L'intégralité du débat avec Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, Centre de recherche en Economie de Sciences Po, mercredi 13 décembre, à 15 h .
andruc1 : De quelle puissance parle-t-on ? S'il s'agit de puissance dans le commerce international, on peut répondre "oui" à la question. Par contre, à l'intérieur de l'Europe, l'euro ne favorise pas la puissance, au contraire, car la BCE a pour unique objectif la lutte contre l'inflation. La création de richesses et d'emplois n'est pas la préoccupation de la BCE et comme l'Europe politique est morte avec le TCE, la puissance de l'euro à l'intérieur de l'Europe est nulle voire négative. Partagez-vous ce constat amer ?
Jean-Paul Fitoussi : Les constats doivent être un peu plus mesurés. Le problème dont nous parlons, c'est essentiellement de la puissance potentielle de l'Europe et de savoir si ses diverses institutions participent à sa puissance, et notamment la politique monétaire. Le problème est que fréquemment est utilisée, dans le vocabulaire politique et médiatique, la notion de force de la monnaie. Alors même que l'on constate qu'il n'existe aucune relation entre le niveau élevé du taux de change d'une monnaie et la puissance de son économie. Que fréquemment, des pays ou des épisodes historiques qui les ont caractérisés ont conduit à montrer exactement l'inverse. Les politiques consistant à apprécier la monnaie rendaient exsangues les économies, les affaiblissaient.
Mais il n'existe pas de relation générale. Ce que l'on peut affirmer, c'est qu'en principe, ce qui génère l'augmentation du taux de change, la "force" d'une monnaie, c'est la bonne santé de l'économie. Et non l'inverse. C'est la raison pour laquelle quelle que soit l'économie, les taux de change ont tendance à se déprécier en période de récession et à s'apprécier en période de croissance. Cela veut dire qu'on se trompe de causalité. Ce n'est pas l'euro fort qui pourrait faire l'Europe forte, mais le contraire. La force de l'Europe pourrait se transmettre à l'euro.
Adil : Un euro fort est-il vraiment un handicap ou juste une façon de justifier la perte de compétitivité des entreprises françaises ? Pourquoi l'Allemagne reste compétitive malgré la hausse de l'euro, alors ?
Jean-Paul Fitoussi : Il y a plusieurs aspects dans cette question. Le premier, c'est parce que l'euro est fort que les entreprises sont peu compétitives, et non pas l'inverse. Un euro fort signifie l'augmentation en devises étrangères des prix des biens et des marchandises produits en Europe. Si l'euro s'apprécie de 50%, par exemple, cela signifie que les prix des biens européens augmentent de 50% sur les marchés américain et asiatique. Donc on voit bien que c'est la force de la monnaie qui rend l'économie moins compétitive. C'est pourquoi je disais qu'il fallait inverser la causalité. C'est lorsque les entreprises sont très compétitives que la monnaie peut s'apprécier.
Non seulement l'appréciation de la monnaie n'est pas un moyen de rendre les entreprises plus compétitives, mais au contraire, de détruire leur compétitivité. Ce qui se passe aujourd'hui pour Airbus comme pour les constructeurs automobiles européens le montre abondamment. Ils ont de plus en plus de difficulté à écouler leur production sur les marchés extérieurs à l'Europe. L'Allemagne a conduit une politique de compétitivité qui consistait à réduire ses coûts de production, et notamment ses coûts unitaires en travail, par une très forte modération salariale, ce qui lui a permis de compenser partiellement l'appréciation de l'euro. Mais l'Allemagne a gagné en compétitivité essentiellement par rapport aux autres pays européens. Donc une part importante de l'excédent des échanges extérieurs allemands s'est faite au détriment de l'Espagne, de l'Italie, de la France, c'est-à-dire des pays de la zone euro. En d'autres termes, la politique allemande revient à remettre au goût du jour ce que l'on a appelé en France la "politique de désinflation compétitive". Et le problème européen se trouve là. Si les autres pays européens, pour gagner des parts de marché sur l'Allemagne, se mettent à poursuivre la même politique, alors évidemment, personne ne gagnera. Si l'Espagne, l'Italie et la France avaient réduit leurs coûts salariaux du même montant que l'Allemagne, il n'y aurait pas eu de boom des exportations allemandes. Et le seul résultat eût été une baisse de la croissance européenne.
