C’était le pays tout entier. Ce qui frappait le plus dans le rassemblement d’hier, à Tel Aviv, en faveur de la démission d’Ehud Olmert n’était pas tant son ampleur – 150 000 personnes – que l’extraordinaire diversité des manifestants. Des colons aux jeunes pacifistes, des religieux les plus orthodoxes aux intellectuels athées, de la droite à la gauche en passant par les familles des soldats tués au combat cet été, il y avait là, oui, tout le pays réuni par une indignation commune et la force, surtout, de l’évidence.
Car enfin c’est bien la Commission d’enquête nommée par ce Premier ministre qui vient de conclure, premièrement, que les buts de cette Deuxième guerre du Liban étaient « trop ambitieux et irréalisables » et qu’Ehud Olmert « avait pris sa décision hâtivement, bien qu’aucun plan militaire détaillé ne lui ait été soumis ». C’est clair. Ehud Olmert a failli. « Vous avez échoué, rentrez chez vous », proclamait une immense banderole et pourtant, malgré ce rapport et malgré cette foule, non seulement il refuse de démissionner mais il a de bonnes chances de ne pas devoir s’incliner.
Il y a des explications à cela.
La première est que s’il y avait, demain, des élections anticipées, les deux principaux partis de la coalition au pouvoir, les Travaillistes et Kadima, la formation centriste d’Ehud Olmert, seraient laminés au profit de la seule grande force d’opposition, le Likoud, le parti de la droite nationaliste. Elus il y a tout juste un an, les députés de la coalition ne sont donc pas candidats au suicide. Ils préfèrent tenter de résister à la tempête et cela d’autant plus que Kadima est un parti neuf et fragile, formé il y a un an et demi seulement par Ariel Sharon après qu’il eut rompu avec le Likoud qui s’était opposé à l’évacuation de Gaza. Une défaite électorale signifierait la mort de Kadima et ferait de l’échiquier politique israélien un champ de ruines.
Cela donne à réfléchir aux élus centristes mais pourquoi n’ont-ils alors pas accepté de suivre la ministre des Affaires étrangères, la très populaire Tzipi Livni, qui avait proposé, mardi, d’incarner un changement sans élections en remplaçant Ehud Olmert ? La réponse est que les Travaillistes s’apprêtent à écarter, à la fin du mois, leur chef de file, Amir Peretz, le ministre de la Défense, également étrillé par la Commission d’enquête. Un remaniement s’imposera bientôt mais mieux vaut n’y procéder que lorsque les Travaillistes se seront donné un nouveau visage.
Et puis, enfin, troisième raison de cet immobilisme, la plus profonde, la coalition du centre et de la gauche, si conspuée qu’elle soit aujourd’hui, exprime la réalité d’un pays qui a désormais très majoritairement admis la nécessité d’évacuer les Territoires occupés et de rechercher un compromis avec le monde arabe et les Palestiniens. Cette évolution a un nom. C’est Ehud Olmert qui, discrédité ou pas, tentera donc, jusqu’au bout, de passer la vague.