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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

27 septembre 2006 3 27 /09 /septembre /2006 14:57
'augmentation des prix du pétrole, la création d'un chèque-transport pour en réduire les conséquences sur le pouvoir d'achat des salariés, la volonté de créer un autre grand acteur français de l'énergie, en même temps que la montée des inquiétudes quant aux évolutions climatiques, sont autant de signes de la dépendance du système économique par rapport à son environnement. L'économie n'est pas un univers clos, autonome, régi par des lois indépendantes du droit, de la morale, de la politique ou du social. C'est au sujet de la question écologique que cette vérité est la mieux comprise : le processus économique y apparaît naturellement comme participant d'un échange réciproque avec son environnement.

La particularité de cet échange est qu'il n'est pas régi par les lois intemporelles de la mécanique mais par celles de la thermodynamique et notamment la loi d'entropie. Née d'un mémoire de Sadi Carnot (1824), la thermodynamique établit que, dans l'univers, la quantité d'énergie libre (susceptible d'être transformée en travail mécanique) diminue avec le temps. Il s'agit donc d'une loi temporelle d'évolution qui nous renvoie à la finitude du monde, tout en laissant dans l'indétermination le moment où surviendrait "la mort de la chaleur", comme le disaient les premières formulations de la théorie.

Sous l'impulsion de Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994) - dont les travaux sur les relations entre les processus économiques et la physique furent pionniers - de nombreux chercheurs tentèrent sans grand succès de formuler une théorie "entropique" de l'économie et de la société, en particulier au cours des années 1970. Mais Georgescu-Roegen lui-même ne pensait pas qu'il soit utile, ni même souhaitable, de tenter de construire une métathéorie dans un domaine caractérisé par des incertitudes aussi fondamentales : "L'évidence millénaire que la vie va toujours dans une seule direction suffit comme preuve de l'irréversibilité de la vie pour l'esprit courant, mais pas pour la science... La thermodynamique classique, en apportant la preuve - valable suivant le code de procédure scientifique officiel - qu'il existe des processus irréversibles même dans le domaine physique, a réconcilié l'état de la science avec le bon sens."

L'important est de comprendre que le processus économique, à l'impossible autonomie, produit du fait de ses multiples interactions avec la nature des conséquences irréversibles. Nous puisons dans des stocks de ressources naturelles non renouvelables (pétrole, matières premières, etc.) et dégradons ou modifions qualitativement les fonds environnementaux en leur imposant un rythme d'exploitation supérieur à leur capacité de régénérescence (terres agricoles, eau, ressources maritimes, etc.).

La loi d'entropie nous rappelle qu'il existe une flèche de temps et que nous laisserons ainsi aux générations futures un patrimoine naturel moindre et sans doute moins adapté à leurs besoins que celui dont nous avons hérité. Plus encore, le fait que l'exploitation des stocks de ressources épuisables libère la "vitesse" économique (la croissance) du rythme écologique contribue à la dégradation des fonds, notamment la biosphère, et peut susciter des changements irréversibles dans l'évolution des climats.

Le problème est d'importance, mais n'est aucunement susceptible de solutions politiques simples. Au nom de quel principe pourrait-on demander à la Chine et à l'Inde de limiter leur dynamisme économique aux fins de réduire leur prélèvement sur les ressources naturelles de la planète ? Notre moindre dynamisme n'est nullement la conséquence d'une autolimitation volontaire, mais de notre niveau de vie bien plus élevé et de notre incapacité à régler nos propres déséquilibres économiques. Nous ne pouvons imposer aux plus pauvres que nous le rythme écologique, alors que c'est le fait de nous en être libérés qui nous a enrichis ! La décroissance ou même la stagnation ne sont pas davantage une solution au sein des pays développés, pour une raison similaire : elles impliqueraient soit que l'on s'accommode des inégalités existantes, soit au contraire que l'on impose un régime de redistribution tendant à l'équirépartition des ressources - un cynisme insoutenable d'un côté, une utopie totalitaire de l'autre.

INVESTIR DANS L'ÉDUCATION ET LA RECHERCHE

Mais, pour notre bonne fortune, la loi d'entropie n'est pas la seule flèche de temps qui gouverne notre évolution ; il en est une seconde moins tangible mais tout aussi déterminante : l'augmentation des connaissances. Une double irréversibilité marque ainsi le développement de l'humanité : l'accumulation des savoirs et du progrès des techniques d'un côté, la décumulation des stocks de ressources épuisables ou de la dénaturation tout aussi irréversible de certains fonds environnementaux de l'autre. Le temps de l'économie est, pour ces raisons, irréductiblement orienté : entropique pour les ressources et historique pour les institutions de production, d'organisation et de diffusion des connaissances. Les perspectives d'évolution du système tiennent en partie à l'espace aménagé entre ces deux processus dynamiques, écart qui peut faire penser à celui qui sépare les deux lames d'une paire de ciseaux. On peut ainsi décider d'une croissance aussi forte que l'on veut (donc d'un prélèvement sur les stocks de ressources) à condition de disposer d'un niveau de connaissances suffisant pour assurer la pérennité du système.

Or la nature comme la connaissance sont des biens publics qui exigent l'intervention de l'Etat pour être "produits" en quantité suffisante. La seule issue au problème de la finitude de notre monde est de tenter de maintenir grandes ouvertes les lames des ciseaux en investissant dans l'éducation et la recherche - notamment d'énergies renouvelables et de tout ce qui peut réduire le contenu énergétique de notre niveau de vie - et dans la préservation de l'environnement, en inventant les moyens de ralentir le processus de décumulation des ressources naturelles.

Mais, affirme-t-on, l'environnement est un bien public mondial et il ne sert à rien de se contraindre si cela n'a pour effet que de permettre aux autres d'augmenter leur puissance. On se trompe car, conçue comme procédant de la maîtrise de deux processus dynamiques, la solution du problème écologique pourrait tout aussi bien être un accélérateur de croissance. A mi-chemin entre la nation et le monde, l'Union européenne, région riche s'il en est, pourrait acquérir un avantage déterminant si elle parvenait à combiner le règlement (relatif) de la question de son indépendance énergétique, une politique mieux centralisée d'approvisionnement, le développement de la recherche d'énergies nouvelles, la consolidation de son avance dans le nucléaire et la garantie de normes environnementales suffisamment intelligentes pour tenir compte de sa diversité.


Jean-Paul Fitoussi
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