Devant le refus de la garde républicaine de les laisser entrer dans les lieux, les magistrates Fabienne Pous et Michèle Ganascia, qui souhaitent, selon des sources proches du dossier, perquisitionner les locaux de la "cellule africaine", ont requis, mercredi matin, l'autorité du gouverneur militaire de Paris. Elles instruisent une plainte avec constitution de partie civile d'Elisabeth Borrel dénonçant "des pressions sur la justice" dans l'enquête sur la mort de son mari, Bernard Borrel, après la publication d'un communiqué de presse par le Quai d'Orsay le 29 janvier 2005.
FAIT RARISSISME, VOIRE UNIQUE, DANS LA Ve RÉPUBLIQUE
Des perquisitions dans deux ministères ont récemment eu lieu dans cette affaire : d'abord au ministère des affaires étrangères, le 19 avril, puis à la chancellerie le lendemain.
L'avocat de la veuve du juge Borrel, Me Olivier Morice, se trouvait mercredi aux abords du palais de l'Elysée. Face au refus de l'Elysée, il a jugé "cela parfaitement scandaleux. C'est absolument inadmissible dans une démocratie comme la nôtre, c'est à ma connaissance du jamais vu". Une telle perquisition au palais présidentiel constituerait en effet un fait rarissime, voire unique, dans l'histoire de la Ve République. En milieu de journée, les 2 magistrates ont quitté les abords de l'Elysée sans avoir pu pénétrer dans le palais présidentiel.
"LES SERVICES DE L'ÉLYSÉE NE BÉNÉFICIENT PAS DE L'IMMUNITÉ"
L'Elysée est une enceinte militaire, explique une source judiciaire. Devant le refus de l'Elysée, les magistrates se sont donc tournées vers le chef de corps chargé de la sécurité du palais présidentiel, estimant qu'il peut leur donner l'autorisation immédiate de perquisitionner. Toutefois, selon une source militaire, le gouverneur militaire de Paris n'a pas compétence pour permettre à des magistrats de l'ordre judiciaire de perquisitionner le palais de l'Elysée. Mais l'article 698-3 du code de procédure pénale stipule que l'autorité militaire est censée se soumettre aux réquisitions des juges.
Pour leur part, les syndicats de magistrats ont dénoncé, mercredi, le refus de perquisitionner opposé par l'Elysée. Le président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), Bruno Thouzellier, "ne voit pas en quoi l'article 67 peut être invoqué car ce n'est pas le président de la République qui est visé mais des services de l'Elysée, qui ne bénéficient pas de l'immunité" présidentielle reconnue par la Constitution. Pour la secrétaire générale du Syndicat de la magistrature (SM, gauche), Hélène Franco, "il n'est écrit nulle part que pendant la période électorale, le code de procédure pénale est suspendu (...). Le refus de prêter son concours à ces actes de justice est une décision politique". A la chancellerie, on affirmait n'avoir "aucune réaction sur une instruction en cours".