2- Proposer la réflexion et l'innovation permanente
Le PS a connu des périodes de travail interne. Il n'est pas impossible de retrouver cette dynamique. En 1995 et 1996, le PS a organisé sous le premier secrétariat de Lionel Jospin trois conventions nationales thématiques qui lui ont permis d'être prêt pour les élections de 1998, finalement anticipées d'un an. Le problème tient dans l'absence de ligne directrice forte et identifiée depuis cette époque. Les majorités qui se sont succédées de 1997 à 2005, dont nous avons presque tous fait partie à un moment ou à un autre n'ont eu de cesse de repousser à plus tard les débats de fond qui se posaient à la doctrine socialiste. Ces débats étaient de nature à éveiller des clivages politiques entre un certain nombre de personnalités de premier plan du PS qui ne le souhaitaient pas pour ménager leurs chances respectives d'acquérir le leadership sur le Parti ou ,entre 1997 et 2002, d'entrer au gouvernement. En ce sens, la législature Jospin s'est accompagnée d'une véritable glaciation intellectuelle socialiste. Avec François Hollande, la culture socialiste a été celle de l'arrondissement des angles, du «moins tu fais de vagues, plus tu surnages», plutôt que de faire apparaître les arrêtes du projet socialiste. Cela a abouti sur fond de flou idéologique mondial à rendre illisible et inaudible les propositions du PS en 2002 et 2007.
Dans ce contexte, les conventions thématiques – plus ou moins définies sur le modèle de l'ère Jospin – prévues dans la motion A de 2003 n'ont jamais vue le jour, la majorité du Parti ne respectant pas son engagements. La convention thématique s'est trouvée remplacée par le référendum interne sur le TCE, qui n'a eu d'autres résultats que celui de nous diviser profondément et durablement, les positions des uns et des autres ayant été pour une bonne part caricaturées à l'extrême dans un débat binaire. Sur le fond, nous avons connu une perte de temps sans élaboration d'une ligne réellement définie et sans approfondir nos propositions pour la construction européenne.
Les commissions et les groupes de travail du Parti ont connu une croissance exponentielle : la majorité du PS connaissant un nombre de chapelles et d'écuries importantes, il s'agissait de récompenser telle ou telle clientèle militante, qui n'avait pas pu accéder au Conseil national. Cette logique s'est amplifiée après la synthèse du Mans, puisqu'il fallait désormais intégrer dans la direction nationale les motions 2 et 5, et que le nombre de laissés pour compte de la motion 1 s'était accru en conséquence. Ici comme souvent, le trop plein n'a pas produit de travail cohérent dans un temps aussi proche d'échéances électorales où les jeux de positionnement finissent par être dominant.
L'efficacité et le traitement de la complexité nécessite souvent la concision et les équipes réduites. Les commissions nationales et les groupes de travail n'ont pas besoin d'être innombrables pour fonctionner, mais d'avoir avant tout une feuille de route clairement établie. Entre deux congrès, il est nécessaire de définir à l'avance trois débats thématiques non tranchés par les débats du congrès et de s'y tenir. Le fond doit redevenir notre préoccupation commune de socialiste plutôt que d'être supplanté par la recherche d'une illusoire reconnaissance narcissique.
Ces conventions thématiques, qui se dérouleraient entre chaque congrès ordinaires, sont également dépendantes du type de débat que l'on souhaite trancher lors d'un congrès ordinaire.
Les deux objectifs d'un congrès du Parti socialiste sont de définir la ligne politique du Parti et d'en désigner en cohérence les dirigeants. Nous ne pouvons continuer à vivre des congrès qui remettent à chaque fois en jeu les fondamentaux d'un parti de transformation sociale. Que chaque motion soumise au vote des militants développe chacune un projet global de société tend parfois au ridicule, sans que l'identité profonde du Parti, son organisation, son fonctionnement n'en sorte grandement clarifiée. Il est sans doute nécessaire si l'on veut conserver des débats d'idées, pédagogiques et efficients, de réformer les cadres du dépôt des motions prétendant au vote des militants.
Cela nécessitera un minimum de loyauté et de bonne foi entre nous, mais il n'est pas interdit d'être optimiste de temps à autres. Que le bureau national du PS s'accorde à une majorité qualifiée dont le taux reste à définir sur les trois ou quatre enjeux majeurs sur lesquels une formation politique de gauche doit précisément définir une ligne pour répondre aux besoins de la période et les débats seront intelligible par la majorité des militants qui pourront plus aisément se positionner. Aujourd'hui il apparaît clairement que les enjeux du Parti socialiste tient essentiellement dans la redéfinition d'une doctrine économique pertinente dans un environnement mondialisé.
Que chacune de ses courtes motions d'orientation soient accompagnées d'un programme d'action national également soumis aux militants, où seraient définis les trois ou quatre conventions thématiques qui pourraient venir compléter la réflexion du parti dans l'attente du congrès suivant ou dans la perspective des échéances électorales (enjeu écologique, nature de l'autorité républicaine, construction européenne, politique internationale, rapports nord-sud, flux migratoires et développement…).
[à suivre...]