Hamon, ou l'idéal militaire d'un homme de gauche
LA VIE RÊVÉE DES POLITIQUES (9) - Lorsqu'il était jeune, le porte-parole du PS a songé à faire carrière dans l'armée de terre.
Tout est une histoire d'engagement. S'il n'avait pas été happé par la politique, Benoît Hamon aurait pu faire «beaucoup d'autres choses» dans sa vie. Mais l'une d'entre elles est plus inattendue que les autres. «Ça va vous surprendre», prévient-il. «Peut-être, sans doute, aurais-je aimé embrasser la carrière de militaire.» Étonnant de la part du porte-parole du PS, leader de l'aile gauche du parti ? Pas tant que cela.
Intérêt pour la mission, souci du service… «Je n'ai pas rêvé de l'armée mais cela m'a longtemps fait réfléchir», précise-t-il. Sa famille n'a pas de lien avec les militaires, sauf le lieu où elle vit : à Brest, où est installée la Marine nationale. «Mais ce n'est pas dans la marine que je me serais engagé». Il aurait préféré le contact du terrain, l'armée de terre.
«Souvent, le regard sur l'armée est caricatural», poursuit Benoît Hamon. Pourtant, entre le «militaire facho» et le «chevelu pacifiste», il devrait exister une nuance, une autre façon de penser l'armée. «C'est une fonction noble», explique-t-il. Elle constitue un des «piliers de la cohésion nationale». «Ce qui m'intéresse, c'est l'armée au service de la nation.» C'est l'armée du peuple, pour le peuple. Un reste d'idéal révolutionnaire, une réminiscence historique de septembre 1792, lorsque la «nation» française se mobilise pour défendre le territoire face aux Prussiens et la contre-Révolution lors de la bataille de Valmy ? Pas vraiment, assure-t-il : «Le seul révolutionnaire qui ait fait briller l'armée française, c'est Bonaparte… Et ensuite il s'est transformé !» Benoît Hamon se méfie de ce que l'armée peut produire comme dérive militariste.
On est loin de l'idéal d'ordre ou l'exaltation de la virilité. Il s'inquiète que son sentiment puisse être mal interprété : s'intéresser à l'armée n'est pas forcément bien vu à gauche. «Je n'ai aucune fascination pour l'uniforme ou pour les armes. Je ne suis pas adepte du pan-pan ou du boum-boum», prend-il le soin d'expliquer. Son attrait est intellectuel : la stratégie, les batailles décisives, s'adapter, commander… La politique donc.
«La conscription était une belle idée»
Finalement, il n'a jamais franchi le pas, si ce n'est pour faire son service militaire, comme tous les hommes de son âge. Il est incorporé au 3e Rima à Fréjus, puis il est affecté au service militaire adapté à Paris. Il en garde un bon souvenir. Depuis, le service militaire n'existe plus. Il n'était pas favorable à sa suppression. «Je comprends le souci d'une armée professionnalisée, mais la conscription était une belle idée», estime-t-il, à condition de respecter l'égalité entre les Français. Ce qui n'était plus le cas. «Depuis, on réfléchit à une autre forme de service civil», argumente-t-il.
À l'engagement militaire, Benoît Hamon a préféré l'engagement politique. Mais cette vie-là aurait pu s'arrêter. Il l'a appris à ses dépens. Le 7 juin dernier, il n'a pas été réélu député européen. La mauvaise campagne du PS n'a permis d'élire que deux socialistes en Ile-de-France. Il était en troisième position. Privé de légitimité, il songe à rendre sa fonction de porte-parole. Ses amis veulent l'en dissuader. Il leur répond qu'il va devoir trouver un emploi, puisque son poste n'est pas rémunéré. La première secrétaire Martine Aubry lui demande aussi de rester. Il hésite. Finalement, la politique l'emporte.
Ce qui ne change rien à son problème. Une autre vie va donc commencer pour Benoît Hamon. À la rentrée, il va se confronter à une autre réalité : il devrait devenir professeur associé à la Sorbonne, à condition que le ministère valide comme «expérience professionnelle» les années où il a été parlementaire européen. Il faut en effet avoir travaillé un minimum d'années pour obtenir ce statut.
Benoît Hamon compte aussi fonder son entreprise d'analyse de l'opinion. Il connaît bien ce domaine puisqu'il a travaillé pour l'institut de sondages Ipsos après avoir quitté le cabinet de Martine Aubry en 2001 et avant d'être élu député européen en 2004. Mais cette fois, il y a une nouveauté : le leader de l'aile gauche du PS apprendra alors le rôle de patron. Il va commander.