En gros, c'est une façon de pratiquer une politique d'import-export du chômage, si je puis dire. Parce que les politiques de compétitivité qui essaient de baisser les prix relativement aux voisins ont pour moteur la modération, si ce n'est la baisse, des salaires. Donc l'Allemagne s'en porte mieux au niveau des exportations, mais ne s'en porte pas mieux au niveau de sa demande interne, c'est-à-dire la consommation allemande, l'investissement allemand. Il ne faut pas oublier que si l'Allemagne va un peu mieux aujourd'hui en termes de croissance, elle a connu une stagnation pendant environ quatre années. Il y a une autre façon de devenir compétitif, qui est d'augmenter la productivité, de ne pas jouer sur les prix. Mais cela exige de l'investissement à la fois public et privé. Or, les gouvernements européens aujourd'hui n'ont plus vraiment, compte tenu de l'état de strangulation budgétaire dans lequel ils se trouvent, les moyens d'investir.
Julien : Malgré un euro fort, la France se place au troisième rang mondial avec 32 milliards d'euro d'investissement de la part des entreprises étrangères. Comment expliquer cela?
Jean-Paul Fitoussi : On ne peut expliquer cela que si l'on se bouche les oreilles au discours ambiant. Si des capitaux étrangers viennent s'investir en France, c'est bien parce qu'ils y trouvent un avantage. Et que donc ils ne considèrent pas la France comme un pays peu compétitif, rigide, ayant une main-d'œuvre paresseuse et étouffé par les réglementations administratives. C'est donc bien une preuve de ce qu'il y a quelque chose, dans le discours sur les rigidités de l'économie française, qui ressort davantage de la rhétorique que de la réalité.
La vraie question n'est pas celle de faire un concours de beauté entre pays européens pour attirer le maximum d'investissements étrangers, l'Europe n'est pas un continent développé, mais au contraire de prendre conscience de la puissance économique de l'Europe – c'est quand même le marché le plus riche du monde (450 millions d'habitants ayant un niveau de revenu élevé) –, et de faire redémarrer en Europe la demande interne, c'est-à-dire l'investissement et la consommation. Mais pour cela, il faut conduire une stratégie presque inverse à celle qui est aujourd'hui conduite. A savoir une stratégie de productivité, d'augmentation des salaires. L'un étant le corollaire de l'autre. Si la productivité augmente, cela signifie que les travailleurs européens produisent davantage en une journée. Et il est donc normal que leur journée leur soit davantage payée. Alors qu'aujourd'hui on essaie de réduire les salaires pour gagner en compétitivité par rapport aux autres pays européens et, dit-on, par rapport au reste du monde, id est la stratégie exactement inverse.
Si je dis "dit-on", "par rapport au reste du monde", c'est parce que l'argument est complètement fallacieux. Si je baisse les salaires de deux points en Europe pour gagner en compétitivité, mais que d'un autre côté l'euro s'apprécie de 50%, cela signifie que d'une main j'ai étouffé la demande interne en Europe, donc le pouvoir d'achat des Européens, mais que de l'autre j'ai augmenté les salaires européens sur les marchés mondiaux. On voit donc bien qu'on est là aussi en pleine contradiction, en pleine rhétorique.
Tintin19 : Comment se fait-il que les pays de l'Union européenne hors zone euro s'en sortent mieux ?
Jean-Paul Fitoussi : Parce qu'ils ont moins de contraintes et qu'ils ont une politique globale plus cohérente. Ils ont davantage de marges de manœuvre sur tous les instruments de la politique économique, sur la monnaie comme sur le budget. Maintenant, il faut bien comprendre que les difficultés dans lesquelles se trouve l'Europe aujourd'hui ne tiennent pas à l'euro en soi, mais à la forme de gouvernement que s'est donnée l'Europe. On a construit l'Europe pour en faire une économie puissante. Une économie puissante doit disposer d'instruments puissants de gestion. Les instruments puissants de gestion d'une grande économie sont : la politique monétaire, la politique budgétaire, la politique industrielle, la politique de change. Mais lorsque l'on observe les choses de près, on s'aperçoit que ces instruments ne peuvent être utilisés en Europe, parce qu'ils sont verrouillés.
