Le pire a été évité hier soir : le front républicain a fonctionné à un point qu’on n’imaginait plus.
En fait, on avait été intoxiqué par les discours des responsables LR (et des sondages) qui disaient que l’électorat de droite classique préféreraient trop souvent l’alliance avec le RN. La cacophonie parmi les dirigeants macronistes et ex LR était telle que beaucoup d’entre nous avait anticipé une application très dégradée du front républicain : cela n’a pas été le cas. À part quelques endroits les reports de voix ont été impeccables. Les Français sont plus intelligents que leurs « dirigeants » et ce n’est pas la première fois qu’on le constate : un des problèmes à résoudre est aussi la grande médiocrité du « personnel politique » de cette 5ème République agonisante, à quelques trop rares exceptions près.
Malgré tout, il y a quand même une vague RN confirmée dans la France du Nord et de l’Est, dans le pourtours méditerranéen et la vallée de la Garonne ; il faudra y regarder de plus près mais il est frappant de voir qu’elle se déploie dans toute l’ancienne France ouvrière (cf. Caroline Fiat, Valérie Rabault ou Sébastien Jumel) que la gauche devra reconquérir si elle veut un jour être majoritaire.
Car malheureusement, malgré quelques discours hors sol et présomptueux en tout début de soirée et j’espère isolé, le nouveau Front Populaire n’est pas majoritaire loin de là : avec les divers gauche, elle réunit moins de 200 députés dont on verra comment ils se répartissent (cela aura une incidence politique importante). S’ils étaient un peu intelligents, les macronistes auraient tout intérêt à faire profil bas : les Européennes puis le premier tour des législatives ont été un désaveu massif de leur politique après une première gifle aux législatives de 2022. Ils ne doivent de sauver leurs meubles qu’à l’extrême discipline des électeurs de gauche et on regardera plus en détail dans les jours qui viennent mais c'est moins vrai pour les élus de gauche. L’intelligence voudrait qu’ils laissent le Nouveau Front Populaire gouverner ; un mariage de la carpe et du lapin n’est à mon sens pas possible : les uns exigent l’exclusion de LFI et la gauche ne veut pas perpétuer la politique délétère d’Emmanuel Macron. La gauche doit proposer un dispositif d’apaisement du parlement et du pays : avec un premier ou une première ministre qui rassemble et qui anime un gouvernement qui mettra en œuvre les propositions les plus consensuelles du NFP.
Les boutefeux mélenchonistes doivent le comprendre : nous ne sommes pas majoritaires, nous n’avons pas reçu de blanc-seing, nous ne devons pas être dans une situation ingérable où un gouvernement serait censuré tous les quinze jours, où aucun budget ne pourrait être adopté. Cela impose des compromis sur la méthode, des évolutions dans le comportement politique et une conduite tranquille des nécessaires transformations à apporter au pays. Les hymnes à la rupture radicale et sans concession nous conduisent à l’impuissance ; les Français ont besoin d’un gouvernement qui agisse et qui réponde à leurs priorités, d’un parlement qui montre l’exemple et d’une démocratie républicaine plus ouverte. Car le RN est toujours en embuscade, dans un an en cas de nouvelle dissolution, dans moins de trois ans à la présidentielle, il peut nourrir l’ambition de l’emporter : l’extrême droite a été en tête des suffrages au premier comme au second tour des législatives avec plus de 10 millions de voix et 34% puis 37% des suffrages exprimés. Ce socle peut encore s’élargir si la gauche faillit.
La gauche doit donc réussir, produire du sens et des résultats concrets sur un temps très court et sans majorité, le macronisme ayant été désavoué il ne peut prétendre à rien. La gauche doit aussi repartir à la conquête des cœurs et des esprits dans toute cette ancienne France ouvrière dont se désintéressent et que stigmatisent les insoumis proches de Mélenchon : c’est vital car la stratégie qui cantonne la gauche à l’outre-mer, aux métropoles et à leurs banlieues populaires a donné tout ce qu’elle pouvait, elle n’apportera pas plus ; s’y tenir sans rien faire de plus nous condamne à l’échec.
Ayons l’ambition de redevenir majoritaires, ayons l’ambition de ramener une majorité de nos concitoyens dans le camp de la République sociale.
Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire de Bezons
Membre du Collectif de Direction national de la Gauche Républicaine et Socialiste
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