Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
Me contacter

en savoir plus

 

Trouve

Gauche Républicaine & Socialiste

9 juin 2007 6 09 /06 /juin /2007 14:26
Sans être d'accord avec eux, il apparaît évident que la Gauche doit trouver un moyen de quitter sa posture défensive, la seule référence à la résistance à l'ordre des choses, pour  retrouver une dynamique sociale, économique et politique.
À lire donc pour réfléchir, contester, dialoguer...
FRED

 
La gauche doit sortir du pessimisme social
LE MONDE | 09.06.07 | 13h45  •  Mis à jour le 09.06.07 | 13h48

ous dressez un bilan très sévère de l'impasse idéologique où s'est enfermée la gauche française. Est-ce à vos yeux la cause principale de son échec ?

zakilaidi.jpgZaki Laïdi. En un demi-siècle de Ve République, la gauche ne sera parvenue à porter qu'un seul des siens à la tête de l'Etat. Elle souffre donc d'un handicap structurel pour rassembler durablement les Français autour d'un projet. On peut toujours invoquer l'obstacle des institutions et du statut singulier de l'élection présidentielle. Mais le problème est plus profond : la gauche ne survit qu'en se pensant comme une sorte d'anti-droite et son message majeur est devenu un message de pessimisme social. L'utopie demeure, mais négative. Loin d'annoncer le monde à venir, elle renvoie à un monde qui ne peut plus être.

 

Qu'entendez-vous par pessimisme social ?

Gérard Grunberg. Une représentation très négative du monde, qui se fonde sur une diabolisation de la mondialisation. Celle-ci est uniquement perçue comme une source de désordre économique, d'insécurité et d'inégalité sociales. Le noeud de ce pessimisme réside dans le sentiment d'impuissance - ou de résistance impuissante - face au marché et à la mondialisation.

Pourtant, pendant sa campagne, Ségolène Royal a tenté d'éveiller un "désir d'avenir"...

G. G. Et Nicolas Sarkozy a pris comme slogan "Ensemble tout devient possible" ! Autrement dit, les deux candidats ont bien perçu qu'il fallait sortir les Français de cette espèce de "dépression" où ils s'enfoncent depuis des années. Mais force est de constater, quoi qu'on pense par ailleurs du programme du candidat de l'UMP, que son "Tout devient possible" a résonné comme une espérance chez ceux qui se réclament de la droite et au-delà. A l'inverse, Ségolène Royal a bien essayé d'ouvrir sur l'avenir en appelant à la responsabilité individuelle, en demandant même aux jeunes des quartiers de Lyon "d'arrêter de se plaindre", ce qu'aucun responsable de gauche n'aurait osé dire. Mais elle s'est arrêtée en chemin.

La gauche a perdu sur le terrain des idées et des valeurs. Comment expliquez-vous cette impuissance à renouveler son projet ?

G. G. La première explication est à rechercher dans l'histoire du PS. Celui-ci a toujours voulu compenser son ancrage social relativement faible par une suridéologisation de son discours. Là encore, Ségolène Royal a cherché à sortir du piège. Mais, comme souvent, sans aller jusqu'au bout de sa démarche, à la fois par impréparation intellectuelle et par manque de soutien de son propre camp. Tout au long de cette campagne, elle n'est pas parvenue à donner à ses intuitions une cohérence politique forte.

Le second problème tient au fait que, depuis 2002, les différentes composantes de la gauche n'ont pas travaillé. Cette paralysie relève moins d'une paresse intellectuelle que d'un blocage idéologique : si les socialistes commençaient à débattre au fond des différents problèmes, ils constateraient l'ampleur de leurs désaccords internes et pourraient rapidement mettre en péril leur unité. Ils décident donc périodiquement de refermer le couvercle du chaudron idéologique après l'avoir timidement soulevé, en inventant des formules vides ou insuffisamment explicitées comme le "réformisme de gauche", ou le "oui à l'économie de marché, non à la société de marché". Or face à cette spirale programmée de l'échec, on n'a jamais entendu un responsable de gauche poser cette question élémentaire : à supposer que le néolibéralisme soit le noeud du problème, pourquoi n'y a-t-il aucune force politique en Europe capable de remporter une élection sur la base d'un programme antilibéral ?

Ce déficit réformiste de la gauche renvoie-t-il à la faiblesse de la pensée réformiste en France ?

Z. L. Oui, c'est indiscutable. La pensée politique française a trop souffert de l'influence démesurée de la culture marxiste, y compris dans ses versions pauvres ou abâtardies. Celle-ci a réussi avec beaucoup de plasticité à allier les traits anticapitalistes du marxisme avec une culture française très attachée à l'Etat et à la survalorisation du fait national. Le thème de la "mondialisation néolibérale" a, de ce point de vue-là, permis un recyclage presque parfait d'un marxisme orphelin. C'est ce qui explique pourquoi, en définitive, la chute du mur de Berlin n'a pas bouleversé le paysage intellectuel, comme on aurait pu le penser.

De nombreuses voix pressent désormais le PS d'opérer enfin sa mue social-démocrate. Cela a-t-il encore un sens ?

