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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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3 juillet 2014 4 03 /07 /juillet /2014 21:46

Nicolas-sarkozy-garde-a-vue scalewidth 630C'est devant les micros et les caméras de deux médias amis – TF1et Europe 1 – que Nicolas Sarkozy a choisi de donner sa version de la journée de garde à vue qui a conduit à sa mise en examen pour «corruption active et trafic d'influence actif» dans l'affaire révélée par les écoutes sur le financement Bettencourt et libyen et le cas de Bernard Tapie.

Sarkozy, éternelle victime – un refrain bien connu

Comme l'on pouvait s'y attendre, l'ancien Président de la République a protesté de son innocence absolue, s'est posé en victime d'une «instrumentalisation politique» de la justice. Sa mise en examen ne serait à l'en croire qu'une nouvelle stratégie pour empêcher son retour actif en politique (donc on voit qu'il n'y a pas que la corruption et le trafic d'influence qui sont actifs). Il aurait subi un traitement exceptionnel qui ne tiendrait qu'à la haine que lui voueraient la gauche et une partie de la magistrature française : «Est-il normal que je sois placé en garde à vue pendant quinze heures sous la surveillance, d'ailleurs, de policiers qui ont remarquablement fait leur travail, à qui, bien sûr, je n'ai rien à reprocher. Mais ne pouvait-on pas me convoquer pour que je réponde aux questions des juges ?» «Devais-je absolument avoir rendez-vous avec les deux dames qui m'ont donné rendez-vous à 2 heures du matin cette nuit, après 14 heures d'interrogatoire par les policiers ?»

Nicolas Sarkozy, tout à la construction de sa posture de victime des beaux quartiers, oublie au passage que les gardes à vues, parfois très longues, sont le lot commun de nombreux Français à qui la Justice demande de rendre des comptes avant de les mettre ou non en examen. N'en déplaise à l'ancien Président de la République, ce qui lui est arrivé n'est ni exceptionnel ni un événement inédit : il n’est pas le premier ancien président à être mis en examen. Lui-même l'avait déjà été en avril 2013 pour «abus de faiblesse» dans l’affaire Bettencourt, avant de bénéficier d'un non-lieu à l'automne (on y reviendra). Avant lui, son prédécesseur Jacques Chiracavait été mis en examen à deux reprises dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, en 2007 et en 2009, avant d’être condamné à 2 ans de prison avec sursis pour «détournement de fonds publics», «abus de confiance» et «prise illégale d'intérêt». Sa garde à vue, initiée mardi 1er juillet, était en revanche une première historique pour un président français, mais comme l'indiquait hier sur France InterJean-Pierre Rosenczweig, président du tribunal pour enfants de Bobigny forcé de prendre sa retraite, le traitement très favorable accordé à Jacques Chirac – c'est à dire sans garde à vue, les juges d'instruction s'étant déplacés dans ses bureaux – était, lui, bel et bien une exception que rien ne justifiait. Notons que le citoyen commun qui aurait été l'objet d'une garde à vue qui se serait prolongerait en début de soirée n'aurait pas eu la possibilité de passer devant le juge d'instruction en pleine nuit, aurait donc été placé sous mandat de dépôt pour la nuit avant d'être présenté au juge au mieux le lendemain matin ; en signifiant sa mise en examen à 2 heures du matin, les juges d'instruction ont donc évité à l'ancien président de passer la nuit au dépôt et lui auront permis de rentrer chez lui dormir.

La garde à vue ne dépend pas de la gravité des faits. On ne peut donc comparercelle du 1er juillet 2014 et d’autres affaires politiques où il n’y a pas eu de recours à cette mesure. On peut par contre rappeler que Claude Guéant et Isabelle Balkany ont été entendus dans ce cadre, qui n'a donc rien d'exceptionnel. La garde à vue est une forme de convocation judiciaire particulière, qui implique une privation de liberté, dans le but de garder le suspect à disposition des enquêteurs et de l’empêcher de communiquer, modifier des preuves ou de fuir (une seule de ces raisons suffit et il n'est pas nécessaire de les cumuler pour la justifier, et personne ne peut soutenir l'idée que les juges d'instructions qui ont choisi à cette occasion la garde à vue auraient dévoyé la procédure en fantasmant ouvertement sur les risques de fuite de l'ancien locataire de l’Élysée).Elle n’est possible que si «il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner[que le suspect]a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement».Son régimea été modifié en 2011 – sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, donc, et à n'en pas douter il a suivi de près sa réforme. La garde à vue n’est désormais possible que si elle constitue la seule option des enquêteurs pour :

  1. Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne

  2. Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête

  3. Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels

  4. Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches

  5. Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses co-auteurs ou complices

  6. Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit

  7. La garde à vue est cependant tout sauf rare. Selon les chiffres officiels, hors délit routier, 286 337 personnes ont été mises en garde à vue en 2013.

