Lundi 12 juillet, le Président de la République a pris solennellement la parole pour annoncer des mesures supplémentaires et contraignantes pour augmenter notre réponse à la crise sanitaire qui frappe notre pays et l’ensemble de l’humanité depuis 18 mois. Un projet de loi reprenant l’essentiel de ces annonces est examiné depuis le 20juillet par le Parlement.
Je suis pour ma part évidemment très favorable à la vaccination contre le COVID19 et à sa généralisation, mais il convient de regarder si les mesures proposées répondent correctement au défi que nous devons relever et dans quel contexte elles s’inscrivent.
Un échec des réponses et de la communication politiques de l’exécutif
Au moment à l’explosion des contaminations par le variant delta en France et à ce qui ressemble de plus en plus à 4ème vague épidémique, analysons les raisons pour lesquelles un trop grand nombre de nos concitoyens manifeste des doutes face aux décisions publiques, à la gestion de la pandémie et traînent des pieds pour se faire vacciner.
L’allocution d’Emmanuel Macron d’abord l’échec des politiques successives mises en œuvre depuis le début de l’année 2020. L’exécutif a trop souvent menti et les discours ont trop souvent varié ; la dernière allocution d’Emmanuel Macron ne fait pas exception :
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Un triomphalisme « hors sol » : Si l’action conduite avait été aussi couronnée de succès que le racontait Emmanuel Macron, alors la nécessité de durcir la réponse à la crise ne serait pas justifiées. Les Français n’ont pas vécu la crise sanitaire et les privations qu’il leur a imposées d’une manière qui supporte un tel lyrisme. Les résultats parlent : la France enregistre aujourd’hui environ 166 décès recensés pour 100.000 habitants, parmi les 20 pays les plus touchés au monde, alors qu’elle était censée avoir l’un des meilleurs systèmes de santé, derrière le Danemark (45), l’Allemagne (113), les Pays-Bas (105) mais aussi l’Irlande (100), le Portugal (159) ou la Grèce (119) ;
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La dureté du ton et des mesures égrainées (notamment sur l’élargissement et le renforcement du Pass sanitaire dès le 1er août aux adolescents) ont dû être compensés dès le lendemain car en partie déconnectés de la réalité quotidienne des Français. L’exécutif faisait constamment fi de cette dernière, rendant les mesures imposées difficilement ou pas applicables, préparant le coup de menton de l’intervention suivante.
Au delà des mensonges explicites bien connus (masques, tests, etc.), au-delà des défaillances que nous avons longuement dénoncées et qui sont apparus criantes (abandon de l’hôpital public, pénurie de médicaments, dépendance industrielle et pharmaceutique à l’étranger lointain), il y a également une incapacité chronique à mettre en œuvre les politiques annoncées.
Aucun contrôle du « tester, isoler, tracer »… Insuffisance des campagnes de tests dans les établissements scolaires… Insuffisance des contrôles aux aéroports.. Difficultés inexplicables faites aux collectivités (en nombre insuffisants) qui souhaitaient accueillir un centre local de vaccination anti-COVID ou encore le refus initial de mettre en place des vaccinodromes (tout cela pour des raisons peu avouables, à savoir la pénurie initiale de doses de vaccins)… Retard des dispositifs pour entrer en contact, convaincre et vacciner toutes les populations fragiles, en particulier les personnes âgées qui vivent seules chez elles… ou encore les personnes les plus pauvres, isolées ; nous le payons encore !
Le gouvernement n’a pas donné l’impulsion nécessaire pour obtenir une mobilisation suffisante afin de permettre la vaccination quasi-totale des personnes fragiles et vulnérables, pour rapprocher lieux de vaccination et d’information des habitants que ce soit en milieu rural ou dans les quartiers populaires de nos banlieues. Croit-on qu’il soit suffisant pour convaincre et rassurer de limiter les campagnes d’information publique à des spots mettant en scène le rêve d’une grand-mère de retrouver ses petits enfants ou celui d’un rugbyman de retrouver ses camarades de jeu grâce au vaccin ?
