Si les Hauts-de-Seine ont "si bien évolué" et la Seine-Saint-Denis "si mal évolué", "c'est parce que l'un était géré par la droite, l'autre était géré par le Parti communiste", a estimé dimanche Patrick Devedjian, secrétaire général délégué de l'UMP, nouveau président du conseil général des Hauts-de-Seine et proche du président Nicolas Sarkozy, sur le "Forum Radio J". "Les communistes ont ancré les gens dans la misère parce que c'était aussi une manière pour eux d'asseoir leur pouvoir politique", a jugé M. Devedjian.
Qualifiant ces propos de "scandaleux" et de"déplacés", le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Hervé Bramy (PCF), a affirmé, dimanche soir, que "les communistes n'ont pas démérité en Seine-Saint-Denis". "Le conseil général, signataire de tous les contrats locaux de sécurité du département, agit tous les jours dans son domaine de compétence, celui des clubs prévention, dont le budget a été renforcé en 2007 de 2 millions d'euros", a indiqué M. Bramy. "Nous avons été les plus ardents défenseurs de la police de proximité", a poursuivi l'élu PCF, alors que, souligne le rapport de l'Inhes, cette dernière, abandonnée par Nicolas Sarkozy, a eu des "effets positifs incontestables". Et d'ajouter : "Il est facile pour M. Devedjian, président du conseil général le plus riche de France, de nous critiquer."
Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF et députée de Seine-Saint-Denis, a demandé "d'urgence, dès lundi, la réunion avec le préfet de Seine-Saint-Denis de tous les élus du département afin que nous soit donnée connaissance du rapport complet, et que soient débattues les mesures indispensables et immédiates qui s'imposent". "Je suis scandalisée d'apprendre qu'un rapport officiel établi dans le cadre des services du ministère de l'intérieur, et jusqu'à maintenant tenu secret, nous révèle qu'il y aurait en Seine-Saint-Denis un divorce complet entre la police et la population, a-t-elle affirmé. Il s'agit de faits d'une extrême gravité. Et il est scandaleux que l'ex-ministre de l'intérieur, aujourd'hui président de la République, ait dissimulé ce fait aux Françaises et aux Français alors qu'il est naturellement lui-même premier responsable de cette situation."
Jean-Pierre Raffarin a estimé, de son côté, au "Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI", que "le climat électoral" n'était "pas le meilleur climat pour traiter" d'un sujet "grave" comme les difficultés en Seine-Saint-Denis. Interrogé sur un échec éventuel de Nicolas Sarkozy en tant que ministre de l'intérieur sur ce dossier, M. Raffarin a affirmé : "Je pense qu'on ne peut pas réduire des sujets aussi difficiles par le manichéisme succès-échec. Ce sera un dossier très difficile et très, très long." Selon lui, "un travail immense" est "mené, il devra être poursuivi", et le président de la République et le premier ministre "sont mobilisés". Il a regretté que Ségolène Royal (PS), qui déplorait samedi que ce rapport ait été "caché aussi longtemps", veuille "utiliser une situation aussi difficile pour des raisons politiques".
Samedi, Ségolène Royal s'était en effet insurgée contre le fait que ce rapport ait été "caché aussi longtemps", évoquant "des vérités qui dérangent". "Je demande au président de la République pourquoi ce rapport a été caché aussi longtemps et quelles décisions vont être prises sans tarder pour rétablir les moyens de fonctionnement de la police", a insisté la présidente de Poitou-Charentes. Et d'estimer : "Sans doute pendant la présidentielle ne fallait-il pas dire des vérités qui dérangent." Précisant que ce rapport a été sorti "grâce à quelqu'un qui a envie que la vérité se fasse jour", Mme Royal a affirmé que "maintenant il faut que l'on passe à l'action".
Le document a été commandé par le préfet de Seine-Saint-Denis à l'INHES, un organisme qui dépend du ministère de l'intérieur, mais jamais rendu public officiellement. En déplacement dans l'Essonne, Ségolène Royal s'est insurgée contre le fait que ce rapport ait été "caché aussi longtemps", évoquant "des vérités qui dérangent".
"DOCUMENT INTERNE"
Il s'agit d'un "document interne qui n'avait pas vocation à être diffusé", a réagi, samedi, la direction générale de la police nationale (DGPN) selon laquelle "beaucoup a été fait en Seine-Saint-Denis" depuis fin 2006, notamment pour le "renforcement des effectifs" ou "l'accueil dans les commissariats".
La "mission d'étude" de l'INHES s'est concentrée sur quatre communes du "93", département d'où sont parties les émeutes de novembre 2005. Parmi elles, Montfermeil ou Clichy-sous-Bois. Les chercheurs de l'INHES ont rencontré pendant deux mois des acteurs municipaux, policiers ou magistrats.
LA POLICE DE PROXIMITÉ A EU DES "EFFETS POSITIFS INCONTESTABLES"
Les auteurs évoquent une "déferlante de violence" avec un "nombre croissant de mineurs" mis en cause dans la délinquance, une "dégradation", voire "parfois une césure" entre la police et la population. La police se concentre trop sur la lutte contre les stupéfiants ou les clandestins, affirme encore l'étude, dénonçant une "hausse artificielle" de ses taux d'élucidation, qui lui donnent "une image agressive". La Seine-Saint-Denis, soutient l'étude, est dans une situation de "marginalisation croissante" avec une "délinquance hors normes". Un "fossé se creuse avec les autres départements" notamment pour ce qui est des faits violents constatés.
Quelles sont les solutions ? Il faut "renouer les liens avec la population des quartiers", "réorganiser le travail de la police et de ses techniques d'intervention". Un train de mesures est préconisé comme l'accueil dans les commissariats, une "doctrine d'emploi" des policiers et particulièrement des CRS. La police de proximité, dit aussi l'étude, a eu des "effets positifs incontestables" dans certains secteurs.