C'est peu dire que cette conférence, annoncée de longue date, tombe à pic. Bien que l'Insee prévoie une progression du pouvoir d'achat de 2,8% cette année (après +2,3% en 2006), la flambée des prix d'un certain nombre de produits commence à inquiéter les consommateurs. Et la modération persistante des salaires contribue à persuader les ménages que leur niveau de vie a eu tendance, ces dernières années, à se détériorer. Le sujet est sensible pour Nicolas Sarkozy, qui, pendant la campagne électorale, s'est présenté comme "le président du pouvoir d'achat", et pour le gouvernement, confronté à une conjoncture économique difficile, qui réduit ses marges de manœuvre à quelques mois des élections municipales de mars 2008.
La valse des étiquettes. Le prix du pétrole s'envole littéralement. Le baril de brent (le brut européen) a dépassé pour la première fois, jeudi 18 octobre, les 90 $. C'est une augmentation de près de 50% sur un an. Du coup, les tarifs du fioul domestique, pour les livraisons inférieures à 5 000 litres, ont augmenté de 4,71 % en un an, pour s'établir à 67,09 € l'hectolitre en septembre, et ceux de l'essence à la pompe, qui frisent désormais 1,50 € le litre, n'en finissent pas d'augmenter.
Si l'on y ajoute l'augmentation du prix du pain, liée à la hausse des céréales, et celle attendue des produits laitiers (+10,48 % chez Danone en novembre ; +15 à 17% chez Lactalis), on conçoit que les Français aient du mal à croire les statisticiens de l'Insee, lorsqu'ils soulignent le niveau "historiquement bas" de l'inflation, malgré la légère remontée enregistrée en septembre (+1,5%).
Des salaires en berne. Bien qu'en légère diminution l'an dernier, la proportion de salariés payés au niveau du smic reste très élevée : elle est passée de 8,1% à 15,1% entre 1991 et 2006. A cette date, selon l'Insee, 27% des salariés à temps complet du privé et du semi-public, cantonnés sur des emplois où les allègements de charges patronales jouent à plein, touchaient moins de 1,3 fois le smic. Si l'on y ajoute les travailleurs précaires employés en contrat à durée déterminée (CDD), à temps partiel ou sur des missions d'intérim, on n'est probablement pas loin des 37,8% de personnes percevant un salaire mensuel de moins de 1,3 fois le smic, relevés par l'Insee en 2002 (dernier chiffre connu). La "smicardisation" de la société française, qui est d'une ampleur inédite en Europe, existe bien. Elle n'épuise pas, toutefois, la réalité de l'évolution des revenus.
L'envol des hauts revenus. A l'autre bout de l'échelle, en effet, les revenus les plus élevés ne cessent d'augmenter. Un chercheur de l'Ecole d'économie de Paris, Camillle Landais, a établi que, entre 1998 et 2005, les 3 500 foyers les plus riches de France ont vu leur revenu réel augmenter de 42,6%, tandis que 90% des foyers fiscaux devaient se contenter d'une hausse de 4,6%. L'économiste explique le dynamisme des hauts revenus par la croissance des revenus de capitaux mobiliers et des plus-values boursières, mais aussi par la nette progression des très hauts salaires. Cette explosion des inégalités nourrit, bien sûr, le "ressenti" des ménages sur la détérioration de leur niveau de vie.
Des charges plus lourdes. Dans le budget des ménages, le poids des dépenses dites contraintes – celles sur lesquelles on n'a guère de prise à court terme, comme le logement (loyers, charges), les assurances, les remboursements des crédits ou encore les impôts et autres contributions sociales (CSG et CRDS) – n'a cessé d'augmenter. Il est passé de 22% à 45% du budget familial entre 1960 et 2006. Et encore, il ne s'agit que d'une moyenne, puisque ce type de charges absorbe les trois quarts du revenu disponible des plus modestes. Or ces derniers, du fait de leur mode de consommation, sont aussi ceux qui sont les plus touchés par la hausse des prix du tabac, des produits de première nécessité (pain, lait…), des loyers ou encore du fioul domestique.