Faute d’arriver aux objectifs fixés car il a failli à en donner les moyens à la puissance publique, l’exécutif décide désormais brutalement d’accroître et de généraliser les contraintes, les interdits… sans pouvoir répondre à la question qui reste en suspens au regard des expériences précédentes : si tant est que cela soit souhaitable et adapté, la puissance publique sera-t-elle plus efficaces pour faire appliquer l’élargissement du périmètre du Pass sanitaire alors que les précédents dispositifs ont été approximatifs… ?
Cette forme de contrainte relative apparaît de prime abord comme un outil potentiellement puissant pour inciter certains de nos concitoyens à sauter le pas de la vaccination – plus de 3 millions de personnes ont en effet pris RDV pour se faire vacciner dans les 3 jours qui ont suivi l’allocution présidentielle –, il conviendrait désormais de garantir que les infrastructures et les doses soient au rendez-vous : pour vacciner entièrement l’ensemble des soignants qui ne le sont pas encore d’ici le 15 septembre ainsi que les millions de Français qui prennent RDV désormais dans la perspective de la généralisation du Pass Sanitaire, il faudrait mettre les bouchées doubles. Rien ne serait plus détestable que le fait de créer un embouteillage dans la vaccination des soignants jusqu’ici hésitant, alors que – faute d’avoir mis en place jusqu’ici les dispositifs nécessaires pour emporter leur conviction – l’exécutif vient de fortement les stigmatiser. Si les pouvoirs publics viennent à manquer de doses ou que les locaux ne sont plus adaptés à un tel afflux de patients, certains de concitoyens pourraient avoir à patienter de nombreuses semaines avant de bénéficier du Pass sanitaire espéré ; les Français concernés le vivraient alors comme une punition, une nouvelle forme d’infantilisation collective à laquelle la gestion de la crise sanitaire en France nous a trop souvent habitués. Or des signes inquiétant de manque de doses, la suspension pendant quelques jours de la possibilité de prendre RDV, la capacité à trouver ensuite des créneaux disponibles démontrent que l’exécutif a une nouvelle fois annoncé des mesures sans s’être réellement préoccupé de la capacité à les assumer correctement !
Par ailleurs, le projet de loi sur la mise en place de ces mesures implique des effets graves sur le code du travail avec la possibilité pour un chef d’entreprise de licencier un de ses salariés au motif de sa situation vaccinale : voilà un précédent particulièrement dangereux et explosif. L’effet serait contre-productif et dévastateur pour la cohésion nationale.
Emmanuel Macron fustige constamment le désordre que pour une large part il a produit pour faire oublier ses propres carences… et chaque jour qui passe la parole et l’action publiques sont un peu plus dévalorisées aux yeux des Français qui pour certains finissent par considérer que le respect des mesures doit être tout autant approximatif que leur mise en œuvre.
Désertion de la rationalité
Pour bon nombre de nos concitoyens, plus rien n’est clair, tout se vaut. Il est vrai que depuis trop longtemps l’influence de l’industrie pharmaceutique dans les agences publiques ou auprès des experts est importante et dans certains cas influent sur les décisions publiques au profit de leur intérêt. Bref l’éthique de l’intérêt général, de l’intérêt public, a pris de sérieux coups depuis que l’État est affaibli, technocratisé, et que certaines de ses missions sont confiées au privé.
