Le conseil national du Parti Socialiste s'est prononcé samedi 15 novembre en faveur de la convocation du congrès du PS pour les 5, 6 et 7 juin 2015. Voilà des mois que nous étions nombreux à réclamer ce rendez-vous démocratique et nécessaire, qui aurait dû se tenir en ce moment même si les statuts de notre parti avait été respectés.
Le Premier secrétaire par intérim n'avait d'ailleurs plus tellement le choix que de proposer cette solution à la commission de préparation du congrès le 13 novembre, alors que la Haute Autorité du PS, saisie par la fédération de la Nièvre (sur une proposition des camarades de Maintenant la Gauche dans ce département), avait indiqué lundi 10 novembre que l'on ne pouvait pas reporter au-delà du premier semestre 2015 notre congrès.
Le congrès du Parti Socialiste qui battra son plein au printemps prochain ne sera pas un congrès comme les autres. Les militants socialistes sont confrontés à une situation inédite : nos gouvernements successifs appliquent une politique très éloignée de celle que nous avions soumise aux citoyens pour l'élection présidentielle et les élections législatives en 2012 et qui avait recueilli la majorité de leurs suffrages. Dès juin 2012, des coups de canifs ont été donnés à notre programme en abandonnant la renégociation du Traité Merkozy, au prétexte d'un illusoire plan d'investissement européen de 120 milliards d'euros qui n'a jamais vu le jour, puisque notre gouvernement a ensuite (dans les semaines qui ont suivi) donné son accord à une baisse du budget européen. L'annonce du Pacte de Compétitivité – la hausse de la TVA et les 20 Mds € de Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) – était à la fois en contradiction avec nos engagements de campagne (abrogation de la TVA sociale) et les orientations et déclarations de la nouvelle majorité du PS, issue de la motion 1, lors du congrès de Toulouse (automne 2012). Dans l'année 2013, l'accord sur la flexibilité du marché du travail et la réforme des retraites s'éloignaient également de nos engagements et de nos valeurs. L'annonce dès janvier 2014 d'un Pacte de Responsabilité approfondissait le sillon social-libéral inauguré à l'automne 2012 : 41 Mds € d'allégements de cotisations pour les entreprises, 50 Mds € de réduction des dépenses publiques.
C'est ce tropisme social-libéral que Maintenant la Gauche avec Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann avait pressenti dès septembre 2012 en déposant sa motion et que nous déplorons de voir concrétiser depuis.
Les soutiens zélés de cette orientation libérale expliqueront que nous sommes conformes à nos engagements puisque nous avions annoncé la nécessité du «redressement», notamment par la baisse des déficits et de la dette, du pays. Seulement, nous avions également indiqué que le chemin à prendre pour ce redressement se ferait «dans la justice», avec une attention toujours forte portée aux intérêts des salariés et des plus fragiles de nos concitoyens ; nous avions indiqué durant la campagne électorale que s'il y avait un problème de compétitivité en France il n'était pas lié.
Or les concessions sur le droit du travail, les crédits d'impôts et allègements de cotisations sans ciblage et sans discernement, accordées aux entreprises sans contrepartie, ne donnent pas de résultats sur le terrain de l'emploi, le chômage continue d'augmenter ; les réductions de dépenses publiques ne permettent pas diminuer le déficit public et notre dette continue de croître car l'économie est atone et les recettes fiscales sont en conséquence moindres qu'attendues. Les réductions budgétaires ont même pour effet d'accroître, notamment dans les collectivités locales, le phénomène puisque l'investissement public peine alors qu'il devrait prendre temporairement le relais des acteurs privés frileux pour que les carnets de commandes des PME soient un peu moins vide qu'aujourd'hui. La politique économique et sociale de notre gouvernement est donc entrée dans un cercle vicieux qui le conduit à l'échec : le gouvernement socialiste ne peut se prévaloir de la baisse de la dette et des déficits car sa politique ne le permet pas, et nos partenaires européens conservateurs sont de plus en plus méfiants et exigeants, nous plaçant sur la défensive alors que nous devrions prendre la tête de la lutte pour une réorientation de la construction européenne ; le chômage continue de progresser avec son lot de drames humains et notre électorat perd chaque jour un peu plus confiance en nous, considérant que nous menons une politique plus favorable au patronat qu'à l'emploi et aux salariés.
