Cette date s'inscrira aussitôt dans les livres d'histoire, en même temps qu'une photo, prise lundi 26 mars à Belfast dans la salle à manger du palais de Stormont, siège du Parlement provincial. Sur ce cliché, figurent MM. Paisley et Adams, assis de chaque côté d'un coin de table. Ils viennent d'annoncer, dans 2 brèves allocutions, l'accord scellé à l'issue d'une rencontre d'un peu moins d'une heure, où chacun était accompagné d'une délégation de 11 personnes. Ils ne se serreront pas la main, geste symbolique encore prématuré aux yeux du vieux pasteur. Mais l'essentiel est fait : ils se sont parlé, pour la 1ère fois, eux dont les regards toujours s'évitaient, et ils sont tombés d'accord pour gouverner ensemble.
Ce n'était pas tout à fait le scénario dont rêvait Tony Blair.
Depuis les élections régionales du 7 mars, qui avaient vu le DUP et le Sinn Féin renforcer leur influence sur leurs communautés respectives en remportant 36 et 28 sièges - sur un total de 108 - à l'Assemblée de Belfast, le premier ministre espérait que les 2 principaux partis annonceraient dès lundi la formation d'un gouvernement partagé.
Faute de cela, avait menacé Londres, l'Assemblée fraîchement élue serait aussitôt dissoute et la province à nouveau administrée par Londres, avec la coopération de Dublin, les salaires des députés étant suspendus sine die.
Ian Paisley ne l'a pas voulu ainsi. Après avoir dit "non" pendant des décennies à toute entente gouvernementale avec les catholiques, fussent-ils modérés, après avoir, depuis l'accord de Saint Andrews, en octobre 2006, émis un "oui, peut-être" prometteur, le vieux pasteur calviniste a enfin dit "oui". Mais ce oui sans conditions est assorti d'un ultime délai de six semaines.
Londres a accepté sans trop barguigner ce nouveau retard en soulignant, à juste titre, la portée "historique" de l'engagement pris par Ian Paisley. Après tout, depuis l'accord de paix de 1998, aucune grande échéance n'a été respectée. Pourtant, le processus n'a cessé de progresser en dépit de tous ces rendez-vous manqués.
Le Sinn Féin est mal placé pour s'en plaindre, lui qui laissa l'Armée républicaine irlandaise (IRA) tergiverser pendant des années avant de renoncer à la lutte armée, un engagement pourtant pris dès 1998.
"Tout ce que nous avons fait depuis 10 ans", a déclaré lundi M. Blair, visait à "préparer ce moment". Il ne reste qu'à graver dans la loi la date du 8 mai, ce qui devait être fait par un vote en urgence aux Communes dès mardi. Lors de la présentation du budget britannique il y a quelques jours, une enveloppe de 51,4 milliards d'euros sur quatre ans a été promise pour le développement économique de l'Irlande du Nord.
Fort du soutien massif que lui avait apporté son parti samedi, M. Paisley a tenu lundi des propos apaisants et optimistes, peu familiers chez ce sombre prédicateur. Il a évoqué les "énormes possibilités" qui s'offrent à la province et souligné que "les tragédies du passé" ne devaient plus faire obstacle à "un avenir meilleur". Le DUP, a-t-il promis, prendra toute sa part à l'élaboration d'un programme de gouvernement. Gerry Adams n'a pu que saluer "l'engagement sans équivoque" pris par le DUP, qui "marque le début d'une nouvelle ère politique" pour l'Irlande.
D'ici au 8 mai, le DUP et le Sinn Féin négocieront en coulisses. Ian Paisley, futur Premier ministre provincial, rencontrera à plusieurs reprises Martin McGuinness, un ancien commandant de l'IRA, qui deviendra son vice-premier ministre. Outre 4 ministres du DUP et 3 du Sinn Féin, le gouvernement comprendra 2 protestants du Parti unioniste d'Ulster (UUP) et un catholique social-démocrate du SDLP. Au bout du compte, la date du 8 mai, quoique tardive, est acceptable pour tout le monde. Le Premier ministre irlandais, Bertie Ahern, coparrain de la paix, a salué un accord qui "a le potentiel de transformer le futur de l'île". Et surtout, Tony Blair pourra laisser en héritage un succès irlandais qui interviendra sans doute quelques jours après l'annonce de sa démission.
10 AVRIL 1998
Signature de l'accord de paix du Vendredi saint qui prévoit un partage du pouvoir entre protestants et catholiques au sein d'institutions semi-autonomes et des organes de coopération avec la République d'Irlande.
2 DÉCEMBRE 1999
Un exécutif entre en fonction sous la direction des partis protestant et catholique modérés. L'unioniste David Trimble en prend la tête.
11 FÉVRIER 2000
Première suspension des institutions. Les protestants réclament le désarmement de l'IRA.
27 NOVEMBRE 2003
Elections remportées par les extrêmes des 2 côtés, le DUP du révérend Paisley et le Sinn Féin.
28 JUILLET 2005
L'IRA abandonne officiellement la lutte armée.
13 OCTOBRE 2006
Relance du processus de paix à Saint Andrews (Ecosse), par les premiers ministres britannique et irlandais.
7 MARS 2007
Nouvelles élections. Le DUP et le Sinn Féin renforcent leurs positions.