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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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17 avril 2019 3 17 /04 /avril /2019 11:21

La politique commerciale est une politique exclusive de l'Union européenne (UE), le seul interlocuteur en interne comme en externe est la Commission, qui en tant que négociateur représente les 28 États.

Le traité de Nice, entré en vigueur en 2003, soumet les accords portant sur le commerce des services et des aspects commerciaux de la propriété intellectuelle à la compétence exclusive de l'Union, mais en règle générale, ces accords doivent être approuvés par le Conseil à l'unanimité après consultation du Parlement européen.

L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009 donne au Parlement européen un rôle équivalent au Conseil européen (procédure législative ordinaire) pour définir le cadre dans lequel est mise en œuvre la politique commerciale. En conférant une nouvelle compétence exclusive de l'UE aux services culturels et audiovisuels, aux services d'éducation, sociaux et de santé humaine ainsi qu'aux investissements à l'étranger, le traité étend désormais cette compétence à la quasi-totalité des accords commerciaux. Enfin, la majorité qualifiée est requise pour certains accords concernant les services et aspects commerciaux de la propriété intellectuelle.

Les États membres n'assistent pas aux négociations et là où ils sont présents, (OMCetc.) ils ne prennent la parole qu'au titre national et non-européen. Mais le traité instaure un processus de décision équilibrée assurant la capacité de négociation de l'UE. Les États membres (et le Parlement) disposent de deux atouts essentiels : la possibilité d'ouvrir des négociations avec les pays tiers (adoption de mandat) et la possibilité de conclure des accords négociés (art. 218). Il revient également à la Commission d'informer régulièrement les États membres et – en théorie – le Parlement pendant les négociations.

Enfin, les accords sont, à l'issue des négociations internationales, signés et ratifiés par le Conseil de l'UE, et nécessitent l'approbation du Parlement européen.

Pour la négociation et la conclusion des accords, le Conseil statue normalement à la majorité qualifiée. L'unanimité des États membres demeure cependant requise dans trois domaines :

  • dans le domaine du commerce des services, des aspects commerciaux de la propriété intellectuelle et des investissements directs étrangers, lorsque l'accord négocié comprend des dispositions pour lesquelles l'unanimité est requise pour l’adoption de mesures internes (parallélisme entre règles internes et règles externes) ;

  • dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, lorsque les accords négociés risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'UE. Cette mesure d'"exception culturelle", avancée en particulier par la France, évite de remettre en cause les aides nationales et européennes accordées dans ce secteur ;

  • dans le domaine du commerce de services sociaux, d'éducation et de santé, lorsque les accords négociés risquent de porter atteinte à la compétence des États membres pour la fourniture de ces services.

En matière d'accords avec des pays tiers, l'UE s'est engagée en faveur du « Programme de Doha pour le développement », un cycle de négociations multilatérales visant à poursuivre la libéralisation mondiale des échanges tout en y intégrant le développement des pays pauvres, lancé en novembre 2001 sous l'égide de l'OMC. Mais ces négociations piétinent en raison de l'absence de consensus entre l'UE, les États-Unis et les autres blocs régionaux (G20, G90), en particulier sur les questions agricoles, les services et la propriété intellectuelle.

Sans remettre totalement en cause ses objectifs, la suspension du cycle de Doha en 2006 a dès lors multiplié le recours aux accords bilatéraux, y compris par l'UE.

Les évolutions de la politique européenne entrent parfois en contradiction avec ses positions initiales. En l'occurrence, le principe de "préférence communautaire" est atténué avec l'importante diminution du tarif extérieur commun (mais le commerce entre États membres représente encore 60% du total des échanges), tandis que le soutien à certains secteurs (agriculture, culture...) est considéré comme une entrave au commerce mondial par certains membres de l'OMC.

L'UE promeut des Accords de Libre-échange promeut portant non seulement sur la réduction des droits de douane pour les marchandises, mais aussi l'accès aux services, la lutte contre les barrières non tarifaires (comme les normes sanitaires), un meilleur accès aux marchés publics, la protection de la propriété intellectuelle (dont les Indications géographiques), l'application de règles strictes de concurrence ou encore le développement durable.