Certains domaines de la stratégie vaccinale mise en place par le gouvernement ont été confiés au cabinet de conseil américain McKinsey, ainsi qu'à plusieurs autres cabinets (Accenture, Citwell et JLL). Ces prestations extérieures s'élèveraient à 2 millions d'euros par mois pour McKinsey, selon l'enquête du Point, et 1,2 million d'euros pour Accenture, d'après Mediapart. Interrogé sur ce sujet en commission à l'Assemblée nationale le 12 janvier dernier, le ministre de la santé Olivier Véran a balayé d'un revers de main la question : « Il est tout à fait classique et cohérent de s'appuyer sur l'expertise du secteur privé », fermez le ban ! Certains libéraux sincères diront qu'en théorie le recours à des cabinets de conseil n'est pas choquant en soi au regard de l'urgence et de la crise, mais le recours à des cabinets privés ne concerne pas seulement la politique de santé publique, mais bien d'autres domaines depuis le début du quinquennat et la fréquence et l'accélération de ces méthodes en disent long aujourd'hui sur l'état d'esprit de l'exécutif et l'état de notre administration. Car la question aujourd'hui est de savoir s'il est normal qu'une administration comme celle de la santé ne soit plus en capacité d'assurer un certain nombre de missions ! Sans compter qu'Emmanuel Macron entretient des liens anciens avec McKinsey et certains autres cabinets sollicités et que cela ne pouvait susciter que suspicion et polémique ce dont n'avait pas besoin l'action publique pour la mise en œuvre de la stratégie vaccinale.
Il y a aussi des discours des scientifiques, confus, contradictoires, venant de médecins d’inégales compétences sur le sujet, dont les déclarations ne se sont jamais confrontées avec des arguments rationnels, permettant de mieux cerner ce qui est acquis, confirmé, ce qui est plus incertain mais peut se confronter à une certaine réalité… Bref rendre public et abordable les enjeux des choix scientifiques. Mais cela aucune chaîne d’information – pas plus que le gouvernement – ne s’est astreinte à une pédagogie précise et à ces échanges d’analyse, préférant mettre en scène des empoignades.
Qui rappellera quelques faits concernant les vaccins et la vaccination ? Lorsque les vaccins ont atteint la phase 3 – dans laquelle sont ceux qui sont autorisés dans l’Union Européenne –, les effets secondaires attendus ont toujours été conformes à ceux détectés dans les phases précédentes. L’argument sur le « manque de recul » avancé par nombre de nos concitoyens inquiets ou réticents ne tient pas : « Il n'y a aucun exemple de vaccin qui a induit des effets indésirables à long terme qui ne s'étaient pas manifestés dans les 2 mois après la vaccination », a rappelé le Pr Mathieu Molimard, chef de service de pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux.
Depuis l'ouverture de la campagne de vaccination en décembre 2020, 36 millions de personnes ont reçu au moins une dose d'un des quatre vaccins homologués en France ; à l'échelle mondiale, plus de 2 milliards de premières injections ont été recensées, touchant un quart de la population de la planète, selon la base de données Our World in Data (en anglais : https://ourworldindata.org/covid-vaccinations?country=OWID_WRL). « On a déjà un recul de l'ordre d'une année pour les personnes qui ont été dans les essais cliniques », indique Daniel Floret, vice-président du Comité technique des vaccinations, rattaché au Haut Conseil de la santé publique. Dans le cas des vaccins contre le Covid-19 autorisés en France, les effets indésirables graves ont été identifiés rapidement : après quatre jours en moyenne pour les très rares myocardites identifiées après une injection du vaccin Pfizer-BioNTech, en moins de dix jours pour les rares thromboses liées au vaccin d'AstraZeneca et « quelques semaines après la vaccination » avec le vaccin Janssen pour le syndrome de Guillain-Barré, lui aussi très rare ; or les seuls effets secondaires réellement établis en lien avec une vaccination se sont toujours déclarés peu de temps après l'injection. Ces effets secondaires indésirables ont été communiqués dès l’origine de manière transparente et ils sont statistiquement insignifiant. Pourtant leur exposition médiatique a été suralimentée pendant des semaines, au point que les parlementaires sont ensevelis sous les courriels leur expliquant qu’Israël ferait face aujourd’hui à une épidémie d’embolies pulmonaires, ce qui est faux.