L'instrument monétaire est verrouillé non pas par la BCE, mais par les traités européens, qui ne donnent à la BCE que la mission de stabilité des prix, que d'autre part, l'instrument budgétaire est verrouillé par le Pacte de stabilité, et qu'enfin, l'instrument de politique industrielle est empêché par la politique de la concurrence qui, en Europe, est fédérale. On a une grande économie, on a verrouillé les instruments de gestion d'une grande économie, que reste-t-il ? Eh bien, il ne reste que les instruments de gestion des petites économies. C'est-à-dire la compétitivité "prix". Et voilà pourquoi on se trouve dans la situation de croissance molle dont nous souffrons tous, et notamment le pouvoir d'achat des salaires souffre. On est donc en pleine contradiction entre les moyens et les fins.
La fin, c'est la grande économie puissante. Le moyen, c'est l'instrument de gestion de la petite économie ouverte. Alors de cette façon, on ne voit pas très loin. Exemple : les Européens, à grand renfort de déclarations, de rapports et de réunions, ont décidé à Lisbonne de devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde. Bravo ! C'est un bel objectif que celui de souhaiter être plus intelligent que les autres. Mais en même temps, on a ajouté subrepticement la condition qu'il ne devait en coûter pas un centime d'euro aux divers gouvernements européens. Voilà donc un grand objectif et un tout petit moyen. Qu'on ne s'étonne pas alors que les objectifs ambitieux qu'on se donne ne soient pas atteints.
Pedro : Que faudrait-il faire alors ?
Jean-Paul Fitoussi : Il faudrait accepter l'Europe, ne pas avoir peur de notre propre puissance et avoir les moyens de la gérer, se donner les instruments pour gérer l'Europe. On voit bien où est le manque : il est du côté politique. Ces instruments ne peuvent exister vraiment que dans la mesure où il existe une autorité légitime qui puisse les utiliser. Cette autorité légitime ne peut être que politique, puisque c'est la démocratie qui donne la légitimité dans un système.
Roro : Adieu les 35 heures ?
Jean-Paul Fitoussi : C'est une question qui n'est pas vraiment liée au sujet. Il faut bien voir que si les salaires stagnent, ce n'est pas en raison des trente-cinq heures. Et il faut savoir que ça fait un quart de siècle que les salaires stagnent. Je ne dis pas ça pour défendre les trente-cinq heures, je n'ai jamais pensé que les trente-cinq heures étaient une mesure intelligente pour régler la question du chômage, mais simplement pour rappeler que l'histoire française n'a pas commencé en 2000... Maintenant, je crois aussi que dès le moment où il existe des possibilités de choix, ces possibilités doivent être sélectionnées par les moyens de la démocratie. Donc, si les Français veulent les 35 h, s'ils ont élu un gouvernement qui avait à son programme les 35 h, on ne peut pas les critiquer de ce point de vue. On peut simplement dire que les 35 h ne règlent aucun problème en soi, c'est une conquête sociale pour certains, et c'est à cette aune que les trente-cinq heures doivent être jugées.
Encore une fois, si les salaires n'augmentent pas dans nos pays, c'est parce que la productivité n'augmente pas beaucoup. Si la productivité, quel que soit l'horaire de travail, augmentait, les salaires pourraient augmenter. Il y a un 2ème élément à rappeler, un élément contextuel de grande importance. Si ça fait un quart de siècle que les salaires stagnent, ça fait aussi un quart de siècle que nous vivons dans une situation de chômage de masse. Et donc dire qu'il suffit que les Français travaillent plus pour régler le problème de la croissance et pour régler le problème du pouvoir d'achat est un peu une exigence rhétorique, encore une fois. Car je pense profondément que la grande majorité des Français souhaiterait travailler davantage. Encore faut-il qu'ils trouvent un emploi. Les jeunes ont très envie de travailler et acceptent des conditions de précarité considérables pour pouvoir accéder au travail. Et ils ressentent comme une injure le fait qu'on les traite, d'une façon ou d'une autre, de paresseux.