Dans ce contexte, ce qui pose problème à nos électeurs ce ne sont pas nos débats ou nos «dissensions» internes mais la distorsion de nos discours et nos écrits avec les actes au gouvernement, et l'absence de résultats tangibles qui découlent de ceux-ci.
Nous ne dirons jamais que l'ensemble de la politique conduite est mauvaise : notre action pour la refondation de l'école, l'économie sociale & solidaire, le mariage pour tous, le logement (bien que le gouvernement Valls 2 soit en train de détricoter sans raison la loi ALUR votée par toute la gauche), l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, le travail sur l'assurance maladie ou encore le compte pénibilité pour les retraites vont dans le bon sens et constituent de réels progrès. Mais c'est l'orientation global de la politique économique et sociale qui pose problème parce qu'elle est contraire à nos engagements et qu'elle ne donne pas les résultats escomptés par ceux qui l'ont imposée. Entre temps, nous avons également abandonné l'ambition de la grande réforme fiscale pour un impôt citoyen juste et réellement progressif (pourtant défendu depuis de nombreuses années par François Hollande, mais aussi bien d'autres) et le chantier pour une véritable régulation bancaire est reporté aux calendes grecques.
Tout ceci s'est fait sans que les militants socialistes ne soient associés, la logique des institutions de la VèmeRépublique écrasant aussi bien les parlementaires (qui sont nombreux à voter certains textes par légitimisme mais avec des doutes croissants) que le parti ; les expressions critiques ont été dénigrées et méprisées, parfois insultées, tant dans le PS qu'à l'Assemblée Nationale. On nous explique à longueur de journée qu'il n'existe pas de propositions alternatives et qu'il n'y a qu'une politique possible, alors que Maintenant la Gauche fait des propositions concrètes, ciblées, chiffrées et réalistes depuis deux ans, et que les parlementaires du collectif «Vive la Gauche !» ont multiplié les suggestions pour infléchir l'orientation générale. Pourtant, il n'y a rien de plus mortifère que d'expliquer comme Margareth Thatcher qu'il n'y a qu'une politique possible, surtout quand cette politique échoue. Et cette politique met chaque jour à mal un peu plus la majorité politique qui a permis l'élection de François Hollande le 6 mai 2012 : les ponts sont presque rompus avec le PCF, les relations sont de plus en plus précaires avec les écologistes d'EELV ou le MRC. Or nous avons besoin que la gauche soit rassemblée pour mener à bien nos engagements.
Nous avons payé durement lors des élections municipales et européennes ces incohérences et les contradictions inhérentes à la politique menée ; nous risquons encore d'en subir lourdement les conséquences lors des élections départementales, et même régionales si rien n'évolue d'ici là.
Pour réussir la seconde partie du quinquennat, il faudra avoir le courage de changer de cap. Le congrès devra donc être un moment de clarification et confrontation idéologique, qui prenne à bras le corps la question de la politique économique menée par le gouvernement.
Il est donc grand temps que les militants socialistes s'emparent des questions qui nous sont posées collectivement et fixe l'orientation du PS, sans faux semblant.
La motion 3 Maintenant la Gauche participera pleinement à ce débat, elle déposera évidemment avec ceux qui rejoignent son analyse et ses propositions une contribution générale. Nous travaillerons à réunir les conditions qui permettront au Parti de sortir de l'impasse dans laquelle il a été placé, pour qu'une nouvelle orientation, une nouvelle majorité et une nouvelle direction politique remplace l'actuelle équipe qui n'a plus de cohérence ni de mandat politique précis. Les motions qui seront soumises au vote des militants seront déposés en avril 2015 ; d'ici là nous pourrons mesurer les convergences et les divergences entre les signataires des contributions. Nous sommes convaincus que l’unité et le rassemblement ne peuvent se faire qu'autour d’une ligne politique partagée. Nous partirons donc du socle qui était le nôtre au congrès de Toulouse, que nous avons complété, pour l’élargir et gagner. Nous serons vigilants dès maintenant quant au fonctionnement démocratique du Parti.
