«Europe, réveille-toi !», par Martine Aubry, Poul Rasmussen et Elio di Rupo
Mais où va l’Europe ? Notre continent est pris dans la tourmente. La crédibilité de l’Union européenne est en chute libre tant auprès des citoyens européens que partout dans le monde. Ne nous y trompons-pas : la gestion calamiteuse de la crise grecque est un manquement grave. L’Europe doit se ressaisir si elle ne veut pas sortir des radars de l’histoire voire se disloquer.
La réaction face à la crise grecque a été trop tardive, mal ficelée et incomplète. Depuis janvier, la zone euro est en attente d’une solution à la crise grecque. Pendant tout ce temps, nous avons beaucoup entendu « mon pays d’abord », « les mauvais élèves de la zone euro, dehors ! » et d’autres refrains punitifs du même style. Au courage politique exemplaire de George Papandreou pour rétablir les finances de son pays, la droite européenne, pour des raisons de politique intérieure, n’a fait que prôner encore et toujours plus d’austérité, sans jamais démontrer une quelconque solidarité. Les atermoiements électoralistes des uns n'ont eu d'égal que le silence assourdissant d'autres pourtant d'habitude prompts à se mettre bruyamment en avant. C’est comme si, tout d’un coup, les principes de solidarité et de coopération - fondateurs de l’Union européenne - avaient disparu. Mais les mois perdus coûtent très cher, à la Grèce tout particulièrement, et aussi à l’Europe tout entière qui est aujourd’hui menacée par l’incendie faute de l’avoir circonscrit à temps. La paralysie de la décision européenne a encouragé la spéculation.
Trop tardif, ce plan est aussi mal ficelé. Le dispositif de bric et de broc qui a été retenu, nécessitant une intervention individuelle de chaque Etat européen et du FMI, ne protège pas de la contagion car il est difficilement reproductible à d’autres Etats. L’Espagne, attaquée au lendemain de l’annonce du plan sur le seul fondement de rumeurs, en a fait ces derniers jours la douloureuse expérience. La zone euro a besoin d’un dispositif de sauvetage des Etats en difficulté qui puisse être activé rapidement et désarme par anticipation la spéculation. L’Europe en tant que telle aurait très bien pu intervenir sur la base des articles 122 et 143 du traité, comme l’a proposé le Parti socialiste européen, au travers d’un mécanisme européen de stabilité financière, préfigurant un Fonds monétaire européen. C’était une question de volonté politique face aux diktats des marchés financiers ; elle n’a pas été au rendez-vous.
Le plan de sauvetage est incomplet, car s’il règle temporairement la crise de liquidité à laquelle la Grèce est confrontée, il ne résout pas le problème de solvabilité. Sans rebond de son économie, dont on ne voit pas aujourd’hui les ressorts compte tenu des effets mêmes du plan imposé, la Grèce aura beaucoup de difficultés à rebondir et risque de se retrouver dans la même situation dans 18 mois. C'est pourquoi nous demandons que ce plan soit accompagné par un plan de relance de l’économie grecque mobilisant la Banque Européenne d’Investissement (BEI) et les fonds structurels, mais aussi par une grande vigilance dans la définition et la mise en œuvre des mesures de redressement des comptes.
Plus largement, la crise grecque a révélé les déséquilibres structurels d’une union monétaire sans gouvernement économique. Les socialistes et sociaux-démocrates européens réclament la mise en place sur le long terme d’une véritable gouvernance économique européenne, fondée sur la responsabilité, la solidarité et la coordination. Pour cela, nous insistons sur une coordination efficace des politiques macro-économiques, pas seulement pour consolider les budgets mais aussi pour relancer l’économie, avec des délais raisonnables pour réduire les déficits tout en investissant dans la croissance et l’emploi.
Voilà ce que nous devons faire pour que jamais plus les citoyens européens n’aient à payer le prix d’une crise dont ils ne sont pas responsables. Loin d’aller dans ce sens, les droites au pouvoir en Europe ne régulent pas la finance, ne développent pas la gouvernance économique et réduit les moyens d’action publique en prônant le désengagement des Etats, laissant les citoyens sans recours, menaçant un peu plus leurs emplois.
La solution à la crise actuelle n’est pas de chercher des boucs émissaires, mais de retrouver le volontarisme qui a fait l’Europe et de remettre en avant le principe inaltérable la solidarité, sans lequel chacun de nos pays s’enfoncera encore un peu plus dans la crise, sans pays voisins pour venir à son secours. Europe, réveille-toi !
Martine Aubry, première secrétaire du Parti Socialiste Français
Poul Rassmussen, président du Parti Socialiste Européen
Elio di Rupo, président du Parti Socialiste Belge