28 novembre 2007
3
28
/11
/novembre
/2007
11:41
Il est tellement évident que la mort de deux jeunes - aussi tragique soit-elle et quelles que soient les responsabilités vraisemblables des uns et des autres dans un accident de la circulation - ne justifiera jamais que des violences gratuites soient perpétrées contre les représentants de l'autorité ou des bâtiments publics qui participent de l'ouverture culturelle et humaine d'une population en difficulté sur le monde ; c'était le cas de la bibliothèque brûlée à Villiers-le-Bel.
Mais une fois que cela est dit, on ne peut oublier que ces évènements inqualifiables traduisent ce que l'on ne peut même plus appeler un malaise profond dans les banlieues françaises, tant le mot paraît aujourd'hui dérisoire au regard de la gravité des faits et de leur renouvellement. La méfiance vis-à-vis de l'autorité, le sentiment de relégation de larges franges de la population a accouché finalement aujourd'hui d'un sentiment de haine iraisonnée, d'un petit parfum de guerre civile, qui peut mettre à mal les fondements du pacte républicain si on laissait faire encore.
En 2000, participant au forum de la jeunesse de Cergy au titre du conseil départemental des jeunes du Val d'Oise, j'avais expliqué que militant "jeune socialiste" dans la Vallée de l'Oise, allant à la rencontre des jeunes des quartiers de Persan et Beaumont-sur-Oise, j'avais eu l'occasion d'échanger avec eux qui ne voyaient dans leurs perspectives que l'émeute pour transformer le contexte social et urbain dans lequel ils vivaient. Je leur disais :
- que le risque était grand que les émeutes ne sortant pas des quartiers populaires, la partie plus protégée socialement et géographiquement de la population refuse de prendre en compte les préoccupations urgentes et si malhabilement exprimées ;
- que cette majorité française hors quartier populaire décide de vivre consciemment en faisant une croix sur l'autre de partie de la population qui s'agitait, l'excluant de fait du contrat social, par égoïsme et peur.
La perspective serait d'envoyer les forces répressives ramener le calme de temps à autre, en attendant les prochaines émeutes qui déboucheraient sur le même scénario et aggrandirait le fossé entre deux France.
C'est exactement ce qui est en train de se passer aujourd'hui !
Deux ans après Clichy, le discours politique - avant tout celui du gouvernement UMP d'hier et d'aujourd'hui mais plus gravement celui également de centaines d'élus de gauche (!?) - privilégie une réponse à sens unique : le maintien de l'ordre. La crise sociale des banlieues n'a jusqu'ici été traitée qu'en augmentant et pérennisant l'emploi de forces exceptionnelles (CRS, gendarmes mobiles...) lorsque des coups de grisou survenaient. Le paroxisme ayant été l'état d'urgence de 2005, mais la logique était déjà présente auparavant. Je ne dit pas que la sécurité n'est pas un sujet phare dans nos banlieues au contraire, mais nous entrons là dans le débat qui oppose gauche et droite sur police d'ordre ou police de proximité ; ce qui est inquiétant c'est l'acceptation croissante de la nécessité prioritaire d'une police d'ordre à gauche...
Par contre, depuis 6 ans qu'est-ce qui a changé en termes de logements, d'emploi, de transports, de services publics dans ces quartiers ? rien... L'appel au calme, l'appel au rétablissement de l'ordre, le rappel des peines encourues par les fauteurs de troubles tiennent lieu de politique sans que l'on s'occupe du fond. Une fois l'ordre rétabli, on retrouvera le même cancer social, jusqu'à ce que la prochaine émeute fasse renaître à la marge un petit sentiment de culpabilité, et encore de moins en moins.
Les maires de gauche qui viennent de lancer un appel à prendre en compte les vrais problèmes de la banlieue se trompent eux-mêmes quand ils réclament comme solution prioritaire l'augmentation des ressources financières des communes populaires : à Sarcelles, à Clichy, on en fait beaucoup plus avec moins de ressources que dans beaucoup de communes mieux dotées. Le fond du problème tient d'une part à la volonté politique et d'autre part à la nécessité d'un retour de l'Etat dans les quartiers avec les services publics et les entreprises publiques qui le représentent. Car c'est à lui d'assurer l'unité du pays.
La perversion du système actuel est lisible dans le vocabulaire que l'on emploie. Parler d'égalité des chances c'est se fourvoyer gravement... Quant on parle d'égalité des chances, répondant ainsi à de nombreuses expressions populaires "j'ai eu de la chance", "on m'a donné une chance", "donnez-nous une chance de vous démontrer...", c'est laissé entendre que les individus, les personnes, sont en compétition les uns avec les autres et qu'ils pourraient jouer leur vie sur un jet de dés, et puisque c'est l'égalité des chances, on a une chance au départ et on ne reviendra pas dessus...
A cette "égalité des chances", ce faux-ami du langage politique, je préfère un terme bien moins ambigu : "égalité républicaine", c'est-à-dire une égalité de droits (droits civiques, droit à un logement digne, droit à l'éducation, droit au travail, etc.) fermement garantie par la République, une République - c'est-à-dire l'Etat - qui quels que soient les territoires concernés en finissent avec ces scandales que sont la pénurie de logements, l'habitat indigne, la déshérence pédagogique et en moyen de l'éducation nationale et la discrimination à l'emploi.