La communication gouvernementale de plusieurs pays occidentaux – dont le nôtre – a ainsi été désastreuse : la décision de suspendre durant deux jours, en mars dernier, les injections avec le vaccin AstraZeneca, après l'identification de plusieurs cas de thromboses (dont on n’est toujours pas arrivé à démontrer le lien avec le vaccin) a cassé une campagne de vaccination qui avait déjà du mal à démarrer du fait du public concerné bien trop limité et des pénuries. Personne ne niera un risque de complications, bien que statistiquement infime (et inférieur à celui existant pour la « pilule »), mais cette suspension était inutile dans le sens où si un doute réel avait existé il n’aurait pas été levé en deux jours d’études : en définitive, cela a simplement jeté l'opprobre sur le vaccin, l’AstraZeneca et les autres. Désormais la défiance à l’égard de ce vaccin n’a abouti qu’à deux choses : des stocks non utilisés par dizaines de milliers qui vont être périmés et perdus ; un sentiment de mépris social dans une partie de la population médicale (nous y reviendrons), puisque ce vaccin était alors proposé en priorité aux infirmiers et aides-soignants alors même que médecins et chefs de service se voyaient proposer du Pfizer ou du Moderna…
Qui rappellera également que l’ARN messager ne sort pas du chaudron d’une sorcière ? Selon certains de nos concitoyens, les scientifiques manqueraient de recul sur la technologie employée par les vaccins, à savoir l'ARN messager pour Pfizer-BioNTech et Moderna et les vecteurs adénoviraux pour Janssen et AstraZeneca. Or l'ARN messager est une technologie connue depuis les années 1990, utilisée en immunothérapie et contre le cancer. Cette découverte scientifique permet d'aller beaucoup plus rapidement pour proposer une solution : avec des vaccins classiques, on en serait encore à faire des tests pré-cliniques. Les travaux sur les vaccins ont également été accélérés grâce aux recherches sur le premier syndrome respiratoire aigu sévère (Sars) identifié au début des années 2000. L'ARN messager disparaît de la cellule très rapidement après son introduction, donc il ne persiste pas ; même chose pour les particules lipidiques, vecteurs de l'ARN messager. Quant aux vaccins à vecteurs adénoviraux Janssen et AstraZeneca, là aussi, les spécialistes certifient leur fiabilité : de tels vaccins existent depuis de nombreuses années, pour lesquels on n'a pas eu de problème particulier, notamment contre Ebola.
Avec les préventions actuelles et les théories ou argumentations fantaisistes qui circulent aujourd’hui abondamment, l’éradication de la variole ou de la polio aurait été impossible. Pourtant la protection de la société en ces temps de pandémie passe par la vaccination. Au-delà du risque individuel posé par une absence de vaccination, se pose aussi un risque collectif : continuer à laisser circuler le virus lui permet de continuer de se diversifier, avec le danger de nouveaux variants, qui pourraient être capables de résister davantage aux vaccins ou de contourner le système immunitaire. La vaccination est la seule réelle alternative : on ne saurait confier utilement notre avenir à la seule responsabilité individuelle de la prudence, de la limitation des interactions sociales et du respect des gestes barrières, car non seulement notre société ne tiendrait pas longtemps à ce régime déshumanisant et désocialisant mais elle n’empêcherait pas la diffusion et les mutations multiples du virus. À ce titre, la vaccination mondiale est indispensable et les réticences de l’exécutif français et de l’UE à la levée des brevets est coupable ! On ne saurait répondre à l’urgence sanitaire dans les pays en voie de développement par la seule charité ou le programme de don COVAX : il faut pouvoir produire partout et massivement sans se préoccuper des intérêts privés des industries pharmaceutiques.
Le mépris social contre notre bien-être collectif
Le rapport entre insuffisance de la vaccination et milieu social a été démontré à grand renfort de cartes et de statistiques. Cela vient couronner des années d’abandon social et géographique d’une partie de nos concitoyens : déserts médicaux et détresse éducative s’ajoutent à la détresse économique… Dans une société où l’expression est devenue minimale au point parfois de faire disparaître la nuance et la précision du langage, dans une société où l’éducation à la pensée scientifique, à la rationalité du doute a fortement régressé, un effort redoublé était nécessaire pour se rapprocher de nos concitoyens des territoires qui subissent une forme de ségrégation territoriale, des catégories populaires qui sont les plus exposées au virus car occupant des logements plus exigus, ou inadaptés à la taille du foyer, et qui n’ont pas les capacités de télétravailler ou les moyens de tenir avec le chômage partiel. Cet effort n’a pas été fait !
