Il y a 50 ans le 30 janvier 1972 l’armée britannique tirait à balles réelles sur une manifestation pacifique à #Derry faisant 14 morts et 28 blessés, tous civils, tous victimes des militaires. C’est le #BloodySunday le plus connu de l’histoire moderne irlandaise.
Il faut rappeler le contexte pour comprendre ce qu’il s’est passé et la gravité du crime !
Depuis 1966-67 la Northern Ireland Civil Right Association (NICRA), fondée par des communistes, des républicains, des libéraux et des travaillistes, mène une campagne intense pour dénoncer les discriminations dans la province d’Irlande du Nord.
La NICRA fait suite à la Campaign for Social Justice qui a de 1964 à 1966 publié les preuves des discriminations économiques et sociales dont sont victimes les Irlandais catholiques dans cette partie du Royaume Uni. Il s’agit maintenant d’obtenir l’égalité des droits. La NICRA s’inspire directement du mouvement des droits civiques afro-américain, et de Martin Luther King, dont elle reprend l’hymne «We Shall Overcome» et la stratégie non violente face à un gouvernement autonome raciste admiré par les dirigeants de l’apartheid sud-africains
Les manifestations pacifiques de la NICRA rassemblent toujours plus de participants. Les opposants au gouvernement local progressent. Londres ne peut plus regarder ailleurs. Alors les manifestants sont agressés systématiquement par les milices unionistes pour les intimider.
La complicité de la police provinciale – la Royal Ulster Constabulary (RUC) – dans les graves exactions des milices paramilitaires protestantes contre les manifestants pacifiques est rapidement démontrée, le gouvernement local annonce qu’il entamera des réformes démocratiques. Les ultras vont l’empêcher.
La RUC redouble de violence. Les orangistes protégés par les paramilitaires unionistes défilent dans le quartier catholique du Bogside à Derry en août 1969 et réussissent à créer une émeute… L’armée britannique débarque alors pour mettre fin aux affrontements, sans succès. Elle occupera le pays pendant 30 ans.
Fin 1969, l’Irish Republican Army (IRA) et le parti républicain Sinn Féin se divisent parallèlement : les dirigeants « gauchistes » abandonnent la défense des quartiers catholiques, au demeurant impossible car l’organisation était désarmée, pour « l’action politique ». Ce sont les « Officials ». Les plus jeunes (surtout) refusent cette ligne, maintiennent la stratégie antérieure et fondent l’IRA & le Sinn Féin « provisoires ». Ce sont les « Provos ». Le parti Sinn Féin actuel en découle directement. Officials et Provos n’ont pas plus d’une dizaine d’armes de poing dans toute la province, sans munitions. Les Provos sont peu nombreux (pour le moment). Ils se concentrent sur l’autodéfense des quartiers catholiques et le premier mort de la guerre civile est un jeune membre de l’IRA provisoire tentant d’empêcher l’incendie d’une maison de Short Strand à Belfast par des milices unionistes.
Depuis son arrivée, l’armée britannique a rapidement considéré la population irlandaise comme un adversaire. Le nouveau premier ministre provincial Brian Faulkner raidit sa politique et l’armée applique le Special Powers Act de 1922 internant des centaines de personnes. Les manifestations sont interdites depuis août 1971 mais la NICRA décide d’organiser une marche pacifique à Derry contre les internements. 10.000 manifestants se rassemblent autour du député provincial protestant, mais membre de la NICRA et du parti travailliste et social-démocrate d’Irlande du Nord, Ivan Cooper. Les représentants de l’IRA provisoire et « officielle » sont présents mais sans arme, comme cela a été démontré par toutes les enquêtes. L’armée britannique a envoyé le premier bataillon de régiment de Parachutistes. Quelques échanges de pierres et de jets de canon à eau…
Puis sans aucune raison les parachutistes ouvrent le feu et ils abattront 7 adolescents, 6 adultes, un 14e homme décédera 4 mois et demi plus tard de ses blessures. Plusieurs dizaines de minutes, des blessés par balles, des personnes renversées par des blindés. L’armée tirera même sur le sauveteurs. Elle prétextera la présence d’un sniper de l’IRA qui aurait tiré en premier pour justifier ses tirs, le mensonge sera démontré 30/40 ans plus tard par plusieurs enquêtes officielles. Un mensonge d’État pour un crime d’État.
En mars 1972 Londres met fin à l’autonomie provinciale mais pas à son soutien total aux unionistes contre les Irlandais. Il faudra 25 ans et 3.000 morts pour que la Paix et la démocratie reviennent. 25 ans après le #GoodFridayAgreement il faut maintenant l’unité irlandaise.
Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
Président de "Vivons Bezons, le groupe des élus communistes, socialistes et républicains"
Coordinateur national des pôles thématiques de la GRS
Un prêtre catholique tente de guider un groupe d'hommes qui portent un blessé grave, sous les balles des parachutistes ce 30 janvier 1972 - les photos d'une partie des victimes du Bloody Sunday