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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

20 août 2009 4 20 /08 /août /2009 15:58
PS: quel parti de militants?

Article publié le jeu, 20/08/2009 - 00:40, par - Mediapart.fr

Rémi Lefebvre est professeur de sciences politiques à l’université Lille 2. Il est le co-auteur, avec Frédéric Sawicki, de La société des socialistes (Editions du Croquant, 2006).

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Le parti socialiste est l’héritier d’une tradition partisane issue du mouvement ouvrier qui valorise la légitimité militante. Le terme «militant» fut d’ailleurs longtemps le monopole de la gauche avant que la droite ne le revendique (l’UMP se donne désormais à voir comme «un parti de militants» et de ce point de vue, aussi, a «pillé» idéologiquement la gauche).

Le parti de «militants», à gauche, s’opposait, à droite, à celui «de notables» ou, dans une version politologique (Maurice Duverger), au parti de «cadres», peu discipliné, fondé sur la personnalité de ses membres. Les partis ouvriers, à la fin du XIXème siècle, oppose la force du nombre (celui de ses militants qu’il met en scène) à celle du nom, celui des notables locaux, dont la lignée constitue le sésame de l’élection.

Les militants font nombre, ils font masse et s’annulent dans le collectif où ils se fondent. Cette légitimité militante renvoyait aussi à l’idée d’avant-garde théorisée par le marxisme qui fut longtemps une des matrices idéologiques du socialisme français. Le parti est un outil d’émancipation aux avant-postes de la société. Il l’éclaire, la structure, l’encadre, donne aux exploités «la science de leur malheur» pour reprendre une magnifique expression de Fernand Pelloutier.

Le parti est émancipateur parce qu’il est donateur de conscience. Porteur d’une vérité historique, il politise la société, lui trace le chemin à prendre, l’éduque. Le militant a des droits et des devoirs. Il est un citoyen distingué par son engagement et décillé mais aussi celui qui se « donne » au parti. Il faut mériter d’être militant. Militer est un honneur qui n’est pas donné à tous (l’adhésion passe par une série de rites de passage, tout le monde ne pouvant pénétrer la communauté partisane).

 

Une fiction nécessaire
Que l’on ne se méprenne pas: ce modèle partisan, le PS ne l’a jamais historiquement pleinement incarné mais il constituait une fiction nécessaire. Le parti socialiste n’a jamais été «un parti de masses» comme le PC. Ne cédons pas à l’idéalisation a posteriori. Comme pour la classe ouvrière, «le PS n’est plus ce qu’il n’a jamais été». Le PS n’a jamais été un parti de masses militantes mais il a été un parti militant et de militants, tout particulièrement dans les années 70 (que nous avons appelé avec Frédéric Sawicki «la parenthèse militante»).

Le PS des années 70 restaure alors, réinvente, modernise la légitimité militante (c’est un défi de même nature qu’il doit relever aujourd’hui). Le PS se reconstruit en nouant des liens avec les «classes moyennes intellectuelles salariés», le mouvement féministe, les luttes urbaines, le monde associatif les syndicats, les intellectuels…
Le PS invoque toujours aujourd’hui cette légitimité militante mais elle ne trompe plus personne, pas même les socialistes.

La droite n’a plus le monopole des notables. Ils sont devenus la principale ressource (le principal handicap?) d’un parti professionnalisé rétracté sur ses réseaux d’élus et en apesanteur sociale. La légitimité militante n’est plus convoquée que lorsqu’il s’agit de conjurer le risque d’une dilution du parti dans la «démocratie d’opinion». Le parti d’ «avant-garde» n’est plus qu’un entre soi de professionnels de la politique, d’aspirants à la professionnalisation, de salariés des collectivités locales ou de militants vieillissants attachés à leur «vieille maison». Le parti, tel qu’il est, n’a fondamentalement pas besoin de militants en masse puisqu’il est devenu un syndicat d’élus gérant leurs bastions.