Tintin19 : Croyez-vous que l'euro a vraiment pénalisé les consommateurs français ?
Jean-Paul Fitoussi : Je ne suis pas partisan de la dichotomie consommateurs-producteurs. Je ne connais pas de pays où les consommateurs sont riches et les producteurs pauvres. Les consommateurs sont pénalisés lorsque leurs revenus stagnent. Cet élément majeur du contexte dans lequel nous vivons est un élément qui a précédé comme suivi l'introduction de l'euro. Alors est-ce qu'à l'occasion de l'introduction de l'euro un certain nombre d'entreprises en ont profité pour augmenter leurs prix, ça très certainement. Mais je crois dans les statistiques de l'Insee pour ce qui concerne l'indice des prix. C'est un indice très certainement perfectible, mais je ne pense pas qu'il soit trafiqué, j'en suis même sûr. C'est vrai que l'impression qu'ont les consommateurs d'avoir été pénalisés par l'euro me semble venir essentiellement de leur situation de producteurs, c'est-à-dire de travailleurs dont les revenus stagnent. Alors que nous vivons une période où de nouvelles consommations apparaissent, en raison de la révolution des technologies de l'information et de la communication.
Zoubida : Pourquoi se poser cette question alors qu'un dollar fort n'inquiète pas les Américains outre mesure ?
Jean-Paul Fitoussi : Personne ne se pose la question de l'euro fort. C'est un contexte essentiellement politico-médiatique, et non un concept économique. Nous avons hérité ce concept parce qu'il a désigné une politique, celle du franc fort. Lorsque les Américains disent qu'ils veulent que leur monnaie soit forte, ils le disent à la fois quand l'euro vaut 0,8 $, quand le dollar est fort, ou quand l'euro vaut 1,32 $. Ils tiennent toujours ce discours quel que soit le niveau du dollar. Aujourd'hui, le dollar est faible par rapport à l'euro, mais les Américains ne sont pas en train de gémir devant la faiblesse de leur monnaie. Au contraire, ils disent que leur monnaie est forte parce qu'ils savent très bien, comme tous les économistes, que le concept de faible ou fort appliqué à une monnaie est une figure rhétorique.
Si aujourd'hui les Européens se plaignent d'un euro fort, c'est parce qu'ils constatent que le niveau élevé du taux de change de l'euro conduit à accélérer la désindustrialisation de l'Europe. Parce que certaines entreprises industrielles n'exportent plus, ou beaucoup moins, et donc finissent par décider de s'implanter, au moins partiellement, en zone dollar, de délocaliser une partie de leurs activités. Il ne s'agit pas de savoir si une monnaie est forte ou faible, la vraie question est de savoir si une économie est forte ou faible. Il est évident que si la gestion de la monnaie conduit l'ensemble des entreprises à délocaliser de plus en plus leurs activités, la force de la monnaie accélérera le déclin de l'économie.
Pedro : L'économie européenne est-elle forte, et en quoi ? Quand on voit l'absence de perspective d'une Europe homogène, des replis partout et l'absence d'un gouvernement européen, notamment économique ?
Jean-Paul Fitoussi : L'économie européenne est quand même une des économies les plus riches du monde. Elle est en situation difficile aujourd'hui parce qu'on n'a pas tiré les conséquences politiques de ce que l'Europe avait accompli dans le domaine économique, et que le problème n'est pas tant que les Européens soient collectivement paressseux, ou que l'économie européenne soit faible, le problème vient de ce que le politique européen est très faible. Si je dis cela, je parle d'un phénomène structurel. Un politique qui ne peut décider qu'à l'unanimité est un politique faible. Or le Conseil européen ne peut décider qu'à l'unanimité sur les sujets importants. Autant dire que la décision politique européenne est paralysée. On voit concrètement que cela conduit à un politique faible. Et donc à une absence de poids politique de l'Europe sur la scène mondiale. Et comme il existe entre le politique et l'économique des relations dialectiques, la faiblesse du politique peut entraîner celle de l'économique. Exemple : tous les gouvernements des pays européens vont chacun à leur tour serrer la main de M. Poutine pour obtenir des conditions plus avantageuses en matière pétrolière ou gazière.
