29 novembre 2006
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Conférence de presse de M. André Boisclair, député de Pointe-aux-Trembles, chef de l'opposition officielle québécoise et chef du Parti Québécois sur la reconnaissance de la nation québécoise

Cela étant dit, le 1er constat que je tire de la motion du premier ministre canadien est qu'en utilisant le mot «nation», dans une motion qui sera entérinée par tous les partis fédéralistes à Ottawa, cela a pour effet d'évacuer, de rendre caduque, de rendre dépassée la notion de société distincte et tous ces sous-produits, comme la reconnaissance du caractère unique du Québec. Il ne peut donc pas y avoir de retour en arrière, une nation ne se réduit pas à une simple société distincte.
Je veux souligner le travail de Bernard Landry qui, comme dans le débat sur le libre-échange, par sa ténacité, a réussi à imposer cette vision de la nation québécoise à la fois dans la politique québécoise mais aussi, on le voit depuis quelques jours, dans la politique canadienne.
Un autre constat aussi s'impose. À partir de maintenant, les forces fédéralistes ont une obligation de résultat. Une fois la nation reconnue, une suite s'impose. Un automatisme s'enclenche. La constitution, la loi fondamentale doit reconnaître cette réalité. Pour reprendre les mots du ministre Benoît Pelletier, et je le cite : «La reconnaissance de la spécificité du Québec n'est pas un caprice, elle est même nécessaire car la constitution d'un pays est un miroir. Il est impérieux que, dans ce miroir, dans la constitution, les Québécois se reconnaissent pleinement.» Aujourd'hui, avec la motion présentée par M. Harper, l'image que leur renvoie le miroir, c'est celle de la nation, mais le texte de la motion de M. Harper renvoie une autre image, mais une image cette fois-ci fausse, celle d'un Canada uni, et je m'explique.
En incluant les mots «dans un Canada uni», le premier ministre commet une erreur de fait importante. Le Canada bien sûr existe, mais le Canada uni n'existe pas. Une de ses nations constituantes, le Québec, qui regroupe près du quart de la population du pays et dont les ancêtres constituent l'un des deux peuples fondateurs du Canada, refuse toujours, 25 ans après un coup de force constitutionnel, d'apposer sa signature au bas du texte de fondateur de ce pays. En effet, comment peut-on reconnaître une nation au sein d'un Canada uni alors que le rapatriement unilatéral de la Constitution a justement désuni ce pays?
La motion du Bloc québécois visait à faire progresser le concept de la nation québécoise au Canada. Nous avons progressé dans les symboles, ce qui n'est pas sans valeur, mais, dans les faits, rien de l'erreur de 1982 n'est réparé. Cette motion du gouvernement conservateur demeure une motion du Parlement canadien, une convenance que les partis fédéralistes offrent aux Québécois et aux Québécoises. Elle n'aurait ainsi pas plus de portée et de signification que la motion sur la société distincte proposée par Jean Chrétien en 1995. J'en ai pour preuves deux éléments importants. D'abord, alors que la résolution proposée par Jean Chrétien a été adoptée en 1995, il n'en est fait aucune mention dans le Renvoi sur la sécession rendu en 1998. C'était pourtant au coeur du débat. De la même façon, la résolution de 1995 n'a eu aucun impact favorable pour le Québec à l'occasion du renvoi sur le congé parental que le Québec a gagné en Cour d'appel, mais perdu en Cour suprême. Aujourd'hui, on est en lieu de se demander: Est-ce que la motion permettrait au Québec de maintenir, sur notre territoire, un registre des armes à feu? Est-ce que cette motion permettrait au Québec d'avoir des dispositions particulières au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants? Est-ce que cette motion permettrait au Québec d'avoir une définition du mariage différente de celle du reste du Canada? Ce sont là des vraies questions et les réponses ou l'absence de réponses du premier ministre nous indiquent bien que la motion adoptée ou qu'est-ce qui est en débat en ce moment à la Chambre des communes a bien davantage une valeur symbolique qu'une portée réelle.
En somme, pour l'instant, il n'y a rien de changé au royaume du Canada. La prochaine campagne électorale québécoise se déroulera toujours entre les tenants de la souveraineté du Québec, dont l'option est claire, dont l'option est enthousiasmante et représente le plus beau défi que le peuple québécois peut s'offrir, et, d'autre part, les forces fédéralistes qui n'ont à offrir aux Québécois et aux Québécoises que le statu quo constitutionnel et un Québec confronté à l'impossibilité de réintégrer la Constitution canadienne, à moins bien sûr que le premier ministre du Québec nous fasse la preuve, avant le déclenchement d'élections, que sa position constitutionnelle est autre chose que chimère ou mirage.
Visionnez la conférence de presse.