On se souvient que Nicolas Sarkozy avait lourdement agi pour assurer la succession de Jean-Claude Trichet. L'omni-président, sauveur du monde et de l'union européenne, a beau s'afficher régulièrement avec la Chancelière Angela Merkel, il faut croire qu'il trouvait quelques limites au modèle allemand, dont il nous fait pourtant l'éloge sur la scène national.
Aussi il était inenvisageable que succède à un « latin » comme M. Trichet (oui oui, on voit très bien notre ex-PSU de grand banquier parler fort et avec les mains un individu pétri de culture germanique et rigoureuse. Le président de la Bundesbank, longtemps sur les rangs et poussé par Angela pour devenir le nouveau patron de la Banque Centrale Européenne (BCE), avait même fini par jeter totalement l'éponge en partant pour le privé.
La nomination de Mario Draghi, représentant de l'Italie et de Goldman-Sachs au sein de la BCE, avait donc était présentée comme une grande victoire du président français : un latin succèderait à un autre latin et la BCE ne se mettrait pas à la remorque d'une trop austère politique germanique.
Las, bien que l’Élysée explique que face à la crise de l'euro – et malgré l'accord européen de Bruxelles – il faudra bien que la BCE intervienne massivement pour la résoudre « Elle le fera d'ailleurs. La question étant, désormais, de savoir si elle le fera à temps... ou trop tard », le président de la BCE a tenu depuis sa nomination à démontrer à plusieurs reprises qu'il n'était pas indispensable d'être allemand pour soutenir l'austérité et l'ultra-libéralisme (au demeurant ce n'est pas l'exécutif français actuel qui permet de concevoir l'existence d'une alternative).
Les États européens ont besoin d'aller chercher sur les marchés quelques 150 milliards d'euros au premier trimestre 2012, or dans le contexte tendu actuellement (malgré la réussite de la dernière émission obligataire espagnole) cela s'annonce complexe ; les fonds européens de secours sont à sec, et les Européens ont l'interdiction de l'abonder. Mais la BCE refuse d'annoncer qu'elle rachèterait tous les titres de la dette de la zone euro au-dessus d'un certain niveau de taux d'intérêts (attention ! Mesure révolutionnaire !).
Mais lundi 19 décembre 2011, Mario Draghi et son équipe ont durablement douché ceux qui espèrent que l'Europe use enfin de la politique monétaire.
Ainsi dans le Financial Times. Mario Draghi accordait sa première grande interview depuis sa nomination et affirmait avec aplomb : racheter massivement de la dette n'est pas possible car les statuts de la BCE ne le permettent pas ! Et d'ajouter : « la politique monétaire ne peut pas tout. C'est aux États de rassurer sur leur discipline budgétaire et leurs réformes structurelles ». Dans Les Échos, le nouveau patron de la Bundesbank, Jens Weidmann, dit exactement la même chose : « on ne surmontera certainement pas la crise de confiance actuelle... en violant la Loi ».
Ainsi après avoir été ridiculisé par Angela Merkel, auquel il n'opposait qu'une faible résistance, Nicolas Sarkozy est humilié par celui dont il a défendu la candidature à la présidence de la BCE. Mais il est vrai que lorsque l'on explique que l'Europe et la France ont besoin d'austérité et de « règle d'or », il est bien difficile de contredire, les véritables responsables économiques et politiques de la zone euro qui appliquent les conséquences concrètes d'un tel discours.
Cependant Nicolas Sarkozy n'est pas le seul à avoir été démenti par les déclaration de MM. Draghi et Weidmann. En effet, les maîtres de la BCE ont rappelé des évidences négligées avec trop de légèreté par François Hollande, candidat à la Présidence de la République Française. Les statuts de la BCE ne permettent pas en l'état de mener des actions qui sortiraient l'Union européenne et la zone euro de la spirale dépressive dans laquelle elle s'enfonce. Toutes les décisions qui avaient d'ailleurs été prises sous Jean-Claude Trichet étaient exceptionnelles et temporaires car hors traité donc illégales.
Le candidat, qui s'enfermait déjà dans l'annonce d'une austérité rose et d'une « règle d'or » post-présidentielles, était dans l'erreur en affirmant qu'on pouvait mettre en œuvre des solutions à la crise dans le cadre des Traités actuels, sans avoir à les modifier. Le traumatisme « hollandais » du 29 mai 2005 semble rendre François Hollande incapable (et pour le coup Martine Aubry avec lui) de s'engager dans une dynamique politique dont la France et l'Europe ont besoin. L'accord européen de Bruxelles est mauvais car il institutionnalise une austérité qui asphyxie l'Europe, mais le Traité de Lisbonne n'apporte aucune solution. Il faut donc changer de traité.
Une solution social-démocrate peut être présentée aux peuples européens :
- modifier les statuts de la BCE pour qu'elle intègre la croissance et l'emploi dans ses objectifs, qu'elles puissent émettre des eurobonds et monétiser les dettes souveraines des États membre de l'Union européenne ;
- donner au parlement européen de nouvelles prérogatives pour qu'il puisse devenir le véritable représentant de la souveraineté populaire européenne, auquel serait soumis un gouvernement européen ;
- doter l'Union d'un réel budget communautaire voté par le parlement européen, avec des recettes propres et une capacité d'emprunt qui permette d'en faire un levier économique.
Mais les Européens et les Français attendent encore qu'un candidat ou qu'une force politique progressiste prenne la mesure des besoins.
Frédéric Faravel
Secrétaire fédéral du PS Val-d'Oise aux relations extérieures