Et donc M. Poutine a beau jeu de mettre les pays européens en concurrence pour obtenir le meilleur "deal". Alors que les pays européens, eux, se trouvent dans une situation d'extrême faiblesse, ce qui conduit à réduire l'indépendance énergétique de l'Europe et le poids de l'Europe dans les négociations géo-politico-économiques. Ce qui se passe avec M. Poutine se passe avec la plupart des autres pays externes à l'Europe. On pourrait raconter la même histoire en constatant que chaque gouvernement national en Europe organise de façon séparée avec ses entreprises un voyage en Chine, et que les Chinois se frottent les mains. Car évidemment, les pays européens se mettent en concurrence, ce qui permet aux Chinois d'obtenir les marchés les plus avantageux. Les choses auraient été complètement différentes si l'Europe était représentée en tant que telle, à la fois vis-à-vis de la Russie et de la Chine. Imaginons quelle serait la puissance à la fois politique et économique américaine si les Etats-Unis, au lieu d'être représentés dans les négociations internationales par leur gouvernement fédéral, étaient représentés par les gouvernements divisés des cinquante Etats qui les composent.
Lakhdar001 : Pensez-vous que le politique devrait reprendre la main sur la Banque centrale, c'est-à-dire que les gouvernements européens devraient avaliser les décisions de la BCE, par exemple à la majorité qualifiée ?
Jean-Paul Fitoussi : Il ne s'agit pas de faire de l'Europe une expérience de laboratoire en allant d'un extrême à l'autre. Aujourd'hui, le problème européen est que la BCE est la seule banque centrale du monde à ne pas obéir à une procédure dite "de responsabilité" ("accountability", en anglais), à savoir une procédure aux termes de laquelle une agence indépendante, banque centrale ou autorité de régulation, fasse rapport devant une assemblée politique qui a le pouvoir de modifier les statuts de l'agence, en l'occurrence de la banque centrale.
Lorsque le président de la Fed va rendre des comptes au Congrès américain, il sait que celui-ci peut modifier ses statuts par une loi. Donc il a conscience qu'il doit internaliser dans sa politique les préoccupations des hommes politiques. C'est cet aspect qui manque en Europe, et c'est cet aspect qu'il convient de rétablir. Mais on voit bien la difficulté de le mettre en œuvre en Europe, car devant quelle assemblée politique la BCE pourrait-elle faire rapport ? Dans les autres pays, c'est devant les Parlements, mais en Europe ? Le Parlement européen n'est pas encore un Parlement de pleine souveraineté.
On pourrait imaginer que ce soit le Conseil européen, mais celui-ci ne peut se décider qu'à l'unanimité, donc on voit bien qu'il y a un vrai problème, qui ne pourrait être résolu que s'il y avait un gouvernement européen. Je crois quand même qu'un gouvernement fédéral européen existera, même si c'est à long terme. On pourrait imaginer des pas en avant qui, même s'ils ne sont pas tout à fait satisfaisants, accroîtraient à la fois la responsabilité de la BCE, et donc sa légitimité. Même si le Parlement européen n'a pas tous les pouvoirs des Parlements nationaux, il suffirait qu'à l'issue des auditions auxquelles procède le Parlement européen de la BCE, il puisse y avoir la potentialité d'une procédure de responsabilité. Je dis "potentialité", car jamais le Congrès américain n'a modifié les statuts de la Fed. Mais s'il ne les a pas modifiés, c'est précisément parce que la Fed, connaissant son pouvoir, a internalisé ses préoccupations.