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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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17 mars 2009 2 17 /03 /mars /2009 16:20
Analyse
Le procès Colonna tourne à la parodie de justice, par Yves Bordenave
LE MONDE | 17.03.09 | 13h35  •  Mis à jour le 17.03.09 | 13h35

n box vide, des bancs de la défense désertés : la cour d'assises spécialement composée de Paris qui juge Yvan Colonna depuis le 9 février n'a plus que ses apparats. Elle s'apprête à décider de l'innocence ou de la culpabilité d'un homme qui risque la prison à perpétuité, en son absence et en celle de ses défenseurs. Depuis le 11 mars, date du départ de l'accusé et de ses avocats, les débats se poursuivent mais les dés sont pipés : que vaut une discussion judiciaire, lorsque le principal intéressé refuse d'y participer ?

Le président, Didier Wacogne, a beau continuer, feignant d'entendre les témoins selon une règle d'impartialité dont il serait désormais l'unique garant, rien n'y fait : le procès en appel d'Yvan Colonna, accusé d'avoir assassiné le préfet Claude Erignac le 6 février 1998 à Ajaccio, a sombré dans un simulacre de justice. Pourtant, il faut bien juger Yvan Colonna selon la loi, que celui-ci l'accepte ou non.

Reste à comprendre comment on a pu arriver à cette parodie qui entachera le verdict de manière indélébile. Le refus d'Yvan Colonna d'assister à son procès, au bout de cinq semaines d'audience, constitue l'aboutissement d'une chronique d'un départ annoncé. Le motif invoqué - le rejet d'une seconde demande de reconstitution - est un prétexte. La preuve, selon l'accusé et ses avocats, que cette cour formée de magistrats professionnels triés sur le volet par le premier président de la cour d'appel de Paris n'est pas là pour rechercher la vérité, mais pour condamner leur client "au nom de la raison d'Etat".

Dès le 17 février, Me Antoine Sollacaro, suivi de ses confrères Pascal Garbarini et Gilles Simeoni, avait quitté le prétoire "provisoirement" en signe de protestation. La cour avait différé sa décision concernant une demande de supplément d'information à la suite du témoignage de l'ancien secrétaire général adjoint de la préfecture de Corse, Didier Vinolas, selon lequel des suspects "couraient toujours dans la nature".

Les avocats avaient dénoncé une manoeuvre dilatoire et s'en étaient pris au président, Didier Wacogne, lui reprochant sa "déloyauté" et sa "partialité". N'avaient-ils pas surpris celui-ci en flagrant délit de mensonge, cinq jours auparavant ? En effet, le 17 février, lors de sa déposition, Didier Vinolas assurait en avoir préalablement informé le président Wacogne par lettre. Lequel ne l'avait pas communiquée aux parties, ni avant ni pendant l'audience. Il s'en est justifié de manière un peu piteuse : "Je n'ouvre pas mon courrier avant les débats."

Cette missive avait également été adressée au parquet général, qui l'avait transmise au président de la cour. Dès lors, il apparaît peu probable que, contrairement à ses assertions, celui-ci n'en ait pas pris connaissance. "J'ai le sentiment que lorsque M. Vinolas écrit, on veut ignorer ce qu'il écrit", s'était indigné Me Maisonneuve. En tentant de dissimuler cette lettre, Didier Wacogne n'a fait qu'accroître la défiance et la tension qui plombaient déjà cette audience.

Cet épisode a laissé des traces. La défense du berger de Cargèse a marqué des points, l'autorité du président s'en est trouvée durablement entamée et l'accusation affaiblie. A tel point que, spectatrice d'un procès qui partait à vau-l'eau, l'opinion, pourtant longtemps acquise à la culpabilité de l'accusé, a fini par basculer. Pour la première fois depuis sa cavale, le 24 mai 1999, Yvan Colonna bénéficie du doute qui a toujours assombri l'enquête liée à cette affaire. Aux yeux de l'opinion, l'ex-fugitif le plus recherché de France - "mort ou vif", avait lancé l'ancien chef de la DNAT, Roger Marion - pourrait ne pas être "l'assassin" que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, avait stigmatisé sous les applaudissements de la foule le 4 juillet 2003 à Carpentras (Vaucluse).

Du maquis où il s'est réfugié pendant quatre ans, comme du fond de sa cellule où il est incarcéré depuis six ans, Yvan Colonna a toujours clamé son innocence. Ses accusateurs, juges et policiers, n'ont jamais produit un élément matériel ou factuel qui le confonde sans contestation possible. Seuls les aveux des membres du commando et de leurs épouses obtenus en mai 1999, à l'issue de gardes à vue dont le déroulement a toujours été sujet à controverse, fondent sa mise en cause. Pas plus. Pas moins.

Près de deux années se sont écoulées avant que les premiers ne se rétractent. Les autres ont suivi, selon une discipline implacable et une spontanéité douteuse. Au fil de leurs rétractations, les conjurés n'ont jamais expliqué les raisons pour lesquelles ils auraient livré un innocent. Variables, imprécis et plusieurs fois modifiés, leurs récits sont si peu convaincants qu'ils en deviennent suspects. "Je ne comprends pas que vous ayez mis tant de temps à dire la vérité !", s'est étonné Yvan Colonna lors de leur venue à la barre.

Le 9 mars, devant la cour, Pierre Alessandri, qui s'est accusé d'avoir tiré sur le préfet, a suggéré que Colonna aurait appartenu à leur groupe mais qu'il se serait "déballonné". Personne n'a relevé. Ni l'accusation, ni la défense, ni Colonna, qui a changé de sujet. Dans quelques jours, la cour rendra son verdict. Celui-ci dira la vérité judiciaire. Approchera-t-elle la vérité simple ? A l'issue d'un tel procès, cette question hantera toujours les esprits.

 


Courriel : bordenave@lemonde.fr.
Yves Bordenave (Service Europe-France)
Article paru dans l'édition du 18.03.09
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