Confronté à cette situation confuse, Charles Picqué, le ministre-président socialiste de la région bruxelloise, troisième composante de l'ensemble belge avec la Flandre et la Wallonie, dit s'inquiéter d'une rupture toujours possible entre Flamands et francophones. M. Picqué estime que "si l'on veut éviter l'accident, la négociation devra déboucher sur des résultats équilibrés et des concessions mutuelles. Trop de concessions francophones, imaginées dans le but de sauver le pays, ne feraient, en réalité, qu'accélérer le processus".
La négociation fédérale n'a, jusqu'ici, que brièvement évoqué la question de l'avenir de Bruxelles. Pas de quoi rassurer le ministre-président, qui gère une situation aussi difficile que paradoxale. Très majoritairement francophone, Bruxelles est enclavée dans le territoire flamand et est aussi la capitale proclamée de la région flamande. Classée parmi les cinq régions les plus productrices de richesse en Europe, son produit intérieur est très supérieur à la moyenne nationale belge, mais elle bénéficie peu de cette manne : l'impôt de ceux qui viennent y travailler tous les jours est réimporté dans les autres régions. En Flandre surtout, puisque les Flamands forment 71% de la main d'oeuvre de la ville-région.
Bruxelles, qui assume toutes les contraintes de son statut de capitale fédérale et européenne, se débat, pendant ce temps, avec un taux de chômage record (21% en moyenne, plus de 30% chez les moins de 25 ans), des finances à la corde et un sous-investissement chronique du pouvoir fédéral.
"PROTECTION DES MINORITÉS"
Les deux partis francophones qui négocient avec M. Leterme, le Parti libéral et le Centre démocrate humaniste (centre-droit) réclament une extension des limites de la ville-région afin de mieux assurer son développement. Problème : aucun négociateur flamand n'accepte cette demande. Tous, en revanche, veulent scinder l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, ce qui priverait les 150 000 francophones vivant dans la périphérie flamande de la ville d'une grande partie de leurs droits actuels. "Ce problème renvoie à la protection des minorités, donc au respect des gens, et à l'enclavement de Bruxelles, alors que nous demandons, au contraire, à mieux coopérer avec les zones proches", souligne M. Picqué, qui invite les négociateurs francophones à la fermeté.
"Je suis pour une réforme de l'Etat qui assurerait, notamment, la viabilité de Bruxelles. Pas pour des concessions destinées à sauver une Belgique qui ne serait plus qu'une coquille vide", indique le président de la région bruxelloise. "Chagriné mais réaliste", il se prépare, dit-il, à un scénario "confédéral". M. Picqué espère seulement que cela n'engendrera pas le "pire", c'est-à-dire "une cogestion de Bruxelles par les deux autres régions ou, pire, une mainmise flamande sur la ville". "En fait, ajoute-t-il, je crois qu'une majorité de Flamands n'a pas envie d'une rupture, mais des éléments irrationnels peuvent jouer et le ressaisissement que j'espère ne se manifeste guère."
Bruxelles pourrait-elle, alors, être "sauvée" par l'Union européenne, comme l'espère une partie de ses habitants ? "Je préfère l'idée d'une Belgique à trois régions viables. Je doute que l'UE veuille s'incarner en meilleure alliée de ma région. Elle n'a sans doute pas envie de mettre la main dans le panier de crabes belge..."
Article paru dans l'édition du 10.10.07
La marche était organisée par le Voorpost ("Avant-poste" en néerlandais), un groupe radical qui milite pour une partition de la Belgique au nom des "intérêts de la communauté ethnique néerlandaise". Dix-sept parlementaires du parti d'extrême-droite indépendantiste Vlaams Belang étaient présents dans un cortège où flottaient de nombreux drapeaux jaunes frappés du lion noir, symbole de la Flandre.
"LA SOLUTION, C'EST DE SÉPARER FLAMANDS ET WALLONS"
Quatre mois après les législatives, la formation d'un nouveau gouvernement belge bute notamment sur la question du droit des francophones de la périphérie flamande de Bruxelles de voter pour des listes francophones de la capitale, que les partis néerlandophones souhaitent abolir.
"C'est le moment crucial pour demander l'indépendance de la Flandre", a souligné un responsable du groupe nationaliste, Michael Debronett. "La solution, c'est de séparer Flamands et Wallons. On demande une Flandre indépendante, avec l'intégrité de son territoire", a-t-il ajouté.
Au même moment, une centaine de défenseurs de l'unité de la Belgique, dont de nombreux jeunes, manifestaient dans le centre de Bruxelles, arborant les couleurs belges et portant des autocollants "Touche pas à ma Belgique".