Pire ! Emmanuel Macron a annoncé le déremboursement des tests PCR pour le mois de septembre ! Cette mesure est invraisemblable !L’argument est simpliste : la cherté des tests incitera les catégories populaires à se faire vacciner… voilà une autre démonstration de la déconnexion macroniste du pays réel ! Les tests PCR ne sont pas une solution de facilité pour nos compatriotes, personne ne se précipite dans les pharmacies qui les proposent par effet d’aubaine selon un « principe de marché ». Les tests PCR sont un dispositif médical qui nous permet collectivement de lutter contre la pandémie. Sans effort supplémentaire pour aller au plus près de nos concitoyens dans les quartiers populaires pour faciliter l’accès à la vaccination et donc convaincre de sa nécessité et de son innocuité – et rien de ce type n’a été annoncé depuis le 12 juillet !? Pis, l’étude d’impact du projet de loi se félicite qu’il n’aura « aucun impact budgétaire notable » ce qui indique que le choix a été fait de ne rien changer –, nous n’aurons pas plus de vaccinations… mais nous aurons assurément moins de tests et nous perdrons la mesure de la diffusion de l’épidémie, un outil pour réagir à l’évolution de la situation sanitaire.
Le cas des soignants est là-aussi particulièrement emblématique. Alors que les médecins, infirmiers et aide soignants ont tenu à bout de bras face à la pandémie – dans des conditions dégradées, après des dizaines d’années de politiques libérales en matière de santé publique –, le pouvoir a cru pouvoir répondre au profond malaise (qu’il avait encore accru avec Agnès Buzyn) de ces professions et aux immenses besoins de moyens et de changement de l’hôpital public par le « Ségur de la Santé ». C’est peu de dire que cette grand messe de communication politique n’a pas convaincu la plupart des personnes concernées : versement de primes au lieu de la revalorisation des salaires et des métiers, poursuite des fermetures de lits, de postes et de services. Comment le gouvernement a-t-il pu imaginer que celles et ceux qui avaient affronté la pandémie vêtus de sacs poubelles l’en auraient tenu quitte alors que la logique suicidaire qu’il subissait était maintenue.
La pénurie de vocations s’aggrave ; les démissions et les postes non pourvus se multiplient de façon alarmante et ce bien avant l’annonce de l’obligation vaccinale. La situation est similaire dans les EHPAD. Il est urgent de renouer un dialogue sérieux, en répondant aux propositions de ceux qui font vivre notre système de santé. Sans doute, si ce dialogue avait été noué, si ces professionnels avaient ressenti de l’attention et du respect, la confiance serait bien meilleure. Si dans chaque EHPAD, dans chaque hôpital ou dans chaque clinique avaient été organisées des rencontres sur la vaccination, sans doute la conviction aurait été mieux acquise. Mais le pouvoir préfère engager une épreuve de force avec ceux qui doutent… Si la vaccination était malgré ces démarches restée insuffisante, l’obligation vaccinale aurait pu être envisagée, mais nous aurions fait l’économie de la séquence actuelle vécue par des nombreux soignants comme une forme de stigmatisation. Et cela laissera des traces alors même que notre système de santé doit être remis sur pied. Il n’est cependant pas trop tard pour faire ce qui n’a pas été fait avant et, dans toutes les structures concernées, il y a urgence à mettre en place des cellules de paroles et d’échange pour combattre les réticences, rassurer et convaincre.