Les militants à «vingt euros»
Le militant nouveau: voilà l’ennemi… Il est celui qui n’a pas encore fait allégeance à l’élu et peut venir remettre en cause les équilibres locaux et les routines de la section. L’épisode des «militants à vingt euros» est de ce point de vue particulièrement significatif. L’éphémère vague de «vingt euros» (80 000 !!) n’a pas bouleversé la nature ou «la physionomie du parti» comme de nombreux commentateurs l’annonçaient un peu rapidement. La procédure de recrutement avait été bricolée dans l’urgence, lancée «à chaud», à quelques mois du scrutin présidentiel.

L’inertie organisationnelle a eu raison de cet afflux et a résorbé rapidement la soudaine hétérogénéisation du profil des militants. Dans de nombreuses sections, les socialistes ont tout fait pour ne pas retenir ou intégrer ces militants qui, pour une partie d’entre eux (minoritaire), souhaitait pourtant poursuivre leur engagement au-delà de la désignation du candidat. La brutale rencontre entre ces nouveaux entrants et les militants en place agit alors comme un analyseur particulièrement éclairant de la clôture de l’organisation sur elle-même. On ne perturbe pas l’entre soi socialiste surtout à quelques mois des élections municipales, l’élection reine pour les socialistes.

Les controverses que cet afflux non prévu ont suscité, sur fonds de mise en cause des partis politiques par «la démocratie d’opinion», ont réactivé les mythologies encore tenaces du parti «d’avant-garde» (celui d’une minorité éclairée ou politisée) ou du parti de militants opposé au «parti de supporters». Les dirigeants socialistes ont pourtant intériorisé l’idée, apprise à Sciences Po, que les «médias» font l’élection et que les militants ne comptent plus (même si la campagne et la victoire de Barack Obama ont offert un démenti à cette thèse).

La cartellisation des partis politiques avec le financement public a pu conduire à dévaluer le militantisme: à quoi servent les militants et leurs cotisations quand les partis tirent l’essentiel de leurs ressources de l’argent public et de l’Etat?

Le parti socialiste et la gauche dans son ensemble peuvent-ils pourtant faire l’économie de la forme «parti»?
L’avenir passe de la gauche passe sans doute par la réhabilitation et la modernisation de la forme partisane. Dans la «démocratie du public» et la société médiatique nouvelles, la gauche doit repenser le parti comme acteur de transformation sociale, comme médiateur entre le social et le champ politique institutionnel.

Aucun parti de gauche n’a aujourd’hui la masse critique pour mettre en mouvement la société. Faiblement attractifs, tous les partis actuels sont devenus des machines électorales professionnalisées réduites à un rôle de sélection des candidats (les Verts se professionnalisent, le PC se replie sur ses mairies…). Trop peu en prise avec la société dans sa diversité, ils se révèlent incapables de la mobiliser et de l’éclairer.

Cette situation profite objectivement à la droite qui prospère sur la dépolitisation, la montée d’un individualisme marchand, la fragmentation de la société. La bataille de «l’hégémonie idéologique», prélude de la domination électorale comme Sarkozy, citant Gramsci, l’a compris, ne peut être engagée que si elle s’appuie sur une organisation solide et profondément ancrée dans la société. La reconquête des catégories populaires est à ce prix. Le projet de les encadrer, de les politiser et de leur «donner la science de leur malheur» est-il dépassé? Il y a bien un lien entre les projets politiques et la nature des partis, la politisation et les médiations que l’on construit avec la société.

Une organisation de gauche modernisée doit pouvoir capter toutes les énergies aujourd’hui démobilisées, notamment celles des militants associatifs ou syndicaux insuffisamment pris en compte par les partis politiques. Elle doit offrir de nouvelles pratiques à des citoyens en attente de politique et qui cherchent à s’investir.


Autour de quel militantisme reconstruire le PS?

