I- Garantir l'élaboration collective de l'orientation du Parti socialiste
Comment faire vivre le débat d’idées au PS, texte contre texte et non personne contre personne, dans un contexte «anti-courants» notamment chez les nouveaux adhérents ?
Aujourd’hui, le système des courants est fréquemment attaqué. Il serait responsable de tous les maux du PS : flou idéologique, écuries présidentielles et guerre des chefs, sclérose du parti…
Attention ! Ne nous laissons pas intimider par les offensives quelques peu démagogiques et populistes du moment. Devant des militants relativement récents, qui n'ont pour référence que l'image donnée par les médias du PS depuis plusieurs années et la course à la désignation de l'automne 2006, il est assez facile de jeter le bébé avec l'eau du bain et d'accuser son chien d'avoir la rage pour l'achever. En l'occurrence, il s'agit de refuser d'assumer les erreurs de la campagne en mettant en cause le fonctionnement interne PS pour expliquer la 3ème défaite consécutive (ce type de prétexte et de conclusion n'existe pas dans les autres parti sociaux-démocrates pourtant).
Passons dans la proposition plutôt que dans la condamnation :
Quel système permettrait à la fois d'élaborer collectivement l'orientation politique du Parti et de désigner en cohérence ses dirigeants et ses candidats ?
Rappelons au passage que la seule période durant laquelle le socialisme français ait rompu avec la proportionnelle et fonctionnement en tendance, sur proposition de Léon Blum mais appliqué par Guy Mollet, de 1946 à 1966, fut un désastre pour notre famille politique : scissions multiples, perte de substance idéologique et programmatique, faillite stratégique, déclin électoral…
La transformation des courant en écuries découle essentiellement de la présidentialisation du PS et du manque de courage politique des sensibilités qui soutenaient nombre de candidats potentiels à l'investiture du PS : Socialisme & Démocratie, les amis de Laurent Fabius jusqu'en 2004, Réfomer, etc. sont autant de chapelles qui ont préféré se fondre dans une même motion pour neutraliser leurs adversaires potentiels jusqu'à 2006 et ne pas avoir à s'exposer sur des clivages forts donc risqués. On en voit les conséquences sur la présidentielle de 2007 et plus durablement depuis 1997 avec l'absence de réflexion profonde du PS sur des débats fondamentaux et l'absence de renouvellement idéologique pourtant nécessaire avec l'évolution de l'environnement national, européen et mondial surtout du point de vue des dossiers économiques et sociaux.
Quoi qu'on en pense il n'est pas possible de faire le même reproche aux minoritaires dans le Parti depuis 1997 et surtout 2003 ; in fine, aucun candidat potentiel à l'investiture du PS en 2006 ne figurait parmi les signataires des motion C et E du congrès de Dijon.
1- Le principe des motions et de la synthèse s'oppose-t-il à un victoire socialiste ?
Dans sa mouture de Villepinte le pacte présidentiel n'était pas si éloigné du projet des socialistes, issus de la motion de synthèse, des États-Généraux du Projet socialiste et des négociations marathon du bureau national. Mais médiatiquement le Pacte présidentiel fut peu analysé, passant derrière l'analyse des sondages réalisés au moment de sa déclamation ; l'équipe de campagne de Ségolène Royal en a profité pour naviguer à vue, développer des arguments en fonction de l'air du temps et finalement mener campagne sur des thématiques soit mineures, soit en décalage complet avec le projet socialiste et les attentes de l'électorat (il n'est donc pas juste de dire que l'influence de la gauche du PS sur le projet socialiste serait la cause de la défaite puisque ses propositions n'ont pas réellement été mises en avant par la candidate).
En soi, on peut partager une partie de l'argument sur les effets stérilisants de la synthèse du Mans. Le texte de départ était déjà invertébré politiquement, fruit d'un compromis laborieux et d'une volonté partagée de taire tout clivage majeur entre différents postulants à l'investiture présidentielle (Hollande, Royal, Strauss-Kahn, Jospin, Aubry…), que beaucoup pouvait séparer, mais la motion 2 a accepté la synthèse dès le début de la commission des résolutions sans amender le texte de la motion 1 (pour des raisons finalement comparables au compromis présidant à l'élaboration de la motion 1) et bien que la motion 5 ait obtenu des avancées notoires de la part de la commission des résolutions, on peut toujours s'interroger sur la pertinence stratégique d'avoir finalement accepté une synthèse dans le contexte d'un vaste marché de dupes… Sans rejoindre les scissions portées par Arnaud Montebourg et Gérard Filoche, bien des camarades de NPS sont restés dubitatifs sur le choix de novembre 2005.
L'intégralité des partis socialistes, sociaux-démocrates et travaillistes européens fonctionnent avec une majorité interne qui donne la ligne et une opposition, ce n'est pas en soi une dérive inéluctable avec le social-libéralisme. Reconnaissons pour le déplorer que les gauches des partis en question n'ont pas réussi à faire valoir la pertinence de leurs arguments, parfois aussi parce qu'elle était trop faible, alors que les tenants d'une ligne blairiste ont pu pendant un temps revendiquer la cohérence de leurs propositions et l'efficacité de leur stratégie. Ce moment politique s'éteint désormais mais le problème reste entier pour les partisans de réelles organisations politiques de transformation sociale. C'est l'ensemble de la sociale-démocratie mondiale qui doit réviser son analyse et ses propositions face à l'obsolescence visible de ses outils traditionnels.
Une chose est sûre c'est que dans l'opposition, un parti n'a aucun autre ministère que celui de la parole ; il ne peut donc être audible que si cette parole est cohérente et répétée. L'efficacité pose donc le problème du sort qui est fait à la minorité d'un parti, et de l'espace qui lui est octroyé pour qu'elle s'exprime sans donner l'impression qu'il y aurait une division profonde de l'appareil qui nuirait à la crédibilité de l'ensemble. Donc s'il n'y a pas de synthèse à l'issue d'un congrès, il faut définir quelles sont les garanties de maintien de la démocratie interne et sans doute multiplier les rendez-vous de débats et construction thématique entre chaque congrès qui permette d'élaborer collectivement les propositions du parti dans le respect de la ligne majoritaire. Cela dépend également de ce que l'on demande (et comment ?) aux militants de trancher à l'occasion d'un congrès ordinaire (nous y reviendrons). Plus largement il y a nécessité de plaider une véritable évolution des comportements personnels chez les responsables socialistes, qui ne sont pas plus les uns que les autres disciplinés tant qu'un micro leur est tendu. Les médias jouent de ces comportements et il sera difficile de leur demander de devenir plus sages avec nous.
[à suivre...]