Dès 1981, tout juste après sa victoire aux élections présidentielles, le nouveau Président de la République François MITTERRAND affirme sa volonté d'accorder asile aux italiens engagés dans la lutte armée pour autant qu'ils renoncent à toute forme de violence.
Faisant foi à cette promesse, quelques centaines de militants italiens traqués par les autorités de leur pays s’exilent dans l’Hexagone. Ce sont des gens ayant pratiqué ou côtoyé la lutte armée ; il s’agit de vaincus inculpés, puis lourdement condamnés, dans le cadre d’atteinte à la personnalité et sûreté de l’Etat. Pour le code pénal italien, les faits poursuivis sont donc politiquement qualifiés.
Le 20 avril 1985, en réponse aux insistantes pressions italiennes, le chef de l’Etat, lors du 65e congrès de la Ligue des droits de l'homme, prononce ces paroles : « J'ai dit au gouvernement italien que ces trois cents Italiens…qui ont participé à l'action terroriste en Italie depuis de nombreuses années…ont rompu avec la machine infernale dans laquelle ils s'étaient engagés…étaient à l'abri de toute sanction par voie d'extradition... ».
On peut être d’accord ou pas, mais ces mots qui engagent la République Française sont non-équivoques : il y a bien assurance d’asile en pleine connaissance de la gravité de faits couverts ; ces faits graves sont bien de nature politique ; cet asile est un et indivisible, erga omnes, sans dérogation ; il ne peut y avoir extradition que s'il y a reprise de l'action terroriste. Treize ans plus tard, le 4 mars 1998, le Premier Ministre Lionel Jospin reprend cette position, dans une lettre adressée aux Avocats des réfugiés rendue publique, en ces termes : « …mon gouvernement n'a pas l'intention de modifier l'attitude qui a été celle de la France jusqu'à présent. C’est pourquoi il n’a fait et ne fera droit à aucune demande d’extradition d’un des ressortissants italiens qui sont venus chez nous dans les conditions que j’ai précédemment rappelées… »
Ces décisions politiques, médiatisées sous l’étiquette de doctrine Mitterrand, comportent les effets que tout le monde connaît : régularisation administrative de tous ces italiens, formation de familles, naissance d’enfants, intégration au grand jour dans la société française. Des effets qui, selon nous, tout en n’étant pas des droits formels, renvoient cependant au concept de droits acquis du fait de leur source politique et de leur maintien, toute couleur politique confondue, dans le temps. C'est-à-dire qu’ils ne peuvent être piétinés sans fautes vérifiées de la part des bénéficiaires.
Pourtant c’est ce qui arrive brutalement en août 2002 avec l’extradition de Paolo Persichetti et en 2004 avec l’affaire Battisti, quand le Gouvernement utilise hypocritement l’émotion suscitée par l’attaque des Twin Towers pour renier la parole de la France. Les arguments sécuritaires allégués sont faux (depuis un quart de siècle, les réfugiés italiens vivent paisiblement sur le territoire français et ne représentent aucun danger), anachroniques (on apprécie soudainement les agissements d’une époque révolue, et par là figée dans son passée, avec le regard et les craintes du contexte actuel) ou affectifs (la légitime douleur des victimes et de leurs familles instrumentalisée pour réclamer une punition sans fin), mais que veut-on ? L’« air du temps » est ainsi fait, n’en déplaise à la raison et aux contraintes morales. Aujourd’hui c’est au tour de Marina PETRELLA d’en faire les frais.
Cependant, nous ne voulons plus de cette logique perverse qui poursuit toute violence politique, même vieille de trente ans, comme impardonnable mal absolu, de ce choix des gouvernements français et italien qui, l’un méprisant les engagements pris par son Pays et l’autre la nécessité de dépasser ses malheurs d’antan par voie d’amnistie, traquent Marina PETRELLA comme une coupable de crime imprescriptible contre l’humanité.
C’est pourquoi nous demandons aux autorités françaises de respecter la parole donnée par la France, aux autorités italiennes de clore par une mesure politique adéquate ses « années de plomb », aux juges désormais chargés d'émettre un avis sur l’extradition de Marina PETRELLA d’intégrer dans leur appréciation tous les éléments politiques et humains qui justifient incontestablement son maintien en France.
Comité de soutien à Marina Petrella, menacée d'extradition
présidé par Jacques Maury, ancien Président de la Fédération Protestante et de la Cimade
Ligue des droits de l’Homme -138 rue Marcadet 75018 Paris 6 - Tel : 01 56 55 51 00
PREMIERS SIGNATAIRES :
Stéphane HESSEL, ancien Ambassadeur
Jean-Pierre DUBOIS, président de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH)
Albert JACQUARD, Professeur émérite aux Universités
Chahla CHAFIQ, écrivaine, militante féministe
Michel TUBIANA, Président d’honneur de la LDH
Nicole BORVO COHEN-SEAT, sénatrice de Paris (PCF)
Danielle MITTERRAND, Présidente de la Fondation France Libertés
Benoît HAMON, Député européen (PS)
Régis JUANICO, Député de La Loire et Conseiller général (PS)
Cécile DUFFLOT, Secrétaire nationale (Verts)
Jean Vincent PLACE, Conseiller régional Ile-de-France (Verts)