Entretien avec Benoît Hamon - L'Humanité | 22 décembre 2006 |
En charge des questions européennes au PS, l’eurodéputé Benoît Hamon plaide pour un « nouveau compromis institutionnel ».
Quel jugement portez-vous sur les initiatives actuellement prises dans le but de déterrer la constitution européenne ?
L’initiative conjointe du Luxembourg et de l’Espagne (une réunion des pays ayant ratifié la constitution - NDLR) au prétexte de ne pas oublier les pays ayant dit oui poursuit à mon avis un objectif : isoler la France. C’est, je crois, une démarche négative. En dernière instance, l’intention de ces pays est-elle de mettre en oeuvre la constitution européenne sans la France ? Si c’est le cas, il faut qu’ils l’assument clairement.
En Europe, le «non» a marqué des points ces derniers mois. L’idée d’une renégociation d’un nouveau texte tirant les leçons du double "non" français et néerlandais fait son chemin. Les progrès accomplis en ce sens gênent les partisans du statu quo constitutionnel.
Comment vous situez-vous par rapport au Parti socialiste européen, qui met lui aussi en avant la nécessité de «respecter les oui» espagnol et luxembourgeois ?
Bien sûr qu’il faut respecter tout le monde mais le dire ne constitue pas une position politique. Nous sommes en face d’une réalité : le traité constitutionnel. Regardons ce qui est inscrit dans ce traité. Il stipule que le texte est caduc dès lors qu’un pays ne le ratifie pas. Une 2nde disposition, ajoutée par la Conférence intergouvernementale, prévoit que si un 5ème des pays ne le ratifie pas, le Conseil se réunit en urgence.
Le problème n’est donc pas de «respecter» le "oui" ou le "non", mais de savoir comment nous allons sortir de cette situation de blocage. Parce qu’il a été rejeté par la France et les Pays-Bas, mais aussi parce que 7 pays n’ont pas l’intention de le ratifier, le traité constitutionnel européen, tel qu’il est, est mort. En même temps, l’Europe ne peut pas fonctionner avec les institutions actuelles à 25 et demain à 27. Il faut donc trouver une solution pour sortir de cette impasse institutionnelle. Pour cela, il faudra renégocier. Le Conseil européen en a fixé le calendrier. La présidence allemande a pour mandat de dresser l’inventaire des solutions, et ce processus devra se conclure sous la présidence française en 2008. Mettons donc à profit cette période.
Ségolène Royal parle de «faire l’Europe par la preuve» avant d’aborder la question institutionnelle, sans en dire davantage sur le devenir du texte rejeté. Cette position n’est-elle pas ambiguë ?
Elle s’inscrit dans le projet de tous les socialistes. Notre projet avance la perspective d’un nouveau compromis institutionnel soumis aux Français par référendum. Sa volonté de «faire l’Europe par la preuve» sonne aujourd’hui comme une évidence. Dans une Europe où les politiques ont un impact sur les réalités sociales, il faut modifier le cours des politiques actuelles qui, au prétexte de moderniser notre modèle social, démantèlent les droits des salariés.
La candidate socialiste juge, à propos de la Banque centrale européenne, «qu’une forme d’indépendance» n’est pas incompatible avec «une forme d’obéissance». Cela ne vaut pas mise en cause des statuts actuels de la BCE...
Elle met en cause le fait que la BCE outrepasse son mandat et s’ingère dans le champ politique. L’indépendance de la BCE rend difficile toute réorientation de la politique monétaire en faveur de la croissance et de l’emploi. De surcroît, la BCE fait non seulement la sourde oreille aux recommandations de l’Eurogroupe lorsqu’il s’exprime, mais se permet de formuler les siennes sur les réformes structurelles que devraient conduire selon elle les États. Ségolène Royal juge inacceptable que Jean-Claude Trichet soit celui qui donne le la en matière économique. Elle a raison. Il faut revoir le rôle de la BCE.
Vous aviez défendu le "non" en 2005. Les clivages nés du référendum n’ont-ils plus lieu d’être aujourd’hui ?
Je crois que nous sommes sortis de cette séquence. Une majorité d’électeurs socialistes ont voté "non" en 2005. Or aucun de ces électeurs ne manque aujourd’hui à Ségolène Royal. Je ne crois pas que ce clivage soit opérant sur le terrain, pour les élections présidentielles. Il demeure un élément structurant du débat politique français, mais ce n’est pas un critère suffisant pour les échéances à venir.
Entretien réalisé par Rosa Moussaoui