Rassembler la gauche (suite)
Posté par Benoît Hamon
Daniel Cohn Bendit a répondu et c’est niet ! À ses yeux les listes écologistes doivent « concurrencer le PS et le MODEM au premier tour ». Je parle rassemblement, il me répond concurrence. Soit ! Ma proposition était honnête. Il m’a semblé légitime de poser la question de la gouvernance des régions pour ne pas donner de mauvais prétexte à la division. Trop facile de vouloir rassembler quand on ne partage que les programmes mais jamais les responsabilités. Il n’y avait aucune subtilité tactique dans cette proposition. Juste une manière de proposer un dialogue qui ne soit pas bidon parce qu’il occulterait la question de la gouvernance des régions.
Le mérite de la démonstration n’en est que plus clair. Daniel Cohn Bendit propose la concurrence puis les arrangements d’entre deux tours, là où nous cogérons des régions depuis 6 ans et proposons sans préalable ni tabou, d’élaborer ensemble nouveaux programmes, nouvelles équipes et nouvelle gouvernance.
Pour motiver son refus, Daniel Cohn Bendit a évoqué un "socialisme européen moribond" et appelé les militants écolos à s’y substituer. Pour vous faire un avis vous-mêmes, lisez la tribune de Poul Nyrup Rasmussen, président du PSE (Parti Socialiste Européen) sur le bilan sans concession qu’il tire des élections européennes. Je ne suis pas mécontent de ses conclusions.
Dont acte ! Cela engloutit-il la proposition de listes d’union de la gauche dès le 1er tour des élections régionales ? Au contraire.
Je maintiens ma proposition et l’adresse à tous les écologistes et militants ou responsables de gauche, soucieux de l’intérêt général. Je maintiens ma proposition et réaffirme que le message principal venu de nos électeurs lors des élections européennes est un appel à l’unité de la gauche même si cet objectif ne doit en rien atténuer notre diversité politique et l’urgence d’une transformation en profondeur des idées et des pratiques.
Mais quand le E-day de l’écologie s’achève par une invitation à soutenir Fillon comme Président de la Commission européenne parmi une brochette de candidats acceptables qui comprend aussi le Vert Fischer, les libéraux Verhofstadt ou Robinson, le socialiste Rasmussen, permettez-moi de dire ma stupéfaction.
Où est la politique là-dedans ? Je vois bien le calcul, mais où est la politique ? Où est la différence entre Barroso et Fillon ? Où est la différence pour les salariés européens victimes de la concurrence fiscale et sociale ? Où est la différence pour le citoyen européen inquiet de l’absence de politique énergétique européenne et de la timidité des objectifs en matière de réduction des émissions de CO2 ? Si le supplément d’âme de l’écologie politique se réduisait au delta qui sépare Barroso de Fillon sur le fond, il y aurait là une immense imposture. Ce n’est pas ce que je crois.
Ce que je crois, c’est qu’il est temps de rompre avec cette compétition absurde à gauche dont aucun d’entre nous n’est jamais vainqueur puisqu’elle couronne au final la droite à chaque fois. La scène européenne en offre une nouvelle version, le Président du groupe socialiste européen Martin Schulz pourrait soutenir en octobre prochain Barroso contre un mi-temps à la présidence du Parlement Européen face à un président des Verts européen, Daniel Cohn Bendit défendant son propre champion de droite qu’il s’agisse de Fillon ou Verhofstatdt. Qui sortira vainqueur de ce duel importe peu, les perdants sont déjà connus, ce sont les électeurs de gauche européens. Ne les laissons pas faire.
Il faut croire que la gauche n'est pas encore arrivée à un stade de décomposition suffisant pour prétendre à se recomposer sérieusement.
Tous les partis composant la Gauche nous renvoient désormais la balle, trouvant dans le Parti socialiste un beau bouc émissaire pour ne pas exercer leurs propres responsabilités.
Baylet continue d'enferrer le PRG dans une dérive droitière de fumeuse jonction avec les valoisiens de Borloo. Les Verts appellent également à un dépassement droite-gauche par l'écologie et la voix de Dany le Rouge d'autrefois. Le Parti de Gauche, si l'on écoutait ses leaders nationaux mais aussi parfois certains de leurs soutiers, décrit un PS plus droitier, plus libéral, plus favorable à l'alliance avec le MoDém aujourd'hui qui ne l'aurait été avant le congrès de Reims (ne cessant pour cela de refaire le congrès du PS, d'en réécrire l'histoire et la signification) ; ainsi espère-t-il faire tuer un chien accusé d'avoir la rage et faire oublier sa drague compulsive d'un NPA qui a pourtant peu réussi dans son pari électoral : après avoir préempté le créneau électoral restant au PCF peut-être espère-t-il absorber également celui des amis néo-guevaristes d'Olivier Besancenot ? Cependant, l'ultimatum posé au Parti Communiste Français pour l'exigence d'une stratégie nationale "d'accords techniques" de second tour récusant la participation aux exécutifs régionaux pourrait bien finir par briser le Front de Gauche.
Tout cela n'est pas sérieux ! Il faut que chacun reprenne ses esprits, ne pas poursuivre dans l'agitation : le PS doit se concentrer sur son projet et son positionnement politiques, tout en continuant à se revendiquer de l'union de la gauche, le PS doit impérativement faire respecter à ses futures têtes de listes régionales les affirmations de son texte d'orientation de décembre 2008 refusant toute alliance avec un MoDém de droite ; les autres partis doivent redescendre d'un nuage électoral européen... On reverra tout cela à l'automne.
Frédéric Faravel