Ces accords selon la Commission européenne ont pour principaux objectifs de :

  • libérer l’accès aux marchés pour les entreprises européennes, voire fournir des débouchés aux secteurs en crise ;

  • créer des précédents pour un renforcement des règles multilatérales dans les domaines d'intérêt de l'UE (indications géographiques, marchés publics…) ;

  • retrouver des leviers d’influence à l’égard de pays peu sensibles aux demandes de l’UE ;

  • contribuer à une meilleure gouvernance internationale à travers le respect de clauses environnementales et sociales ambitieuses.

Le 28 novembre 2011, l’UE et les États-Unis mettent en place un groupe de travail de haut niveau sur la croissance et l’emploi, destiné à trouver des solutions à la crise économique, mené par Ron Kirk et Karel De Gucht. En juin 2013, le Conseil européen donnait à la Commission européenne un mandat de négociation avec les États-Unis pour la création d'une vaste zone de libre-échange, baptisée TAFTA ou TTIP, dans l’esprit de ce qui existe déjà sur le continent américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (Alena). Le but est de jeter les bases d’un immense marché commun – 820 millions de foyers – par une harmonisation progressive des réglementations et de la reconnaissance mutuelle des règles et normes en vigueur. Le 4 juillet 2013, le Parlement européen votait une résolution refusant le report des négociations malgré la surveillance américaine des communications des négociateurs européens.

Les négociations furent donc menées par la Commission européenne dans une totale opacité ; les parlementaires européens qui ont tenté d'accéder au dossier ont d'ailleurs fait l'objet d'une surveillance particulièrement intrusive et ne sont vus confier que des documents largement caviardés afin de protéger le secret des négociations. Les estimations de croissance mises en avant par ses promoteurs ont été largement contestées par les ONG : la signature d’un tel traité, « aboutissement de plusieurs années de lobbying des groupes industriels et financiers » qui implique « le démantèlement ou l’affaiblissement de toutes les normes qui limitent les profits des entreprises », selon ATTAC, aurait été destructrice d’emplois. Elle aurait également abouti à rien de moins que la fin de la souveraineté des États dans de multiples domaines : agriculture, environnement, industrie… Les positions de la France sur les OGM n'auraient plus été tenables dans le cadre de cet accord. Il en aurait été de même sur le dossier du gaz de schiste, et également sur les politiques de santé publique contre lesquelles les cigarettiers pourraient intervenir. Un des aspects du TAFTA, notamment, était extrêmement controversé  : celui qui prévoyait de confier à des instances arbitrales (et non à la justice publique) le règlement de conflits entre les sociétés multinationales et des États. Selon le TAFTA, si un pays prenait des mesures pour limiter la consommation de tabac, pour lutter contre la dégradation de l'environnement, pour protéger les données personnelles, il pouvait être traîné devant ces instances arbitrales par des groupes industriels s'estimant lésés... 

Finalement alors que le gouvernement français de François Hollande continuait d'espérer sa conclusion, les Européens – Allemagne en tête – constatèrent l'échec des négociations entre la fin de l'été et le milieu de l'automne 2016, alors que s'engageait en France et aux États-Unis des campagnes pour les élections présidentielles. Les candidats à la présidentielle avait pris leurs distances vis-à-vis du TAFTA, qui n'y était pas plus populaire qu'en Europe où une véritable mobilisation citoyenne commençait à prendre. Ainsi en Allemagne, l'opinion s'était largement retournée malgré le soutien des partis de la coalition d'Angela Merkel.

