Les négociations budgétaires européennes battent leur plein. Herman Van Rompuy, président du conseil européen, propose de réduire de 75 milliards d'euros l'enveloppe de 1 033 milliards d'euros initialement proposée par la Commission européenne – des réductions qui atteignent même 80 milliards en tenant compte de programmes hors budget. Ce sont les mêmes mesures austéritaires qui ont été imposées pour les budgets nationaux - avec le succès que l'on sait - qui sont à nouveau proposées pour le budget de l'Union.
La nécessité politique et économique, la nécessité de renforcer la cohésion européenne en pleine crise monétaire et économique, devrait conduire au contraire à plaider pour l'augmentation massive du budget européen. C'était une logique qui commençait à être entendue d'ailleurs au sein des sociaux-démocrate européens, mais qui a tendance à être moins plaidée depuis l'accession des socialistes français au pouvoir. Cependant, comme les Britanniques exigent des coupes beaucoup plus substantielles – de l'ordre de 150 milliards – pour ramener le montant global à 886 milliards d'euros, il est probable qu'on raconte une petite histoire à la fin du processus sur le thème du "Vous savez cela aurait pu être bien pire"...
En attendant dans ces conditions, le fameux pacte de croissance - qu'avait négocié François Hollande et qui justifiait à ses yeux d'adopter contre toute cohérence le traité Merkozy que nous avions dénoncé - n'est plus du tout d'actualité.
La France s'affiche donc sur trois chevaux de bataille :
- revoir enfin à la baisse, outre la ristourne britannique, les "rabais" accordés depuis à l'Allemagne, aux Pays-Bas ou à la Suède et qui augmentent d'autant leurs propres contributions (elle est notamment soutenu dans ce combat par l'Italie) ;
- soutenir (avec l'Italie encore) les membres les plus récents - comme la Pologne - sur le maintien de la politique de cohésion, qui leur a permis de se développer bien que l'effort consenti en leur faveur n'ait pas été au niveau de celui fourni autrefois pour l'Irlande, la Grèce, le Portugal et l'Espagne ;
- maintenir au maximum les crédits à la Politique Agricole Commune (PAC), quitte à amputer dans la logique malthusienne qui encadre la négociation d'autres secteurs...
Or, c'est bien là un des risques de cette négociation budgétaire : la France risque de perdre le peu de crédit qu'elle a retrouvé en passant médiatiquement pour la défenseure d'une Europe figée. La Politique Agricole Commune se verrait ainsi allouer 8 milliards d'euros supplémentaires, et 10,6 milliards de plus vont à la politique de cohésion en faveur des pays les plus pauvres. Pour cela, il soustrait 20,3 milliards pris sur plusieurs enveloppes, dont 13 aux budgets pour la croissance et les grandes infrastructures.
Sa première proposition avait été obtenue en réduisant de 75 milliards d'euros le projet de la Commission, qui demandait 1 047 milliards d'euros. Mais la PAC perdait 25,5 milliards d'euros, dont 13,2 pour l'enveloppe destinées aux aides directes et aux interventions sur les marchés. Ces coupes avaient été dénoncées comme "inacceptables" par les Français. La cohésion voyait pour sa part son enveloppe réduite de 29 milliards.
Or tant sur la PAC que sur la politique de cohésion (relire ici mon article sur le dévoiement de la politique de cohésion dans le cadre de la "stratégie de Lisbonne"), accepter la diminution globale du budget communautaire revient à mettre dans la balance le maintien de la PAC contre des politiques innovantes sur lesquelles nous avons tous besoins de l'intervention européenne (transition énergétique notamment) : c'est un jeu à somme négative pour tout le monde d'un point de vue politique et économique. D'un côté, l'Union européenne n'interviendra pas suffisamment sur des secteurs d'avenir, de l'autre on reprochera à la France le poids disproportionné de la PAC dans le budget européen alors même que ces crédits et cette politique commune sont nécessaires.
Si la France accepte de poursuivre des négociations en acceptant la baisse du budget global de l'Union, elle court à la catastrophe. David Cameron menace d'exercer son veto si on lui retire sa "ristourne" et si la PAC n'est pas réduite ? grand bien lui fasse... tout le monde sait que l'UE pourra trouver une solution pour fonctionner malgré le veto britannique. Par contre, si François Hollande voulait être conséquent et faire réellement bouger les lignes en cohérence avec son projet présidentiel, il menacerait les négociations de son veto tant qu'une discussion sérieuse ne sera pas engagée sur l'accroissement substantiel des perspectives financières de l'Union.
Frédéric FARAVEL