Frédéric FARAVEL
Mais une fois que cela est dit, on ne peut oublier que ces évènements inqualifiables traduisent ce que l'on ne peut même plus appeler un malaise profond dans les banlieues françaises, tant le mot paraît aujourd'hui dérisoire au regard de la gravité des faits et de leur renouvellement. La méfiance vis-à-vis de l'autorité, le sentiment de relégation de larges franges de la population a accouché finalement aujourd'hui d'un sentiment de haine iraisonnée, d'un petit parfum de guerre civile, qui peut mettre à mal les fondements du pacte républicain si on laissait faire encore.
En 2000, participant au forum de la jeunesse de Cergy au titre du conseil départemental des jeunes du Val d'Oise, j'avais expliqué que militant "jeune socialiste" dans la Vallée de l'Oise, allant à la rencontre des jeunes des quartiers de Persan et Beaumont-sur-Oise, j'avais eu l'occasion d'échanger avec eux qui ne voyaient dans leurs perspectives que l'émeute pour transformer le contexte social et urbain dans lequel ils vivaient. Je leur disais :
- que le risque était grand que les émeutes ne sortant pas des quartiers populaires, la partie plus protégée socialement et géographiquement de la population refuse de prendre en compte les préoccupations urgentes et si malhabilement exprimées ;
- que cette majorité française hors quartier populaire décide de vivre consciemment en faisant une croix sur l'autre de partie de la population qui s'agitait, l'excluant de fait du contrat social, par égoïsme et peur.
La perspective serait d'envoyer les forces répressives ramener le calme de temps à autre, en attendant les prochaines émeutes qui déboucheraient sur le même scénario et aggrandirait le fossé entre deux France.
C'est exactement ce qui est en train de se passer aujourd'hui !
Deux ans après Clichy, le discours politique - avant tout celui du gouvernement UMP d'hier et d'aujourd'hui mais plus gravement celui également de centaines d'élus de gauche (!?) - privilégie une réponse à sens unique : le maintien de l'ordre. La crise sociale des banlieues n'a jusqu'ici été traitée qu'en augmentant et pérennisant l'emploi de forces exceptionnelles (CRS, gendarmes mobiles...) lorsque des coups de grisou survenaient. Le paroxisme ayant été l'état d'urgence de 2005, mais la logique était déjà présente auparavant. Je ne dit pas que la sécurité n'est pas un sujet phare dans nos banlieues au contraire, mais nous entrons là dans le débat qui oppose gauche et droite sur police d'ordre ou police de proximité ; ce qui est inquiétant c'est l'acceptation croissante de la nécessité prioritaire d'une police d'ordre à gauche...
Par contre, depuis 6 ans qu'est-ce qui a changé en termes de logements, d'emploi, de transports, de services publics dans ces quartiers ? rien... L'appel au calme, l'appel au rétablissement de l'ordre, le rappel des peines encourues par les fauteurs de troubles tiennent lieu de politique sans que l'on s'occupe du fond. Une fois l'ordre rétabli, on retrouvera le même cancer social, jusqu'à ce que la prochaine émeute fasse renaître à la marge un petit sentiment de culpabilité, et encore de moins en moins.
Les maires de gauche qui viennent de lancer un appel à prendre en compte les vrais problèmes de la banlieue se trompent eux-mêmes quand ils réclament comme solution prioritaire l'augmentation des ressources financières des communes populaires : à Sarcelles, à Clichy, on en fait beaucoup plus avec moins de ressources que dans beaucoup de communes mieux dotées. Le fond du problème tient d'une part à la volonté politique et d'autre part à la nécessité d'un retour de l'Etat dans les quartiers avec les services publics et les entreprises publiques qui le représentent. Car c'est à lui d'assurer l'unité du pays.
La perversion du système actuel est lisible dans le vocabulaire que l'on emploie. Parler d'égalité des chances c'est se fourvoyer gravement... Quant on parle d'égalité des chances, répondant ainsi à de nombreuses expressions populaires "j'ai eu de la chance", "on m'a donné une chance", "donnez-nous une chance de vous démontrer...", c'est laissé entendre que les individus, les personnes, sont en compétition les uns avec les autres et qu'ils pourraient jouer leur vie sur un jet de dés, et puisque c'est l'égalité des chances, on a une chance au départ et on ne reviendra pas dessus...
A cette "égalité des chances", ce faux-ami du langage politique, je préfère un terme bien moins ambigu : "égalité républicaine", c'est-à-dire une égalité de droits (droits civiques, droit à un logement digne, droit à l'éducation, droit au travail, etc.) fermement garantie par la République, une République - c'est-à-dire l'Etat - qui quels que soient les territoires concernés en finissent avec ces scandales que sont la pénurie de logements, l'habitat indigne, la déshérence pédagogique et en moyen de l'éducation nationale et la discrimination à l'emploi.
Frédéric FARAVEL