Fin de l'histoire ? Non, car un traité peut en cacher un autre. En l'occurrence le CETA, traité négocié dans la même opacité avec le Canada qui prévoit lui aussi une procédure de règlement des différends par des instances arbitrales. Or le CETA peut selon lui servir de cheval de Troie aux grandes firmes cherchant à imposer leurs intérêts aux États car elles ont toutes des filiales au Canada, et pourraient donc poursuivre les pays européens par ce truchement. Or en pleine campagne électorale française, le CETA – soutenu fortement par le gouvernement Hollande – était voté le 14 février 2017 par le Parlement européen (408 voix pour, 254 voix contre et 33 abstentions). Dans l'attente de sa ratification par les parlements nationaux des États membres de l'UE, celui-ci s'applique provisoirement depuis septembre 2017. Or au même moment, une commission d'experts réunie quelques mois plus tôt à la demande de l'exécutif français rendait son rapport. Si l’on prend la peine de le lire attentivement, toutes les craintes exprimées sur le CETA étaient relayées, notamment les risques de fragilisation du principe de précaution et de confrontation de deux modèles agricoles diamétralement opposés, au bénéfice exclusif des grandes exploitations fonctionnant de manière industrielle. Enfin, le rapport regrette l’absence totale d’ambition du CETA en matière de climat, « grand absent » de l’accord. Le gouvernement Macron ne donna aucune suite à ce rapport et on ne connaît toujours pas la date du débat parlementaire en France pour la ratification du CETA.

Au printemps 2017, la Commission européenne publiait un document de réflexion, intitulé « Maîtriser la Mondialisation », dont une partie était consacrée au commerce. Pour la première fois, elle reconnaissait certains effets négatifs de la mondialisation – l’augmentation des inégalités, notamment – mais elle ne proposait pour y remédier. Et pourtant, s’il y a bien une matière sur laquelle la Commission devrait revoir son approche, c’est bien sa politique commerciale. Depuis des années et encore plus depuis l’arrivée de Trump et sa stratégie du rapport de force, le libre- échangisme à outrance est présenté par la Commission européenne comme la seule réponse : c'est un acte de foi. La Commission a accéléré ainsi ses négociations avec le Mexique, le Japon1, le Mercosur ou le Chili, l’Australie, la Nouvelle Zélande, Singapour et le Vietnam. Selon la Commission européenne, il n'y aurait que deux manières possibles de faire du commerce : la fermeture totale des frontières (protectionnisme) ou l’ouverture maximale (libre échange). Ces deux voies sont dangereuses car destructrices de bien-être. Si elle n’évolue pas radicalement dans ses méthodes comme dans son contenu, la politique commerciale de l’Union européenne est condamnée. Il n’est pas ici question de remettre en cause l’importance du commerce pour nos économies mais d’acter l’échec du libre-échangisme généralisé, à tout point de vue : agriculture, industrie, travail, salaires, santé, environnement... Le « grand déménagement du monde » éloigne chaque jour un peu plus des incantations à sauver la planète.

Enfin en janvier dernier, les États-Unis ont proposé de relancer le partenariat transatlantique. Point de TTIP ou de TAFTA cette fois-ci, mais un nouvel accord sur mesure qui engloberait de très nombreux champs qui étaient présents dans les tentatives précédentes. Ce soi-disant traité « allégé » n’est qu’une façon de faire revenir par la fenêtre ce qui avait été politiquement chassé par la mobilisation des citoyens européens. Washington a en effet publié la liste de ses objectifs de négociation commerciale, et autant dire que tout y passe : biens industriels, agriculture, flux transfrontaliers de données, etc. Les États-Unis revendiquent une baisse des droits de douane, ce qui est déjà très critiquable, et une coopération et un alignement réglementaire progressif des deux zones de libre-échange. Pire, ils veulent nous empêcher d’interdire certains OGM qui sont utilisés sur le sol américain. Mais les propositions américaines n’en restent pas là. Alors que l’urgence climatique se fait de plus en plus pressante, et que nous assistons dès maintenant à des changements en profondeur de notre écosystème, aucune référence à la COP21 n’est présente dans les propositions qui émanent des institutions américaines. Nous sommes face à un défi civilisationnel et nous ne pouvons tolérer de telles aberrations qui mettent en cause la survie de nos sociétés démocratiques. Le Conseil européen a avalisé à la majorité qualifiée lundi 15 avril 2019 un mandat à la Commission européenne pour la reprise des négociations : le Président français Emmanuel Macron y a opposé un « non » de façade qui décrit à la fois un exécutif avant tout tourné sur les questions européennes vers la communication politique et un niveau d'isolement politique rarement atteint.

Frédéric Faravel

1Le JEFTA a été signé en juillet 2018, ratifié en décembre de la même année par les parlements japonais et européen, sans que les parlements nationaux européens ne soient appelés à se prononcer. Il est entré en vigueur le 1er février 2019.

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