Breton a imposé à EADS les indemnités de Forgeard
NOUVELOBS.COM | 18.04.2007 | 15:12
Selon nos informations, en effet, tant Arnaud Lagardère, actionnaire français d’EADS, que Manfred Bischoff, représentant de DaimlerChrysler au conseil d’administration du groupe aéronautique européen, souhaitaient que Forgeard fasse place nette sans se prévaloir de son parachute doré. Alors qu’EADS va endurer 5 milliard d’euros de pertes exceptionnelles et s’apprête à licencier 10.000 personnes d’ici 2010, l’indemnité prévue dans le contrat de travail de Noël Forgeard leur paraissait inappropriée.
Le problème, c’est que le co-président d’EADS, lui, ne voulait pas du tout abandonner son poste, et que pour le licencier sans indemnité, il fallait mettre en avant une "faute" de sa part.
Il n’en a pas fallu davantage pour que Thierry Breton, le ministre de l’Economie, impose un règlement négocié. Les relations entre les actionnaires industriels et l’actionnaire public ont dès lors pris un tour tellement conflictuel qu’il a fallu faire appel à un Monsieur Bons offices, en la personne de Maurice Lévy, président du directoire de Publicis, et habituel médiateur des causes impossibles. "Son rôle a consisté à convaincre Noël de partir, et à convaincre les actionnaires d’accepter une séparation à l’amiable, confie un proche du dossier. Et la seule solution intelligente pour sortir de l’impasse consistait à assurer la bonne exécution du contrat". Lequel contrat prévoyait une indemnité de départ de 6,1 millions d’euros et une prime de non-concurrence lui interdisant de travailler dans le secteur aéronautique de 2,4 millions d’euros. Contrat qui fut exécuté, dans la douleur.
Forgeard voulait plus encore
Car Noël Forgeard, vexé d’être démis de ses fonctions, exigeait encore plus d’argent, mettant en avant ses états de service à Airbus: quasiment dix ans aux manettes, une place de leader mondial, et des centaines d’avions dans le carnet de commandes. Avec 8,5 millions d’euros de dédommagements, Noël Forgeard n’a aucunement l’intention de revenir en arrière, et de rendre son indemnité, contrairement à ce que lui ont demandé les deux principaux candidats à l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Son éviction n’est, pour lui, en rien comparable à celle de Pierre Bilger à Alstom, qui a finalement préféré rembourser la quasi-totalité des quatre millions d’euros touchés lors de son départ forcé.
Il est vrai que, même si les deux entreprises ont été confrontées à un sinistre d’ampleur comparable -de l’ordre de cinq milliards d’euros-, il a laissé Alstom au bord de la faillite, alors qu’EADS ne prévoit aucune difficulté financière, tout du moins avant 2010.
"Un accord informel"
Il reste que l’affaire trouve dans la campagne électorale une chambre d’écho particulièrement sonore: après toutes les réactions des candidats, lundi est venue une mise en demeure de François Hollande, lors du point de presse du PS: "je demande à avoir communication d’ici dimanche des décisions qui ont été prises au sein d’EADS sur ce sujet, et de la position qui a été celle des représentants de l’Etat et de l’actionnaire privé Lagardère. Il faut en effet qu’il y ait eu un accord informel, écrit ou verbal, de la part du ministère de l’Economie pour qu’une telle indemnisation puisse avoir été accordée."
Odile Benyahia-Kouider,
rédacteur en chef adjointe à Challenges (groupe Nouvel Observateur)
(le mercredi 18 avril 2007)