Le PS doit déjà se poser la question. Aucune réflexivité sur les pratiques militantes ne se déploie au PS (comme sur tant d’autres questions). Le PS n’a pas produit d’enquête sociologique sur ses militants depuis 1998 (il craint sans nul doute les résultats qu’elle produirait). Le modèle partisan ancien a sans nul doute vécu. La société s’est «individualisée» et la conscience de classe s’est effondrée. Les citoyens sont sans doute moins disponibles pour un militantisme actif et constant (même si cela reste à prouver…). «Les femmes travaillent plus», «les pères s’occupent plus de leur enfant»…

Un nouvel adhérent plus réflexif, distancié, individualiste se serait substitué au militant ancien dont la loyauté à l’organisation et la remise de soi étaient plus forts. Cette vision souvent empreinte de nostalgie s’est imposée tant dans le monde savant (dans la littérature scientifique) que chez les acteurs (dans le champ politique). Elle a acquis aujourd’hui la force de l’évidence, s’accréditant et se diffusant de manière circulaire des acteurs vers les observateurs.

Véritable prophétie auto-réalisatrice, elle s’est imposée comme une catégorie du sens commun, contraignant les organisations à s’adapter à une nouvelle donne présentée comme intangible. Un des problèmes redoutables que pose la recherche est que le modèle de l’engagement distancié est à la fois descriptif et prescriptif : il prétend analyser une situation qu’il contribue lui-même à façonner dans la mesure où les acteurs et les organisations se l’approprient. Et le PS tout particulièrement.


Le modèle de l’engagement distancié
Dans un ouvrage appelé à faire date, publié en 1997, le sociologue Jacques Ion oppose deux idéaux types de militantisme. Le premier, communautaire, est celui d’un «militantisme affilié» qui renvoie à l’image de l’adhérent dévoué à son organisation et celui des partis de masses, fortement intégrée et disciplinée. Il est fondé sur une forte sociabilité militante, constitutive d’un nous puissant qui constitue un des ressorts de l’engagement. Il fonctionne à l’intégration communautaire. Le second qui renvoie à un modèle plus «sociétaire» est celui d’un «militantisme affranchi» où l’engagement serait plus distancié et intermittent.

Le nous s’effrite, le je s’affirme. L’engagement, moins arrimé à des collectifs institutionnalisés, devient plus labile, plus ponctuel, plus informel. L’engagé sacrifie moins son engagement sur l’autel de sa vie privée et cherche à optimiser le temps qu’il y consacre. Jacques Ion fait l’hypothèse d’une évolution historique vers un militantisme plus affranchi. Cette tendance s’expliquerait principalement par une montée de l’individualisme et la redéfinition des rapports entre vie privée et vie militante. Cet engagement distancié serait le fait d’acteurs «plus individualistes» se mobilisant de façon ponctuelle sur des objectifs limités et une durée plus ou moins déterminée. « À l’engagement symbolisé par le timbre renouvelable et collé sur la carte, succéderait l’engagement symbolisé par le post-it, détachable et mobile : mise à disposition de soi, résiliable à tout moment ». Ce modèle a été fortement critiqué et discuté (ce n’est pas mon propos ici de le développer). Reste qu’il est devenu le modèle officiel du militantisme au PS.


Les transformations du militantisme au PS
Ce modèle ne permet pourtant que partiellement de comprendre les transformations du militantisme socialiste. On ne peut comprendre ce que font les militants sans prendre en compte ce qu’ils sont socialement. La distance de plus en plus forte du PS avec les catégories populaires et la désouvriérisation de son recrutement contribuent à transformer le militantisme et à dévaluer un répertoire militant ancien fondé sur la convivialité, la sociabilité, le travail de terrain...

Un certain type de pratiques «anciennes» (tractage, affichage…) associé au passé apparaît disqualifié. Le militantisme est globalement de faible intensité au PS. En 1998 (dernière enquête disponible, celle du CEVIPOF), seuls 57% des adhérents se considèrent comme «des militants actifs», 19% se décrivent comme de «simples adhérents» et 23% comme «des militants épisodiques».

S’il existe au PS un modèle de militant actif valorisé, la faible implication apparaît donc largement tolérée voire encouragée. La campagne d’adhésion lancée en 2006 est d’ailleurs fondée sur une offre de militantisme minimal (vote du projet, désignation du candidat). Le modèle légitime du militantisme au PS est donc aujourd’hui proche de celui du militant «distancié» même si «l’utilitarisme» des nouveaux adhérents peut être dénoncé (les «anciens» se pensant eux comme «désintéressés»).

