"JURYS CITOYENS" ET CARTE SCOLAIRE
Si le 2ème débat a paru plus vif que le 1er, c'est parce qu'il a démarré par une joute sur les "jurys citoyens" prônés dimanche par Ségolène Royal. Premier à parler, Laurent Fabius a vertement critiqué ces instruments d'évaluation des politiques dont Mme Royal veut faire une arme de "la démocratie participative". Selon l'ex-premier ministre, "mettre sous surveillance les élus, c'est introduire une méfiance qu'ils ne méritent absolument pas". Il faut "surtout ne pas épouser une espèce de populisme qui ferait le lit de l'extrême droite", a-t-il mis en garde.
Ségolène Royal a répliqué avec véhémence. "Tout ne va pas bien dans la France d'aujourd'hui", a-t-elle lancé, reprochant indirectement à ses contradicteurs de ne pas mesurer l'ampleur de la "crise démocratique". "Si je suis élue, je réunirai des jurys citoyens", a-t-elle affirmé, préconisant l'ouverture de conseils des ministres aux citoyens.
Dominique Strauss-Kahn, lui aussi, a tenté de lui opposer le calme d'un homme d'Etat. "Il n'y a pas besoin d'élever la voix", a-t-il glissé, avant de contester le mot "jury", "assez mal choisi". Selon lui, la crise en France est "avant tout une crise sociale" et il faut "refonder la République". Le député du Val-d'Oise a critiqué le concept d'"ordre juste" de Mme Royal.
"L'ordre ne peut pas à lui seul constituer un projet politique de gauche", a-t-il lancé. "Je revendique l'objectif d'ordre juste et de sécurité durable", a répondu Mme Royal, haussant le ton.
Elle a revendiqué, à nouveau, un assouplissement de la carte scolaire, condition d'"une certaine mixité". Pour M. Strauss-Kahn, il vaut mieux mettre "le paquet" dans les écoles des zones difficiles, avec "15 élèves par classe".
Si tous trois se sont dits d'accord avec le mariage et l'adoption homosexuels, des conceptions différentes de la famille se sont exprimées.
Mme Royal a insisté sur "les fondamentaux de la famille : protection, éducation, amour, transmission des interdits". "L'éducation est la base de tout", a-t-elle dit. M. Fabius s'est voulu libéral : "La droite aime la famille, la gauche aime et soutient les familles."
Sur la sécurité, la présidente de Poitou-Charentes a accusé le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, d'être responsable d'"un système de production de masse de la délinquance". Elle a proposé l'envoi de jeunes délinquants dans des "camps humanitaires encadrés par l'armée""alternative à la prison". Sur ce point aussi, "je tiendrai bon", a-t-elle insisté.
Tout aussi têtu, Laurent Fabius a dit "non" à cette solution, car "les militaires ont autre chose à faire". "J'ai cru comprendre que maintenant, c'est l'encadrement humanitaire", a-t-il ironisé. Même chose pour M. Strauss-Kahn : "Je ne peux pas partager ce qui a été dit sur un encadrement militaire."
Le débat a été plus consensuel sur la laïcité, qualifiée "essentielle", et les banlieues. Enfin, contrairement à ce qui était prévu, il n'a pas été question d'environnement.
Les internautes distribuent les bons et les mauvais points, sur un ton pas toujours policé, comme le remarque Eric Mainville : "C'est marrant : vos commentaires sont dans l'outrance alors que le débat est feutré." Chacun en prend pour son grade, les candidats, les internautes, mais aussi les journalistes qui modèrent le débat : "Mais que font les journalistes !", demande Brigeton. "On interroge Strauss Kahn, elle [Ségolène] répond."
Mais au-delà des noms d'oiseaux échangés, chacun confronte ses arguments pour soutenir son poulain. Pour Herthogue, c'est Fabius : "Le prof DSK va rapidement nous endormir... Redonnez la parole à Fafa qui a visiblement envie de secouer le cocotier !" Pour Ajamais, c'est Ségolène Royal : "Ce qui est fort de la part de Royal, c'est qu'une fois de plus elle les amène sur son terrain. En gros, elle a des propositions, et eux sont contraints de se situer par rapport à elle. C'est de la bonne tactique." Et pour Gérard, la palme revient plutôt à Dominique Strauss-Kahn : "DSK excellent sur sa critique de l'ordre juste."
Il y a même une place pour l'ex-candidat socialiste à la présidentielle et éternel revenant sur la scène politique depuis qu'il a tiré sa révérence au soir du 21 avril 2002 : "Vas-y Yoyo, t'es le meilleur ! J'ai gardé mon bulletin de 2ème tour de 2002. Quoi qu'il arrive, je voterai pour toi !", lance Zaireetvoltaire.
Le débat fut certes plus relevé, pour le bonheur des téléspectateurs. Mais AC s'interroge sur l'impact de ce déballage pour les candidats socialistes face à leurs adversaires de l'UMP : "C'est quand même une sacrée opportunité pour les candidats de droite de voir les 3 socialistes débattre, sur des sujets pas très consensuels."