Z. L. L'appel à la modernisation social-démocrate a quelque chose de sympathique car il montre, sans contestation possible, que le cycle d'Epinay ouvert en 1971 est définitivement refermé. Mais cette orientation est décalée, voire dépassée.

Pourquoi ?

Z.L. D'une part, le modèle social-démocrate lui-même est entré en crise pour des raisons économiques et culturelles. La social-démocratie, c'est le compromis social entre le travail et le capital sur une base nationale. Or, aujourd'hui, en raison notamment de la mondialisation, le rapport de forces entre le capital et le travail n'est plus contraint par le cadre national. Du fait de l'arrivée sur le marché du travail mondial de plus d'un milliard de nouveaux entrants, c'est au niveau planétaire que ce compromis doit être repensé et rétabli - si c'est possible.

D'autre part, la social-démocratie raisonnait à partir de groupes sociaux relativement homogènes. Or, sous l'effet du changement technologique, de l'éclatement du monde industriel, du gonflement des services et de l'approfondissement des processus d'individualisation des préférences et des choix, il devient de plus en plus difficile de préconiser des solutions globales. La plupart des pays sociaux-démocrates sont d'ailleurs sortis de leurs vieux schémas en repensant de manière assez radicale la notion de droits sociaux. Il ne s'agit plus de droits inaliénables et intangibles, mais de garanties solides pour se construire un parcours individualisé, y compris à travers l'activation des mécanismes de marché. Cela étant, si ce modèle n'est plus d'actualité, les principes de dialogue, de concertation, d'anticipation, de décentralisation et de responsabilisation qui le fondent sont toujours pertinents.

Le tassement de la gauche radicale, la quasi-disparition du PCF, l'incapacité des Verts à arriver à maturité imposent-ils au PS de chercher son salut électoral vers le centre ?

G. G. Tout dépend de ce que signifie "vers le centre". S'il s'agit d'un retournement d'alliances, encore faut-il attendre de voir ce que représente ce centre politiquement et électoralement. S'il s'agit d'un recentrage du parti lui-même, d'une nouvelle refondation, la question est alors de savoir sur quelles bases politiques et programmatiques celui-ci peut s'opérer : comment le PS pourrait-il occuper l'espace compris entre le centre et l'extrême gauche en échappant à la fois au risque de la scission et au danger d'une unité factice qui lui a nui gravement dans le passé ?

Quelles leçons la gauche peut-elle retirer du sarkozysme ?

Z. L. Le sarkozysme repose sur la combinaison habile de trois dimensions qui n'avaient pas forcément vocation à se rejoindre : les valeurs traditionnelles de la droite (ordre, sécurité, autorité), les valeurs du libéralisme économique ("libérer le travail"), les valeurs de la nation. On est donc très loin d'un projet "ultralibéral". De ce succès, la gauche peut retirer de bonnes et de mauvaises leçons. La mauvaise consisterait à dire que si Sarkozy a réussi, c'est parce qu'il a "radicalisé la droite" et qu'il faudrait donc "radicaliser la gauche". Nul besoin d'être grand clerc pour souligner l'inanité de ce raisonnement à l'heure où la gauche recherche les voix du centre.

La bonne leçon consisterait, en revanche, à penser qu'un projet politique doit emprunter aux valeurs traditionnelles de son camp, aux enjeux d'une société moderne et aux marqueurs identitaires d'une nation. Or, si cette synthèse a été possible à droite, il n'y a pas de raison qu'elle ne le soit pas à gauche. Les valeurs traditionnelles de la gauche sont bien connues : elles tournent autour d'une aspiration forte à l'égalité. Tout le problème, pour la gauche, est de moderniser son analyse sur cette question. Elle doit admettre qu'il n'y a pas de redistribution possible sans incitations fortes, que le marché n'est pas l'ennemi du bien public, que la défense des services publics doit être découplée de la défense des statuts de ses personnels, qu'il incombe de protéger les personnes plutôt que les emplois et que si l'Etat doit être défendu, il ne doit plus être systématiquement sacralisé. Le défi pour elle est donc de partir de l'individu sans renoncer au collectif dans des sociétés de plus en plus individualistes.

A supposer que la gauche se "modernise", qu'est-ce qui distinguera une gauche moderne d'une droite moderne ?

Z. L. La droite voit dans la liberté la condition même de l'égalité. La gauche, au contraire, ne croit pas que la première exigence conduise naturellement à la seconde. La vocation historique de la gauche reste donc d'accompagner les plus faibles et de veiller à ce que l'enrichissement plus rapide d'une partie de la société ne génère pas chez ceux qui en profitent légitimement un égoïsme social qui bloquerait la progression des autres et mettrait en danger la paix sociale.

"Sortir du pessimisme social" (Hachette/Coll. Telos, 2007, 240 pages, 19€)


 

Gérard Grunberg et Zaki Laïdi, Chercheurs et enseignants Sciences Po/CNRS


Propos recueillis par Gérard Courtois 
Partager cet article
Repost0

commentaires