L’offre de militantisme en 2006 (à 20 euros) s’appuie sur la croyance dans l’irréversibilité de cette figure d’engagé peu mobilisé. Si l’acte d’adhésion de ces militants «à 20 euros» a pu être présenté comme relevant d’un acte utilitariste et d’une démarche « consumériste », force est de constater que la réponse de ces nouveaux adhérents était en quelque sorte ajustée à l’offre de militantisme proposée (la désignation du candidat servant de « produit d’appel »).


Le PS et l’individualisme militant
L’arrivée de militants de plus en plus diplômés, au fort capital culturel, transforme les formes de l’excellence militante. Ces nouveaux adhérents sont porteurs de nouvelles attentes, d’une forte réflexivité qui trouve à s’épanouir dans des formes plus délibératives de militantisme (qui contribuent en retour à stigmatiser et à marginaliser les militants d’origine populaire…).

Cette offre de participation est là encore ajustée à la représentation dominante au PS d’un militantisme plus individualiste, attaché à co-produire les orientations du parti et non à s’y soumettre a priori. La posture du militant réflexif se banalise même si les ressources critiques sont très inégalement partagées. La valorisation du débat ouvre la porte à l’affirmation des individualités, à l’expression des ressources culturelles personnelles.

L’entre soi militant devient le lieu du faire valoir de soi (ce qui corrode l’esprit de «camaraderie» qui pouvait être au fondement du lien partisan). Les transformations du militantisme sont ainsi autant affaire d’offre que de demande. Aujourd’hui l’offre de pratiques militantes est tournée principalement vers des groupes sociaux diplômés (ce qui contribue à entretenir la croyance dans l’inappétence des catégories populaires pour le militantisme ou leur «démobilisation»…). Les pratiques anciennes (fêtes de section, parties de cartes…) survivent dans des «niches militantes» (pour reprendre l’expression de Jacques Ion).

La professionnalisation générale de l’organisation affecte le militantisme: de plus en plus d’adhérents dépendent professionnellement du PS ou de ses élus (permanents, collaborateurs, entourage d’élus, fonctionnaires des collectivités locales, bureaux d’études…). Ces militants ne sont pas «affranchis» de l’organisation mais au contraire y sont de plus en plus liés matériellement (même s’ils peuvent s’aménager un «quant à soi»). La structuration du PS et donc de l’engagement reste fondamentalement territorialisée. On adhère dans une section et on milite d’abord localement.

Les nouvelles formes d’engagement réticulaire et «déterritorialisé» (via internet notamment) se développent sans doute au PS (cf. le succès de Désir d’avenir à sa marge) mais se heurtent à cette territorialisation, qui est une des inerties majeures de l’organisation socialiste (un militantisme plus thématique peine ainsi à se développer).
Les formes du lien partisan, de l’attachement à l’organisation, de «l’esprit de parti» enfin se transforment. Ce sont souvent les militants les plus investis dans l’organisation socialiste qui se donnent à voir comme les militants les plus «distanciés» au sens de critiques ou réflexifs sur leurs pratiques et le parti.

Le discours du militantisme distancié peut fonctionner comme une stratégie de «présentation de soi» et de verbalisation d’un engagement qu’il est illégitime de présenter comme «sacrificiel». Il faut garder à l’esprit que le militantisme partisan reste souvent synonyme dans le sens commun d’« enrégimentement » dans une société où l’injonction à l’individuation est forte («être quelqu’un» est devenu une norme sociale, il convient de ne pas s’abîmer dans le collectif).


Quel militantisme?
Quel modèle de militantisme promouvoir? Comment élargir la base militante du parti sans dévaluer le militantisme des plus engagés dans un parti vieillissant et peu renouvelé? Comment faire coexister des militantismes et des investissements très différents dans l’organisation ? Comment «renouveler» sans liquider? Comment s’adresser aux catégories populaires sans sacrifier les militants qui ont un rapport plus intellectuel à la politique? Ce sont là sans doute parmi les défis les plus complexes de la «rénovation» du PS. Sur ces questions complexes, il n’y a pas de solutions toutes faites. Le PS doit réfléchir, expérimenter, innover. On en est loin.


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