Le 14 décembre, Olivia Ruiz remplira l'Olympia. Pas une apothéose, plus simplement l'une des 160 dates d'une tournée marathon, en phase avec le succès d'un 2ème album, La Femme chocolat, sorti en novembre 2005 et devenu en septembre 2006 numéro un des ventes de disques, avec plus de 500 000 exemplaires vendus. A quelques petits problèmes de dos près - "les chanteurs enrichissent au moins autant les ostéopathes que les O.R.L.", rigole Olivia -, la demoiselle se sent sur scène dans son élément.
En courte robe d'héroïne de Chapeau melon et bottes de cuir, elle met en scène des comptines au croisement du réalisme et du merveilleux. Dosant allégrement efficacité de la variété et distorsions rock, elle dialogue spontanément avec son public avec son accent chantant du Sud-Ouest.
La môme Ruiz, que l'on pourrait aussi croire sortie d'un film d'Almodovar, a toujours eu des rêves d'enfant de la balle. Perdu au milieu des vignes, son village de Marseillette (600 habitants) aurait pu être un frein à sa vocation, mais la smala familiale veillait. Plusieurs chansons de La Femme chocolat"Mes parents avaient un café qui accueillait des musiciens, le juke-box jouait sans arrêt, explique Olivia. Ma mère, fan des Rita Mitsouko, m'habillait en Catherine Ringer ; mon père était guitariste de bal ; une de mes grands-mères m'initiait à la chanson réaliste, l'autre aux chansons traditionnelles espagnoles. Même en me bouchant les oreilles, je n'aurais pas échappé à la musique." replongent dans cette généalogie pléthorique. On trouve même dans le livret du disque des photos de papa-maman, des tontons, des tatas et des quatre grands-parents, dont trois ont fui l'Espagne franquiste.
Le micro et les planches lui sont vite familiers. Animatrice à 10 ans de sa propre émission sur Radio Marseillette, elle connaît une vraie révélation en participant à 12 ans à un spectacle d'Yvan Chiffre, chante à 14 ans dans son premier groupe de rock, puis dans des groupes de bal. Ses années de lycée à Narbonne, à préparer un bac théâtre en admiratrice d'Ariane Mnouchkine, seront celles d'une adolescence en crise - "J'ai fait toutes les conneries" - et du vent de liberté soufflé par le rock alternatif français, mené par Bérurier Noir, Mano Negra, les VRP et autres Garçons Bouchers, mariant chanson de rue et punk rebelle.
Dès cette époque, l'envie de s'éloigner de sa famille sera aussi grande que son besoin irrépressible de s'y ressourcer. "Cela tient peut-être à nos racines espagnoles, analyse celle qui a écrit une chanson sur le sujet (Thérapie de groupe), je me sens porteuse de l'exil de mes grands-parents, un sentiment qui accroît le besoin de famille, avec les côtés bénéfiques et destructeurs d'être les uns sur les autres."
Elle a goûté son déménagement à Paris, sur la butte Montmartre, avec l'émerveillement d'une Amélie Poulain de la garrigue. Mais elle se languit vite de la chaleur du cocon audois. Au point qu'en tournée, le groupe joue parfois le rôle d'une famille de substitution. Ses musiciens la taquinent sur ses besoins de "gros câlins" ou ses envies de traîner en bande jusqu'à plus d'heure. "Je finis par me retrouver seule dans ma chambre d'hôtel, admet-elle, alors j'écris. L'autre matin, je me suis réveillée avec un texte imprimé sur la joue. Je m'étais endormie dessus."
Ses soifs affectives contredisent parfois ses exigences professionnelles. Dans le travail, l'adorable copine peut se révéler cassante. Interdiction, par exemple, d'alcool et de fumette avant les concerts. Cette bosseuse aspire à la bohème mais connaît les lois de l'industrie : "Si j'ai mal vécu artistiquement et psychologiquement mon passage à la 'Star Ac', il m'a aussi fait gagner beaucoup de temps. A mon arrivée, je ne savais même pas ce qu'était un label."
"Une des forces d'Olivia, constate son producteur de spectacles, Olivier Poubelle, c'est sa capacité à admirer." Au moment de son premier album, J'aime pas l'amour, encore marquée par son statut de "star académicienne", celle qui n'était encore qu'une interprète avait ainsi démarché des auteurs aussi éloignés que possible de l'esthétique TF1, comme la chanteuse Juliette ou Néry, ex-leader des VRP, figures du rock alternatif.
"Juliette s'est aperçue qu'elle ne pouvait me caler sur aucune de ses chansons, jubile encore Olivia Ruiz, entre deux cigarettes roulées à la main. Elle m'a tout de même fait cuisiner par deux de ses copains, pour savoir ce que j'avais dans le ventre." Pour La Femme chocolat, cette fan de Roald Dahl, Tim Burton et Tom Waits a confié la production et plusieurs compositions à Mathias Malzieu, frénétique chanteur du groupe Dionysos. "On s'était déjà rencontrés avant la 'Star Ac' à l'occasion d'un de nos concerts près de Carcassonne", se rappelle Christian Olivier, chanteur des Têtes Raides, formation phare de la chanson "néoréaliste", avec qui elle duettise dans un des morceaux (Non-dits) de son deuxième album. "Elle est restée une vraie fan de musique, elle vibre pour les choses et sait se servir de son vécu."
Le contrat "merdique" de miss Ruiz avec Polydor, une branche d'Universal, a enfin été renégocié à l'aune de son récent succès. "Olivia n'est pas une femme d'argent, affirme Olivier Poubelle, les élèves de la 'Star Ac' connaissent les beaux hôtels, l'hystérie des fans, mais sont très mal payés. Elle a eu l'intelligence de mesurer la superficialité de cette gloire-là."
Récemment, on lui a proposé de revenir chanter à la "Star Academy". Olivia Ruiz a décliné l'invitation. Pascal Nègre, patron d'Universal, n'a pas insisté. Sans doute conscient que sa réussite avait trouvé une autre voie.
1980
Naissance, le 1er janvier, à Carcassonne (Aude).
1998
Chante, jusqu'en 2001, dans des groupes de bal.
2001
Demi-finaliste de la "Star Academy", première édition.
2003
Parution de son premier album, "Je n'aime pas l'amour".
2005
Deuxième album, "La Femme chocolat".
2006
Première au classement des ventes d'albums, part en tournée.