dernier, les chiffres publiés par l'Office national des statistiques indiquent que le taux de chômage vient de tomber à 3,9%, son plus bas niveau depuis... janvier 1975 (il était à près de 5% avant le référendum). Dans le même temps, le taux d'emploi (qui représente le nombre de personnes en emploi par rapport au nombre de personnes en âge de travailler entre 16 et 64 ans) est passé de 75,3 % à 76,1 % entre novembre 2018 et mars 2019 (et de 72,1% à 76,1% sur 5 ans). Alors certes, de très nombreux emplois précaires existent au Royaume-Uni, qui reste une société très inégalitaire. Ce n'est pas nouveau. Toutefois et en l'occurrence, il semble que les emplois créés soient des emplois à temps plein, puisqu'en même temps que le chômage reculait, l'emploi à temps partiel reculait légèrement aussi. Enfin, le niveau des salaires a progressé de 3,4% sur un an. C'est davantage que l'inflation, qui est autour de 2%.

Selon l'économiste Alexandre Mirlicourtois de Xerfi, ces chiffres tiennent au fait que la City résiste bien. Dans les quelques mois de l'après-référendum, des études très alarmistes sont parues. L'une d'entre elles par exemple, publiée par le think tank Bruegel, estimait à 30 000 le nombre d'emplois qui seraient perdus dans la finance à cause du Brexit. Or pour l'instant ça ne se produit pas. Selon Xerfi, « les départs s'effectuent au compte-gouttes » : 7 000 emplois ont été – ou seront – déplacés, et 2 000 postes ont été créés dans d'autres pays d'Europe. « Le total, de 9 000 personnes, représente seulement 2% des effectifs de la place londonienne […] Quant aux actifs transférés, 800 milliards de livres, ils représentent moins de 10% du total. Pas de quoi mettre en péril la suprématie financière de la capitale britannique face à des places comme Paris ou Francfort.

Frédéric Faravel

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