L'ancien premier ministre succède à Didier Reynders, chef du mouvement réformateur (libéral) et ministre des finances sortant, vainqueur des élections en Wallonie, qui avait été nommé "informateur" au lendemain des élections pour faire rapport au roi sur la situation politique du pays. Ses conclusions, remises mercredi, confirment que la constitution d'une coalition dépend d'un accord sur la question institutionnelle. Le roi a demandé à M. Dehaene de lui présenter des solutions dès le 10 juillet.
La crise politique ne paraît pas pour autant devoir être rapidement résolue. Les exigences flamandes en matière d'autonomie sont très fortes alors que les francophones plaident pour le statu quo. La mission de M. Reynders n'a abouti qu'à une énumération des désaccords, même si elle a dessiné les contours de ce qui est sans la seule majorité fédérale possible : une coalition "orange bleue", addition des couleurs des chrétiens-démocrates et des libéraux, flamands et francophones.
Yves Leterme, qui piaffe d'impatience, a démissionné, dès le 27 juin, de son poste de ministre-président de la région flamande. Une manière de tenter de peser sur le choix du roi Albert II. Le leader flamand entend imposer son programme de réformes institutionnelles aux francophones, ce à quoi M. Reynders s'oppose. Il souligne, sans convaincre ses probables futurs partenaires de Flandre, que cela ne fera que renforcer le PS, le parti le plus hostile à leurs revendications, notamment à une régionalisation de la politique de l'emploi et de certains pans de la sécurité sociale. Les francophones ne se disent intéressés que par un éventuel refinancement et une extension territoriale de la région de Bruxelles.
Plusieurs observateurs soulignent la difficulté et les risques inhérents à la situation politique actuelle. La poussée du mouvement nationaliste flamand lors des élections, l'ampleur des nouvelles revendications du Parti chrétien-démocrate flamand (CD&V) et de son allié, la Nouvelle Alliance flamande (NVA), séparatiste, enfin la capacité de blocage de l'extrême droite - elle aussi séparatiste - et des populistes flamands, nouveaux venus sur l'échiquier : tous ces éléments font resurgir le spectre de fortes tensions, voire de l'éclatement du pays, devenu peut-être définitivement ingouvernable.
Or "le cartel CD&V-NVA s'est mis dans l'obligation d'obtenir une réforme de l'Etat, a expliqué au magazine Le Vif le politologue Vincent De Coorebyter. Il aura beaucoup de monde contre lui, en Flandre, s'il n'obtient pas une réforme ambitieuse et aura peur de payer la note au prochain scrutin". Le blocage francophone pourrait toutefois contre-carrer le projet de M. Leterme et, par conséquent, la naissance d'une majorité fédérale.
QUELQUES CONVERGENCES
L'hypothèse d'un scénario "tchécoslovaque" ? "Pour la première fois, la situation arithmétique post-électorale peut mener à la fin de la Belgique", analyse M. De Coorebyter. D'autres, comme le constitutionnaliste Marc Uyttendaele, semblent encore croire à la possibilité d'un autre "compromis des Belges", mais ne peuvent nier que l'attachement d'une majorité de partis flamands à leur pays a beaucoup faibli au cours de la dernière décennie. A l'inverse, tous les partis francophones veulent maintenir l'Etat fédéral.
Quelques convergences sont possibles entre la Flandre et la Wallonie. Sur la limitation des pouvoirs royaux, une politique plus active de mise au travail des chômeurs, une réorganisation du commerce extérieur, voire la scission de l'arrondissement électoral bilingue s'il préservait le système des "facilités" pour les francophones vivant sur le sol flamand.
Mais les partis flamands veulent aussi régionaliser les impôts, la santé, les allocations familiales, la recherche, les tarifs de l'énergie, une partie de la justice et des chemins de fer, etc. Ces exigences du Parlement flamand pourraient, si elles étaient confirmées, précipiter un scénario auquel les Belges ont cru, en décembre 2006, lors d'une émission célèbre de la RTBF : la fin de leur Etat.