
"Ce gouvernement de droite a scandaleusement déstabilisé cette entreprise par des nominations politiques à sa tête", a-t-elle poursuivi en citant "un certain M. Forgeard, ancien conseiller du pouvoir, remercié ensuite avec 2 millions d'euros sans compter les actions et les stock-options". Puis est venu le tour de l'actionnaire privé, "le groupe Lagardère, si proche du pouvoir, qui s'est opportunément désengagé quelques semaines avant l'annonce des retards sur l'A320" (en fait, l'A380). Là aussi, aux yeux de Mme Royal, la puissance publique a failli : "Il faut, a-t-elle souligné, que le gouvernement remette cet actionnaire devant ses responsabilités sur les territoires où l'entreprise s'est installée. Non seulement l'État peut faire mais doit faire."
L'État peut... C'est le message que Mme Royal a martelé jeudi soir, autant pour montrer la "cacophonie""candidat de l'UMP qui affirme, mais cela évolue paraît-il, que l'État ne peut rien faire" que pour gommer la déclaration d'impuissance d'un Lionel Jospin, lequel avait lâché, en 1999, à propos de Michelin : "L'État ne peut pas tout"... Il y a, dans chaque campagne, des dossiers plus symboliques que d'autres, et Airbus, fleuron de l'industrie européenne, en est un. "L'enjeu de cette élection présidentielle, a appuyé Mme Royal, repose sur un choix clair : un État impotent, impuissant ou au contraire, un État fort qui assume ses responsabilités." "Avec moi, a-t-elle ajouté crânement, l'État sera fort." Il fera le tri, a-t-elle précisé, "entre ceux que nous aiderons et ceux que nous n'aiderons plus".
"FRANCE NEUVE"
Et pour mieux souligner sa différence, la candidate a insisté sur le volontarisme politique en prenant pour modèle l'Europe du Nord. "Le moment est venu d'accomplir une révolution dans la gouvernance des entreprises et que les salariés siègent aux conseils d'administration pour tirer la sonnette d'alarme et forcer les dirigeants à anticiper", a-t-elle souligné, en vantant les mérites d'un "syndicalisme de masse". Tout en s'engageant à "faire prévaloir la stratégie industrielle sur la stratégie financière", Mme Royal a promis de "remettre à plat ce dossier avec les Allemands et les Espagnols", partenaires d'Airbus. Le sujet sera au centre de sa rencontre la chancelière allemande, Angela Merkel, à Berlin le 6 mars. "Les États européens doivent recapitaliser de façon stable cette entreprise pour éviter la fermeture des usines", a-t-elle insisté.
Mais la candidate connaît aussi l'histoire. Et là où M. Jospin, dans un autre dossier sensible, celui de l'entreprise LU, en mars 2002, n'avait pas su trouver les mots devant les caméras de télévision, face aux employés du groupe, elle a pris soin, jeudi soir, de "rendre hommage aux salariés, aux ingénieurs de talent, aux chercheurs qui se sentent humiliés, déconsidérés" chez Airbus.