
Le document de 13 pages intitulé "Ségolène.doc" a été envoyé par le bureau parlementaire de la candidate présidentielle. Le message original provenait de Vincent Peillon, député européen rallié à la présidente de Poitou-Charentes depuis l'été.
L'équipe de Ségolène Royal, qui a construit une partie de sa campagne pour l'investiture socialiste sur Internet, a transmis par la suite 2 messages priant les journalistes de ne pas utiliser le texte "qui n'est en aucun cas la version définitive du discours" de dimanche.
Le texte reprend les thèmes favoris de la candidate, "ordre juste", "république du respect" et "désir d'avenir" et appelle les socialistes au rassemblement face à la droite après une campagne interne parfois houleuse.
Une "erreur malencontreuse" est à l'origine du bug, a expliqué un des membres de l'équipe de la candidate. Un "mauvais copier-coller" a fait atterrir le document sur la "mailing list des agendas" de la candidate, a-t-il assuré. "Elle travaille beaucoup beaucoup ses discours et le premier jet n'est jamais le discours final".
10 jours après avoir été triomphalement élue par les militants socialistes, Ségolène Royal doit être investie dimanche lors d'un congrès commun du PS et du Parti radical de gauche (PRG) à La Mutualité, à Paris.
«Cher(e)s ami(e)s, cher(e)s camarades, chacun et chacune d'entre vous peut imaginer l'émotion qui est la mienne aujourd'hui, le plaisir aussi. Chacun et chacune peut comprendre l'immense honneur que je ressens...» Le mail est envoyé par le secrétariat de Ségolène Royal à l'Assemblée nationale. Dans le masque informatique figure l'objet du courrier : «Discours dimanche première version». Avec cette précision : «J'ai besoin de ton accord pour le passer à ceux qui voudraient réagir dessus. Pour différentes raisons, je suis pour cette méthode. Tel moi [téléphone-moi, ndlr]. Amitié.» Ce nota bene, destiné à la candidate, est en fait signé Vincent Peillon. Ce qui est en soi déjà une information, car c'est la 1ère fois que le député européen écrit un discours pour Royal. La candidate le lui aurait demandé mardi, lors de la première réunion de l'état-major ségoléniste postdésignation. En l'occurrence, alors qu'elle prétend vouloir faire une campagne très différente de celle de Lionel Jospin en 2002, voilà que Royal inscrit ses pas dans ceux de l'ex-Premier ministre puisque Peillon lui avait servi de plume en 2002 et déjà en 1995. A 17 h 59 arrive un second courrier : «ERREUR DE MANIPULATION. Veuillez ne pas tenir compte du message précédent que vous avez reçu par inadvertance. MERCI DE VOTRE COMPREHENSION.» A 18 h 15, Peillon assure en «pouffer de rire» avec la candidate, jointe au téléphone. L'entourage de Royal, lui, dit être «collectivement emmerdé» et explique qu'un «copier-coller» et la pression «malencontreuse d'un bouton» sont à l'origine de cet envoi. Son attachée de presse, Agnès Longueville, s'emploie à dédramatiser en expliquant qu' «en aucun cas» le discours de dimanche ne correspondra à celui écrit par Peillon. «Ségolène récupère les propositions et fait une synthèse. Elle se sert de la trame. Mais le message final en sera assez éloigné.» A voir...
Conservera-t-elle les remerciements qu'elle adresse dans cette mouture du texte à Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn pour «l'énergie et l'ardeur et la qualité qu'ils ont mis dans cette campagne» ? « Nous allons avoir besoin d'eux et de leur engagement entier pour aller jusqu'au bout de ce que nous avons à faire, c'est-à-dire jusqu'à la victoire.» Et son compagnon, François Hollande, aura-t-il droit à ce couplet compatissant : «Notre premier secrétaire, dont la tâche n'est jamais facile, mais sans doute l'était-elle encore moins que d'habitude» ? Nicolas Sarkozy pourra vérifier si Ségolène Royal reprendra à son compte les attaques sur «la liberté du plus fort, la liberté de l'égoïste, la liberté pour quelques-uns» que préconise l'UMP. Ou encore cette charge à l'encontre d'une «droite qui a besoin des désordres, pour faire peur et pour les réprimer», et qui, face à une «République malade [...], a trouvé un remède : elle veut l'achever».