Nous le disons clairement à la direction sortante et au Premier secrétaire par intérim : la période politique que nous traversons ne permet pas – si l'on veut réellement sortir de l'ornière – de présenter des textes mi-chèvres/mi-choux, qui disent tout et son contraire, dont on ne comprend pas clairement l'orientation et qui évitent de se confronter aux questions posées par la politique gouvernementale. Le Parti nous a souvent habitués à des textes sans saveur et sans odeur, rédigé pour permettre des synthèses absconses et inopérantes, utile uniquement à la préservation de petits pouvoirs de pacotille. Ce type de manœuvre ne serait utile à personne !
Nous le disons également franchement aux soutiens les plus convaincus de Manuel Valls : assumez l'orientation très claire et clivante que le Premier Ministre a développé à plusieurs reprises dans la presse ! Assumez le renversement complet de l'action politique vers des solutions libérales ! Assumez l'abandon du mot « socialiste » ! Assumez la volonté de renverser nos alliances politiques vers le centre et le centre-droit ! Et soumettez cette orientation aux militants socialistes ; puisque vous appelez vous aussi à la clarification paraît-il, vous devez une démarche honnête, transparente et courageuse aux socialistes pour qu'ils disent leur accord ou leur désaccord avec vos thèses. Si jamais vous vous cachez une nouvelle fois derrière la direction sortante sans défendre votre orientation vous détourneriez le congrès à des fins politiciennes médiocres. Faisons ensemble le constat que vous et nous, tous les socialistes, valons mieux que cela !
Nous appelons tous les socialistes à prendre désormais la parole et à ne plus se la laisser prendre. Nous appelons tous ceux qui ont été déçus depuis deux ans et sont partis sur la pointe des pieds, sans bruit ou en claquant la porte, à se mettre à jour de leur cotisation ou à adhérer/ré-adhérer (la date limite d'adhésion pour avoir le droit de vote semble être le jeudi 20 novembre à 23h59, vous avez donc jusqu'à demain soir).
Venez dire haut et fort par votre vote que vous souhaitez que notre Parti reste Socialiste et qu'il pèse sur le gouvernement pour réorienter profondément sa politique, réussir le quinquennat et donc remettre la gauche et les idéaux socialistes et républicains en selle pour 2017. Nous ne pouvons nous résoudre à vivre le duel annoncé entre une droite conservatrice radicalisée et Marine Le Pen, sur les décombres de la gauche.
L'alternative de gauche est possible, ici & maintenant !
Frédéric FARAVEL
Mandataire fédéral de la motion 3
NB : Nous avons été étonnés, comme d'autres sans doute, que notre premier secrétaire fédéral ait adressé aux militants un courrier dans lequel il met en avant la résolution votée par le bureau fédéral le 20 octobre. Cette résolution ne porte pourtant rien d'autres que le fait de prendre acte de l'existence de la commission de préparation du congrès qui avait été déjà réunie, après avoir été promise depuis la fin du printemps par la direction du parti. Cette résolution ne caractérise pas la situation politique du pays et n'a été rédigée qu'en réaction à la résolution proposée lors du conseil fédéral de septembre par des membres des instances fédérales issus de la motion 3 et de la motion 1 et que le premier secrétaire fédéral avait refusé de soumettre au vote. Bien que le débat y soit plus ouvert que précédemment, voilà des mois que les instances fédérales ne peuvent jamais trancher des débats politiques et se prononcer clairement par un vote. Il est vrai qu'en caractérisant la situation politique la direction fédérale aurait été contrainte de constater les échecs électoraux et leurs causes politiques... elle préfère donc les textes sans portée politique. Si nous apprécions l'ambiance bien plus apaisée qui préside désormais à nos débats, nous déplorons la dépolitisation des instances dirigeantes de notre parti et donc leur perte d'efficacité. C'est une chose qu'il faudra changer.