Lundi dernier (24 avril), alors qu'elle n'était pas encore engagée, j'avais préparé un texte que j'espérais pouvoir publier le jour même dans un cadre collectif pour dénoncer la dangereuse opération Wuambushu. Cela n'a pas été possible et je le regrette amèrement. Je sais bien que l'opération est soutenue par les Mahorais et leurs élus qui subissent une situation particulièrement difficile, je sais aussi qu'une large partie du problème provient du chantage exercé par le régime autoritaire des Comores, qui utilisent l'immigration clandestine en provenance de l'archipel vers Mayotte comme un moyen de pression : cette attitude est indigne et démontre un cynisme criminel qui n'a que faire des vies humaines.
Pour autant, cela ne justifie en rien la mise en œuvre d'une opération qui ne résoudra pas les terribles problèmes auxquels fait face ce département français (au demeurant, je récuse par avant tout discours qui considérerait que Mayotte ne devrait être ni un territoire, ni un département français : quel que soit les avis individuels sur la question des commentateurs, il est un fait inaliénable, les Mahorais ont affirmé à plusieurs reprises par suffrage leur volonté d'appartenir à la République française, il n'y a donc pas à discuter ce point) ; au contraire, je suis convaincu que cela aggravera la situation déjà infernale pour les Mahorais.
On ne peut pas tout cautionner au prétexte de "faire quelque chose", l'action publique ne peut s'identifier à une agitation ou un "bougisme" gouvernemental ; on ne peut pas plus cautionner les appels aux meurtres proférés lors journal de la chaîne publique "La 1ère" par un des vice-présidents du conseil départemental de l'île - à ce titre, je trouve ignoble que Renaissance porte plainte contre des parlementaires et élus métropolitains, qui se sont trompés en donnant une mauvaise affiliation politique à cet élu mahorais alors qu'ils dénonçaient ses propos, plutôt que de saisir le procureur de la République sur les propos même de cet élu mahorais, ce que devrait faire tout membre de la représentation nationale.
Vous trouverez donc ci-dessous le texte que j'avais soumis et qui exprime ma position que je sais être celles de nombre de mes amis politiques.
Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire de Bezons
Président de "Vivons Bezons, le groupe des élus communistes, socialistes & républicains"
Animateur national du pôle Idées, formation, riposte de la Gauche Républicaine et Socialiste
Paris, le lundi 24 avril 2023,
Le gouvernement s’apprête à déclencher demain une série d’interventions policières « contre la délinquance et l’immigration illégale » à Mayotte, en procédant à des expulsions massives d’étrangers en situation irrégulière et à des destructions de bidonvilles.
[Je n’ignore] rien des graves problèmes de criminalité dans ce département d’Outre Mer ou du poids de l’immigration illégale, en provenance des Comores, qui déséquilibre l’île. Ils trouvent tout à la fois leur origine dans le sous développement de l’archipel et dans le statut trop longtemps flou de l’île française qui lui a fait prendre un retard tragique en matière de services publics, de logement, de réseaux…
À Mayotte, comme en Guyane, nous ne serons pas de ceux qui fermeront les yeux sur la nécessité de combattre la criminalité et les bandes qui terrorisent la population. Cependant, la « solution » proposée par Gérald Darmanin et le gouvernement ne répondent pas à ce défi et va immanquablement aggraver la tensions et les difficultés de l’île. Le ministre de l’intérieur, et tout l’exécutif derrière lui, a décidé de confondre en une seule problématique criminalité, immigration et logement. Que l’immigration illégale puisse nourrir la délinquance par le fait même que des dizaines de milliers de personnes sont maintenues dans une économie informelle ne peut être nié, mais la destruction de quartiers entiers au prétexte de lutter tout à la fois contre les bandes et l’immigration illégale n’est pas autre chose qu’une opération de punition collective et arbitraire qui n’a pas sa place dans la République.
C’est d’autant plus hypocrite que le gouvernement ne respecte même pas les lois qu’il a faites voter : depuis 2018, la loi ELAN prévoit des dispositifs spécifiques pour la Guyane et Mayotte afin de lutter contre les « quartiers informels », mais avec une obligation de relogement, ce qui n’est évidemment pas le cas ici.
[Je considère] qu’il est indigne de considérer comme criminelle toute une population, au seul prétexte qu’elle habite dans des bidonvilles ! Ces opérations son typiques de régimes autoritaires et elles n’ont pas leur place dans une démocratie avancée, respectueuse de la personne humaine et de l’État de droit.
La seule conséquence à attendre de l’opération Wuambushu est une aggravation d’une situation déjà infernale : si tant que cela soit souhaitable, il est évident que les familles en situation clandestine ne seront pas expulsées en dehors de quelques centaines d’exemples qui seront mis en scène à des fins nauséabondes de communication politique ; ces familles auront par contre été expulsées, auront vu leurs cabanes détruites, elles vivront à la rue pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois, avant que des bidonvilles réapparaissent progressivement ; entre temps, les réseaux criminels qui existent dans l’île profiteront de cette situation pour renforcer leur position au sein des populations (en prenant l’ascendant sur des adolescents mais aussi des enfants).
[…] le gouvernement [doit donc] suspendre immédiatement son opération Wuambushu, avant qu’il ne soit trop tard. Elle demande à l’ensemble des acteurs du dossier – exécutif, parlement, collectivités locales, partenaires sociaux – à remettre la question du développement et de la tranquillité publique de Mayotte sur le métier, en dégageant enfin des moyens financiers exceptionnels pour rattraper plusieurs décennies de retard. [Je] réaffirme par ailleurs qu’il n’y aura pas de solutions durables pour Mayotte sans avancée radicale pour la fin du régime autoritaire et pour le développement des îles voisines de l’archipel des Comores.