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Or le séisme qui ébranle le capitalisme financier et l'économie mondiale risque fort d'aggraver la panne dont souffre le socialisme européen. Le paradoxe est complet : cette crise du libéralisme mondialisé devrait offrir à la gauche l'occasion de sortir de son blues et de relever la tête. Ne plaide-t-elle pas depuis toujours pour la défense de l'Etat-providence, pour le retour de l'Etat, pour la régulation des marchés financiers, pour une politique européenne plus volontariste et pour une gouvernance mondiale plus rigoureuse. Elle devrait triompher ; elle apparaît encore plus inaudible, comme tétanisée. Pour trois raisons.
Primo, la crise asphyxie chaque jour un peu plus la croissance européenne, déjà molle depuis des années. Les politiques de redistribution et de solidarité (retraites, sécurité sociale, assurance-chômage, etc.) qui sont au cœur du modèle social-démocrate vont être encore plus menacées.
Secundo, une droite décomplexée est à l'offensive dans la plupart des pays européens. Depuis quelques jours, qui sont les procureurs les plus virulents de la folie des marchés et les avocats les plus énergiques du retour de la puissance publique ? Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi, pourtant chantres, il y a peu, du libéralisme le plus débridé !
Enfin, et c'est l'essentiel, la gauche ne propose pas de modèle alternatif. Ecartelée entre la défense du modèle d'hier qui apparaît conservatrice et le renoncement idéologique qui est vécu par beaucoup de ses électeurs comme un reniement, elle ne parvient pas à inventer la social-démocratie du XXIe siècle. D'autant plus incapable d'engager cette bataille intellectuelle qu'elle est minée par des querelles de chefs (et pas seulement en France), elle risque de laisser le champ libre à une gauche radicale et anti-capitaliste, mais qui a renoncé depuis belle lurette à l'exercice du pouvoir.
Pour les citoyens européens qui n'ont pas renoncé aux valeurs progressistes d'égalité, de solidarité et de justice, les temps sont durs.
Gérard Courtois