Les chroniqueurs en font leurs choux gras ; les responsables politiques et les militants pestent avec plus ou moins de bonne foi... Les députés écologistes ont voté blanc à l'Assemblée Nationale pour l'élection de son Président. Une chose est sûre : alors que Thomas Legrand glosait hier matin sur France Inter sur la PRGisation probable d'Europe-Ecologie/Les Verts, on pourra dire qu'il s'est une nouvelle fois trompé.
J'ai pu lire que certains voyaient dans ce vote blanc l'allergie supposée des Verts aux "fils de prolétaires" que représentaient opportunément Claude Bartolone. Donc il n'y aurait aucun fils de prolétaires chez les Verts ? Soyons plus prosaïques ; malgré toutes les qualités (réelles) du nouveau président de l'Assemblée Nationale, malgré la sincérité de son engagement de gauche, on pourra cependant dire que Claude Bartolone, en charge des relations avec les partenaires politiques du PS dans l'équipe de Martine Aubry, ne s'est pas particulièrement illustré par son zèle à arrondir les angles. Si l'on se réfère juste aux relations tumultueuses, que Claude Bartolone entretenait avec les partenaires du PS, il est plus surprenant que les députés du Front de Gauche aient voté pour lui - alors qu'il est le principal artisan de la mise en minorité du PCF en Seine-Saint-Denis - que les écologistes aient voté blanc.
D'aucuns se sont offusqués, poussant des cris d'orffraie, invoquant la trahison du "vote populaire", rien que ça. Autant reconnaître que les torts sont au minimum partagés. Depuis que les écologistes ont signé un accord avec les socialistes, osons reconnaître que nos propres camarades se sont employés avec un malin plaisir à le contourner ou le vider de sa substance.
D'abord dès la prise de position du candidat Hollande qui disait qu'il ne tiendrait aucun compte des propositions contenues dans l'accord parlementaire PS-EELV. Ensuite, en traînant les pieds dans la plupart des circonscriptions réservées aux écologistes (surtout dans la 6e de Paris où se présentait Cécile Duflot, où ils menacèrent même de ne pas désigner de suppléant), dénigrant souvent en interne la qualité des candidats, ou soutenant ouvertement comme le fit Gérard Collomb (Sénateur, Maire de Lyon, président de la Communauté Urbaine : bonjour le cumul !), des candidats contre nos candidats communs, ce qui en toute logique aurait dû lui valoir une procédure d'exclusion rapide du PS. A cette occasion, c'est Philippe Mérieu - dont les qualités ne peuvent être mises en cause - qui en fit les frais.
Avec ce type de méthode, le groupe parlementaire écologiste atteint péniblement 17 députés alors qu'il aurait dû s'approcher de la trentaine, si les socialistes avaient respecté leur parole. Cette situation est d'autant plus humiliante que les dissidents sont en voie de réintégration rapide dans le groupe socialiste (et sans doute bientôt dans le Parti) : "pour être intégré il suffit de le demander" avoue-t-on ouvertement. Finalement, on fait plus de cas de la blessure de la seule Ségolène Royal que de l'affront fait à nos partenaires.
Je rappelle également que la présidence de la commission "développement durable" de l'Assemblée Nationale était aussi attribuée aux écologistes dans l'accord PS-EELV ; les responsables socialistes du groupe parlemenaire n'ont pas plus de respect pour cet accord que nombre d'autres responsables socialistes.
Enfin, on peut comprendre le trouble de nos camarades écologistes - partagés par beaucoup de militants socialistes - des conditions de transfert de Nicole Brick de l'écologie vers le commerce extérieur. Ce qui n'est évidemment pas une promotion et vient sans doute sanctionner ses positions par trop proches des écologistes sur certains sujets, comme le nucléaire et les forages pétroliers en Guyane.
Je passe sous silence l'épisode ridicule où il fut reproché à Cécile Duflot d'avoir défendue une position connue, ancienne et durable sur la dépénalisation du cannabis, affaire montée en épingle, alors que les sujets qui nous intéressent sont avant tout économiques et sociaux.
Enfin, Alain Vidalies a commis une véritable faute de dénier aux parlementaires écologistes leur liberté de vote. Lionel Jospin, confronté à une majorité plurielle, avait pour le coup respecter ses partenaires, expliquant que le contrat de majorité tiendrait tant que communistes et écologistes voteraient les budgets de l'Etat et de la sécurité sociale. Mais il faut croire ici que la majorité absolue encourage les réflexes hégémoniques, je parle de réflexes, car je ne crois pas que cette dernière sortie du ministre des relations avec le Parlement fut réfléchie.
Or, nos partenaires écologistes ne sont pas et ne seront pas des godillots ; il serait bon d'ailleurs que nos propres parlementaires se distinguent dans la forme de la majorité précédente, en étant eux-mêmes indépendants pour pouvoir accomplir pleinement leur mission parlementaire de contrôle du gouvernement et d'élaboration de la Loi. Non, EELV ne sera pas le PRG ; et au premier chef, il faut se rappeler qu'ils sont un poids électoral relatif bien plus important. Si cela ne se traduit pas aux élections présidentielles, nous pourrions nous le rappeler amèrement aux prochaines européennes, municipales ou régionales, qui se dérouleront dans un contexte vraisemblablement moins favorable à la gauche socialiste que les précédentes.
Pour la réussite de la majorité de gauche, il est temps d'apprendre à fonctionner autrement avec nos partenaires politiques. D'introduire la confiance et le respect de la parole donnée et des textes signés dans nos pratiques politiques et dans nos modes de gouvernement : ce serait déjà un premier CHANGEMENT.
Frédéric FARAVEL
Secrétaire fédéral du PS Val-d'Oise aux relations extérieures