En réponse à la chronique de Michel Noblecourt parue en page 2 de l’édition du week end du Monde et intitulée ” PS : les faux convertis au réfomisme“, Benoît Hamon a demandé au journal de publier la brève réponse suivante. Elle a été rejetée. Je ne commenterai pas ce choix.
La voici :
Lettre ouverte aux modernes du 20ème siècle.
20 ans que je suis membre du PS. Et presque aussi longtemps que je lis Le Monde. Et là vendredi soir, sous la plume de M. Noblecourt, Le Monde s’interroge en p. 2 à savoir si «M. Hamon (…) a encore sa place dans un Parti Socialiste ouvertement réformiste ». Ciel ! Je me serais bien passé d’un tel honneur. Car on sent bien que la réponse est dans la question et qu’à l’évidence aux yeux de l’éditorialiste du grand quotidien du soir, il est une espèce menaçante de socialistes, constituée de manipulateurs et imposteurs, les «faux convertis au réformisme».
Au passage, le journaliste dans sa grande clémence, réhabilite quelques moutons noirs d’hier. Ainsi dans le même éditorial, Laurent Fabius après avoir longtemps erré aux marges est réintégré dans la colonne centrale, la bonne, celle des socialistes réformistes. Je suis certain que l’intéressé appréciera cette mansuétude.
A quelques semaines du congrès de Reims, Le Monde aurait-il donc choisi son camp? Prendrait-il cette fois-ci fait et cause pour les bons socialistes, les «réformistes» contre les mauvais socialistes, les «on-ne-sait-quoi» d’ailleurs ? Faudrait-il donc, pour espérer voir la gauche gagner demain, perpétuer l’ancien et parier «naïvement» sur le moins disant politique rebaptisé paresseusement ou cyniquement «réformisme»? Heureusement, ce sont les militants socialistes qui trancheront cette question et souhaitons-le, à partir d’une lecture politique un peu moins grossière et caricaturale que le propos de monsieur Noblecourt.
Car que faut-il comprendre à ce papier ?
En premier lieu, qu’il existe un crime irréparable, celui qui a réuni les «nonistes» dans la contestation du traité constitutionnel européen, que le soutien de 54 % des français et en leur sein d’une majorité de l’électorat de gauche ne suffit pas à pardonner. Il est incontestable qu’aux yeux de quelques uns, parisiens, influents et qui «dînent le soir en ville», l’horloge s’est arrêtée il y a 3 ans, en mai 2005. Depuis ils ressassent le souvenir d’un monde perdu. Et confirment qu’ils ne saisissent rien à la séquence qui se déroule pourtant si près d’eux, dans la rue française, européenne, américaine ou africaine mais si loin de leur tour d’ivoire.
Mais ce n’est pas l’instant d’expliquer le 2ème âge de la globalisation dans lequel s’est précipité le monde entier et qui convoque partout le retour de la puissance publique, la régulation des marchés financiers, une redistribution des richesses plus favorable au travail et des restrictions indispensables au libre échange.
En second lieu, cette chronique confond délibérément 2 concepts : réformisme et libéralisme. Le réformisme, qui s’incarne dans le choix de la démocratie comme but et moyen de l’action politique, s’incarne dans la volonté d’inscrire l’action collective dans le cadre républicain et le choix d’impliquer le mouvement social dans la définition du contenu du changement, rassemble aux nuances d’orientation près, tous les socialistes. Mais si, dans le frisson de l’air du temps, c’est au libéralisme économique que Michel Noblecourt souhaite convertir les socialistes, qu’il soit rassuré, il sera plus facile de nous démasquer. Car nous sommes nombreux et même une majorité de militants à revendiquer être à la fois socialistes, réformistes mais sourds aux insistantes sirènes libérales. Parce qu’il faut être aveugle ou inconséquent ou de mauvaise foi pour ne pas constater que cette idéologie a, elle aussi, historiquement échoué.
Le temps passe, le monde se transforme, les périls grandissent et la France reste dirigée et influencée par les «modernes» du 20ème siècle. Nous voulons changer cela. Nous allons changer cela.