Obama contre Nétanyhou
Libération - jeudi 23 avril 2009 - Par Bernard GuettaCe sont des mots, deux mots, qui pèseront lourd sur la scène internationale. A Ramallah puis au Caire, le nouveau représentant spécial de la Maison Blanche pour le Proche-Orient a non seulement martelé, la semaine dernière, que Barack Obama voulait parvenir à un règlement israélo-palestinien fondé sur «la coexistence de deux Etats» mais ajouté, dans le même souffle, que cela relevait de «l’intérêt national» des Etats-Unis.
George Mitchell vient, autrement dit, de signifier au gouvernement Nétanyahou que l’Amérique n’admettrait pas qu’il persiste dans son refus de la création d’un Etat palestinien. Entre Israël et les Etats-Unis, une épreuve de force se dessine et elle s’annonce rude car, contrairement à l’idée reçue, les Etats-Unis n’ont jamais hésité à tordre le bras des Israéliens lorsqu’ils estimaient que leur «intérêt national» était en jeu.
Ils l’avaient fait en 1956, en sommant Israël, la France et la Grande-Bretagne d’interrompre leur offensive militaire contre l’Egypte. Ils l’avaient refait en 1991, après la première guerre du Golfe, en obligeant Israël à prendre part à la conférence de Madrid, la première conférence de paix israélo-palestinienne, et tout les y pousse aujourd’hui.
Ce n’est pas seulement que l’Amérique en soit venue à réaliser, sous Barack Obama, que la persistance du conflit israélo-palestinien constituait l’un des principaux terreaux de l’islamisme. C’est aussi que, pour convaincre les Iraniens de sceller un compromis avec eux, les Etats-Unis ont besoin de leur montrer qu’un apaisement de ce conflit s’amorce, qu’ils prennent les choses en main, que l’antiaméricanisme va, donc, régresser au Proche-Orient et qu’ils ne pourront en conséquence plus compter sur le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien pour assurer leur influence régionale.
La «solution à deux Etats» est, aujourd’hui, l’un des chemins obligés d’un accord avec l’Iran, de ce grand deal sans lequel les Américains ne pourront ni se sortir des guêpiers irakien et afghan ni obtenir que la République islamique renonce à ses ambitions nucléaires. La création d’un Etat palestinien est devenue un tel enjeu stratégique pour Washington que même George Bush l’avait compris dans la dernière année de son mandat ; mais le «lobby juif» diront tous ceux, antisémites ou pas, qui s’imaginent qu’Israël contrôle les Etats-Unis ?
La réponse est, d’abord, que les organisations juives américaines et le lobby pro-israélien (ce n’est pas la même chose) ne sont pas plus influents que n’importe quel autre lobby de Washington dès lors qu’il y a divergence entre les intérêts israéliens et américains. On l’avait bien vu en 1956 et en 1991. On l’a constamment vu avec l’inébranlable refus des Etats-Unis de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et le judaïsme américain, en second lieu, est tout, sauf monolithique.
Majoritairement démocrates comme le sont toutes les minorités américaines, les juifs américains ont voté à près de 80 % pour Barack Obama, 72 % d’entre eux approuvent son approche du conflit proche-oriental et, à en croire ce même sondage publié par J Street, organisation qui s’est imposée, en un an, comme «pro Israël et pro mouvement de la paix», ils sont 76 % à soutenir l’idée d’un règlement reprenant les grandes lignes du plan Clinton, Etat palestinien et partage de Jérusalem compris.
Lorsque Barack Obama s’emploie à changer la donne entre les Etats-Unis et l’Islam, il n’est nullement en rupture avec le judaïsme américain qui a appris, comme l’ensemble du pays, à ne plus voir un terroriste en tout musulman. Huit années bientôt se sont écoulées depuis le 11 Septembre mais reste que, pas plus que Jérusalem ne fait la loi à Washington, Washington ne la fait à Jérusalem.
A la tête du gouvernement le plus à droite qu’Israël ait jamais eu, Benjamin Netanyahou ne se convertira pas, d’un coup, au pacifisme mais, outre que l’armée et l’économie israéliennes dépendent beaucoup des Etats-Unis, il aura du mal à résister à l’offensive de Barack Obama qui ne se contente pas de faire pression sur lui. Le président américain est, parallèlement, en train d’intégrer à sa diplomatie le plan de paix saoudien, proposition de reconnaissance d’Israël par l’ensemble des pays de la Ligue arabe en échange de la création d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967. C’est une paix globale, israélo-arabe, que Barack Obama veut mettre dans la balance, tant vis-à-vis de Netanyahou que des Iraniens.