La confiance naît du contrôle et de la coopération démocratiques
Les défaillances importantes qu’a connues notre pays dans sa réponse à la crise sanitaire vient des pouvoirs excessifs accordés au président de la République. C’était déjà contestable dès les débuts de la Vème République, cela l’est plus encore aujourd’hui. Emmanuel Macron a commencé son quinquennat en trahissant son engagement de mettre fin à l’état d’urgence consécutif aux attentats de novembre 2015 (il a duré 719 jours !) : en effet, si nous sommes formellement sortis de ce régime exceptionnel, ses principales dispositions ont été intégrées dans le droit commun. Face à la crise sanitaire et à la pandémie, la France vit dans un régime exceptionnel, qu’il soit nommé état d’urgence sanitaire ou « sortie de l’état d’urgence sanitaire » comme aujourd’hui, depuis la mi mars 2020 ; le projet de loi sur la vaccination obligatoire des soignants et l’élargissement du Pass sanitaire prolongeant le régime de « sortie de l’état d’urgence sanitaire » jusqu’au 31 décembre 2021 (il devait s’achever au 30 septembre), les 18 mois d’état d’urgence gaulliste seront à nouveau dépassés. Les régimes d’exception semblent particulièrement convenir à Emmanuel Macron.
Or dès l’instauration du premier état d’urgence sanitaire permis par la loi du 23 mars 2020, nous avions dénoncé et alerté, par la voix de nos parlementaires, les abandons excessifs concédés par le Parlement à l’exécutif. L’Assemblée nationale et le Sénat se sont bien facilement et malheureusement volontairement délestés de leurs (rares) capacités de contrôle : le gouvernement a pu agir plus librement encore que par le passé avec des obligations cosmétiques en matière d’information et de consultation du Parlement.
Les décisions sont donc prises par un homme presque seul, avec son « conseil de défense », sorte de creuset où se concocte ce que sera notre destin… Les consultations en direction des parlementaires – par l’intermédiaire de leurs présidents de groupes –, des partis politiques ou des Associations de collectivités territoriales ou d’élus locaux sont toujours purement formelles, les décisions étant déjà prises avant celles-ci. Aucune délibération collective réelle, notamment du Parlement avec transmission de toutes les informations disponibles – dans les dispositifs d’état d’urgence antérieurs, le gouvernement avait obligation d’informer le Parlement de toute décision prise dans ce cadre de leurs motivations, sous l’état d’urgence sanitaire c’est au parlement de demander précisément ce qu’il ne connaît pas et le gouvernement apprécie seul du niveau de réponse.
Il est faux de croire que la voie solitaire choisie par l’exécutif aurait le mérite de l’efficacité car il ne serait retenu par aucune pesanteur ; l’expérience nous a démontré que la présidence et le gouvernement tardaient souvent à faire preuve de réactivité quand toutes les données scientifiques indiquaient une remontée des contaminations, le renforcement des restrictions intervenant souvent au pied du mur. Une concertation et une collaboration réelle avec le parlement aurait au contraire sans doute permis une stratégie plus graduée, entraînant d’avantage d’adhésion et au final plus d’efficacité. Mais là, le parlement va être à nouveau amené à ratifier sous pression ce que le Prince Président a décidé, dans des conditions de débats indignes d’une démocratie.
Si au nom de l’intérêt général, de l’intérêt public, il convient que des restrictions ou contraintes nous soient imposées, elles ne peuvent procéder du choix d’un homme mais des représentants du peuple ! Cette pandémie ne doit pas nous habituer à ce que nous devions subir des décisions régaliennes.
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Le gouvernement doit revenir à la raison : s’il paraît nécessaire pour faire face de passer au stade supérieur pour la vaccination des soignants, il ne saurait être question d’abandonner définitivement le nécessaire travail d’information et de conviction. C’est la même chose quant aux mesures excessives qui accompagnent le Pass Sanitaire, notamment pour les adolescents et en matière de déplacements (le RER et le métro ne sont pas plus anti-COVID que le TGV ou les intercités) ; les conséquences catastrophiques que son projet de loi implique en matière de droit du travail doivent être purement et simplement abandonnées. Il en va de même de l’idée saugrenue de dérembourser les tests PCR.
Enfin, le gouvernement doit enfin engager un véritable travail d’information et de conviction au plus près de nos concitoyens, notamment dans les quartiers populaires et les communes rurales, là où la vaccination a aujourd’hui le plus de mal à convaincre, en multipliant les sites de vaccination. Plutôt qu’une logique de sanctions visant à masquer les défaillances macronistes, cet effort est indispensable et doit être engagé quoi qu’il en coûte !
Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
Coordinateur national des pôles thématiques de la GRS