La seule réponse apportée à nos déroutes municipales et européennes a été d'imposer de l'extérieur la nomination de Jean-Christophe Cambadélis comme Premier Secrétaire par intérim. Alors que les statuts du Parti Socialiste impliquent de convoquer un congrès pour la fin de l'année 2014, ce dernier a choisi de repousser l'échéance sine die pour réunir des « états généraux », qui doivent selon lui « reformuler l'identité socialiste ». Programme ambitieux s'il en est !
On peut s'étonner d'une telle feuille de route quand la déclaration de principes du PS a été réécrite voici moins de 10 ans. Si cette démarche va jusqu'à son terme, nous l'investirons pour que ne soient pas éludées les débats économiques et politiques du moment. Mais nous restons convaincus qu'ils ne sont pas la solution aux défis de la gauche au pouvoir.
Depuis avril dernier, le rôle du PS se limite à publier des communiqués dépités et sans effets, après chaque nouveau ballon d'essai libéral lancé par un ministre des gouvernements Valls (seuils sociaux, 35 heures, contrôle des chômeurs, à chaque fois derrière le paravent du dialogue social, alors que les confédérations syndicales n'ont rien demandé et se retrouvent ainsi mises sur la défensives face au patronat).
Si Jean-Christophe Cambadélis prétend résoudre la crise idéologique et culturelle qui étreint toute la gauche européenne, et au-delà, depuis 20 à 30 ans, en 3 mois d'états généraux du PS, il fait preuve d'une naïveté affligeante pour un dirigeant politique de ce niveau ; ou bien il se moque des socialistes et signe là sa stratégie de diversion.
Les militants socialistes doivent pouvoir reprendre la parole et s'exprimer sur les politiques conduites par le gouvernement qui s'éloignent chaque jour un peu plus des valeurs et des principes du socialisme démocratique. Ils doivent pouvoir le faire sans restriction et sans que l'on ne limite leur avis à quelques thèmes choisis pour détourner l'attention. En effet, les questions économiques et sociales, qui sont pourtant au cœur des divergences entre socialistes tant dans le Parti qu'au Parlement, sont volontairement écartées des sujets soumis aux militants dans le cadre des États-Généraux.
C'est donc un Congrès du Parti Socialiste que nous exigeons désormais de voir convoquer dans les plus brefs délais, dans le respect de ses statuts et de son fonctionnement démocratique !
Car, il y a ici aussi une tentative de dévoiement du fonctionnement de notre parti : Jean-Christophe Cambadélis veut pousser à une nouvelle révision des statuts du Parti Socialiste. On a vu qu'il avait effectivement des difficultés pour respecter ceux que nous avons et qui ont pourtant été révisés grâce à un travail collectif et adoptés à l'unanimité lors du congrès de Toulouse en octobre 2012 ! L'objectif du Premier secrétaire par intérim est implicitement de mettre à bas le système des motions et de thématiser les congrès du Parti : c'est un retour à la SFIO d'avant 1969 ! Sur quelles bases représenter la diversité de pensée du Parti Socialiste, si ce n'est la représentation proportionnelle fondée sur des textes de fond soumis au vote des militants ? Certains ont effectivement de plus en plus de mal à écrire des textes de fond, c'est leur problème ; notons que c'est aussi un problème de considérer que le Parti doit systématiquement être conduit par une majorité pléthorique dont le texte de référence n'a aucune structuration politique, comme c'était le cas de la motion 1 en 2012, et qui soumet ainsi le parti à n'être qu'un espace de gestion des prébendes de différents barons socialistes qu'ils représentent des territoires ou de très anciennes motions qui s'étaient confrontées au vote des militants pour la dernière fois en 1991.
Nous alertons les camarades pour rappeler que la suppression de la représentation proportionnelle des textes a été envisagée deux fois :
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-> lorsque la SFIO s'est transformée en Section Française de l'Internationale Communiste (qui deviendra le PCF) en décembre 1920 soumettant les militants aux 21 conditions de Zinoviev ;
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-> aux lendemains de la Libération, en 1946, lorsque Léon Blum, Daniel Mayer et leurs amis – traumatisés par les débats entre tendances et surtout leur affrontement avec Paul Faure, le secrétaire général ultra-pacifiste qui finit par soutenir la Révolution Nationale – obtinrent sa suppression pour que la direction conserve l'intégralité du pouvoir dans le Parti. Mis en minorité dans le même congrès par les amis de Guy Mollet qui devint secrétaire général de la SFIO, ils furent systématiquement écartés de toutes les responsabilités. La SFIO passa les 23 années suivantes à exclure des militants minoritaires, à subir des scissions multiples, à perdre des adhérents et à fondre électoralement ! Ses erreurs politiques expliquent aussi ce chemin funeste, mais son incapacité interne à gérer ses débats et sa diversité ont accéléré l'enfermement et la dégringolade. La refondation du Parti Socialiste entre 1969 et 1974 s'est faite sur la correction de ces erreurs, en réintégrant différents clubs ou micro partis qui s'étaient éloignés de la SFIO (et qui étaient plus à gauche qu'elle) et en restaurant dès 1969 la représentation proportionnelle pour faire du nouveau PS un parti de rassemblement de tous les socialistes !
Enfin, pour répondre à la légende qui voudrait que les états généraux aient connu un précédent constructif dans les 20 dernières années : Les États Généraux, c'était Rocard en 1993 et ça n'était que le préalable à un congrès au Bourget qui avait acté des réformes statutaires (les nôtres datent d'octobre 2012 cf. plus haut) et ce congrès devait ouvrir une série de conventions. Il n'y a pas eu d’états-Généraux sous Lionel Jospin mais il ouvrit 3 conventions nationales qui ont duré un an et demi ; Cambadélis nous propose deux mois et demi, effectivement on aura résolu tous les problèmes d'ici là.
Frédéric FARAVEL