BAROMÈTRE DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE
BVA – ABSOLUCE – LES ÉCHOS – FRANCE INFO - 26 mai 2010
L’Institut BVA a réalisé ce sondage par téléphone les 21 et 22 mai auprès d’un échantillon de 1005 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.
La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas, appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, profession du chef de famille après stratification par région et catégorie d’agglomération.
Longtemps attendues, les propositions du PS sur la réforme des retraites sont très bien accueillies, étant jugées nettement «meilleures», et «plus justes» mais aussi, avec un écart moindre, plus «crédibles» et «plus efficaces» que celles du gouvernement.
Il faut dire que le terrain est favorable au PS : les Français tiennent à la retraite à 60 ans comme à un acquis social et, plus globalement, ne considèrent pas qu’il soit inéluctable d’augmenter la durée de cotisation ou l’âge légal de départ à la retraite pour garantir le système pour le moment.
Il est à l’inverse doublement miné pour le gouvernement, non seulement en rupture avec l’opinion sur ces sujets, mais aussi en panne de confiance, les 2/3 des Français (et, désormais 40% des sympathisants de droite) jugeant «mauvaise» sa politique économique.
1. Pas d’effet de la bonne séquence Grecque pour Nicolas Sarkozy concernant la politique économique du gouvernement : les 2/3 des Français et 4 sympathisants de droite sur 10 la jugent mauvaise
Les 2/3 des Français (67%) jugent «mauvaise» la politique économique du gouvernement et seulement 28% la jugent «bonne». Plus fâcheux, si le consensus sociologique dans le rejet n’est guère nouveau (70% auprès des CSP+ et 76% auprès des CSP-), il tend désormais à gagner une part croissante de sympathisants de droite : 40% d’entre eux partagent les jugements négatifs de leurs concitoyens. Ils ne sont plus à présent que 55% à soutenir la politique économique gouvernementale alors qu’ils étaient encore 71% en septembre dernier.
Nul doute pourtant que la bonne séquence médiatique de Nicolas Sarkozy avec son rôle à la fois efficace et discret dans la crise grecque lui servira en tant que candidat en 2011 ou 2012. Pour le moment en tout cas elle ne lui apporte que peu de gains à court terme à la fois en popularité personnelle (celle-ci ne remonte que de quelques points et reste très faible) et de jugements positifs sur son action économique.
2. Le projet du PS sur la réforme des retraites est nettement préféré aux orientations gouvernementales
Une très large majorité de 57% contre 33% de Français estime que le projet de réforme des retraites du PS est « meilleur » que celui du gouvernement (soit 63% contre 37% si on exclue les personnes ne se prononçant pas sur le sujet).
Ils sont encore plus nombreux à estimer que ce projet est « plus juste » : 59% contre 32% (soit 65% de ceux faisant un choix entre les deux).
Plus intéressant, voire surprenant encore pour le PS, s’agissant d’une orientation récente et plutôt en contradiction avec les points de vues les plus souvent entendus dans les médias, une majorité relative de Français estime aussi que ce projet est «le plus crédible» (47% contre 41% soit 53% contre 47% si on exclue les sans opinions) et «le plus efficace à long terme» (42% contre 40%, soit 51% contre 49% sans les NSP).
Bref, c’est une bonne séquence pour Martine Aubry quelques jours seulement après l’annonce de ses orientations tant attendues sur le sujet.
Surtout qu’au-delà de ce soutien de l’ensemble des Français, elle bénéficie d’un plébiscite auprès des sympathisants de gauche, futurs électeurs des prochaines primaires socialistes : 61% des sympathisants de gauche (et 65% de ceux du PS) jugent que le projet du PS est «le plus efficace à long terme», 66% (75% au PS) qu’il est «le plus crédible», 79% (86% au PS) qu’il est «le meilleur» et 81% (86% au PS) qu’il est «le plus juste».
Sociologiquement aussi, le résultat est sans appel : le projet socialiste l’emporte sur chacun des indicateurs à la fois auprès des catégories populaires où il écrase le projet du gouvernement, mais aussi, auprès des catégories supérieures où il le domine, mais de façon moins écrasante (notamment sur les aspects «crédibilité» et «efficacité»).
Outre les sympathisants de droite, les retraités (et les plus de 65 ans), qui sont aussi les plus partisans d’un allongement qu’ils ne subiront plus, sont les plus nombreux à privilégier le projet du gouvernement.
3. Les Français rejettent massivement le report de l’âge légal et, plus globalement, considèrent que l’augmentation de la durée d’activité n’est pas le seul moyen de garantir le système
Le succès d’opinion de Martine Aubry est indiscutablement une bonne nouvelle pour elle. Mais au-delà de sa grosse séquence médiatique de la semaine dernière il s’explique surtout par un contexte d’opinion à la fois très hostile au gouvernement, mais aussi, depuis longtemps favorable aux orientations qu’elle vient de prendre : contrairement à l’immense majorité des commentateurs, médias et «expertologues» divers sollicités depuis des années sur le sujet, les Français, très attachés au principe du maintien de l’âge légal à 60 ans «en tant qu’acquis social» (57% contre 41%), rejettent (53% contre 41%) le caractère inéluctable de l’augmentation de la durée d’activité, estimant «qu’on peut très bien garantir notre système de retraite sans avoir à augmenter pour le moment la durée de cotisation ou à repousser l’âge légal». Evident nouveau signe de fracture entre le peuple et les élites !
Les lignes bougent toutefois sur le sujet …
- à la fois dans le temps : le report de l’âge légal s’il est toujours largement rejeté l’est moins qu’en janvier dernier (+7 points d’acception sur le fait qu’il soit repoussé au-delà de 60 ans) et il y a fort à parier qu’il l’aurait été encore moins dans les mois à venir si le PS avait embrassé la position de DSK plutôt que celle de Martine Aubry.
- et au niveau des clivages politiques (la gauche rejette, la droite plébiscite) mais aussi sociologiques : sur les deux sujets il y a consensus entre l’ensemble des actifs qu’ils soient catégories supérieures ou populaires à rejeter majoritairement le report de l’âge légal comme le caractère inéluctable de l’augmentation de la durée d’activité.
Tout au plus observe-t-on un rejet plus fort encore parmi les catégories populaires (74% et 65%). En revanche, actifs et inactifs s’opposent totalement entre eux sur ces questions, les inactifs, retraités et plus de 65 ans, demandant majoritairement aux autres de travailler plus : 55% sont favorables au report de l’âge légal et 54% affirment le caractère inéluctable de l’augmentation de la durée d’activité.
Au-delà du gouvernement – en rupture avec une large majorité de Français sur le sujet – ce résultat devrait sans doute inviter à la réflexion médias et commentateurs qui, comme en 2005 sur le TCE, mettent en avant tous ou presque une position dominante voire évidente parmi « les élites », mais pas du tout auprès du « peuple ».
Analyse réalisée par Gaël Slimane, DGA de BVA opinions