[je n'invente rien, toutes ces descriptions sont sur le site internet LeMonde.fr]

La «vérité» est toute autre : Nicolas Sarkozy n'a sans doute toujours pas fait le deuil de son statut d'immunité présidentielle absolue qu'il avait bâti et qu'il a perdu le 15 mai 2012. Il ne supporte pas d'être redevenu un justiciable comme un autre et c'est bien lui qui fantasme sur le fait que son «statut» d'ancien Président de la République pourrait le placer au dessus du commun des citoyens français. Il a d'ailleurs doctement expliqué que son état devrait lui valoir un respect supérieur.

1020472_affaire-des-ecoutes-telephoniques-comment-nicolas-s.jpgL'opération médiatique d'hier soir n'avait finalement qu'un objectif, celui de lui permettre de perpétuer son objectif de revenir en politique – et pour cela déjouer le piège judiciaire que lui auraient tendu, dans son esprit, ses adversaires politiques. C'est très clair dans ses déclarations : «J'aurai à déciderà la fin du mois d'août, au début du mois de septembre (...). Je ne suis pas un homme qui se décourage devant les vilenies et les manipulations politiques» ; il n'a d'ailleurs pas manqué d'ajouter que ce qu'il espère être son accession prochaine à la présidence de l'UMP – «des responsabilités d'opposition» – devrait également lui valoir de passer dans les mailles du filet judiciaire. Nicolas Sarkozy est en fait incapable d'imaginer, tant il a été habitué à manipuler le système judiciaire lorsqu'il était à l’Élysée et même avant, qu'un autre exécutif puisse procéder autrement. Or, et c'est bien un des acquis positif du quinquennat Hollande, il se trouve que la Justice française a retrouvé depuis le 15 mai 2012 une sérénité et une liberté réelle dans la conduite des dossiers dont elle a la charge.

La stratégie de victimisation de Nicolas Sarkozy, passe encore, mais l'UMP a décidé de fragiliser la République

Je n'irai pas jusqu'à écrire que l'ensemble des responsables politiques conservateurs sont tous sur la même longueur d'onde. Il y a d'abord tous ceux qui «dans le secret de leur cœur» – comme l'a dit ce matin sur France InterNKM – espèrent que la mise en examen de Nicolas Sarkozy et la gravité des charges qui lui sont reprochées (sans connaître le fond du dossier, on peut considérer que la motivation explicite de la mise en examen est grave). Il y a ceux qui, Sarkozistes notoires ou non, ont été sincèrement bousculés par la gravité des faits reprochés et préfèrent conserver une réserve prudente.

Mais, au-delà de la folklorique Nadine Morano, la machine UMP est depuis hier à la manœuvre pour induire le déni dans l'opinion – pour l'instant cela ne semble pas recevoir l'écho espéré – et l'intervention de ténors UMP «modérés» (même si on les a déjà pris à plusieurs reprises en flagrant délit de mauvaise foi sur divers sujets) doit nous inquiéter collectivement pour la bonne santé de notre République.

Ainsi, l'inénarrable Jean-Pierre Raffarin était invité de France Info ce jeudi : «Je l’ai trouvé convaincant», a-t-il déclaré avant de critiqué le manque de «sérénité»,une «justice-spectacle»qui ne servirait ni la vérité, ni la justice elle-même. «Une convocation[qui] donne le sentiment qu'on cherche une justice-médiatique»qui ne prend pas le temps. On accordera à l'ancien Premier Ministre de Jacques Chirac et membre du triumviratqui dirige aujourd'hui une UMP embourbée dans l'affaire Bygmalion et les mécomptes de campagne de Nicolas Sarkozy qu'il lui appartient évidemment d'avoir un avis personnel sur l'aspect convaincant de l'entretien organisé par ce dernier. On pourra aussi lui répondre qu'il est curieux de dénoncer une justice spectacle lorsque la droite n'a eu de cesse lorsqu'elle était au pouvoir de monter en épingle faits divers et affaires diverses pour édifier l'opinion publique. Il est également ironique que les amis de l'ancien Président reproche aujourd'hui la médiatisation des affaires Sarkozy alors que ce dernier a toujours recherché à mettre en scène, à «spectaculariser», sa vie personnelle et politique avant et pendant son mandat élyséen. Dans ces conditions, il n'est pas besoin que des juges d'instruction appellent les médias une nuit de mise en examen pour que caméras et micros suivent et anticipent désormais ses moindres faits et gestes.

nkm_10.jpgLes insinuations de Nathalie Kocziusko-Morizet ce matin sur France Inter sont autrement plus graves. Nous passerons sur la conduite complaisante de l'entretien que menait l'animateur radio ce matin, au point qu'il cherchât à interrompre à plusieurs reprises la journaliste – spécialiste police-justice de la chaîne – lorsque celle-ci reprenait la députée de l'Essonne sur ses approximations.

Elle a, à plusieurs reprises, sous-entendu l'existence d'un «cabinet noir», dirigé depuis l’Élysée, qui instruirait à charge contre l'ancien Président de la République, en dépit de l'indépendance de la Justice. «À chaque fois [qu'il] parle d'un retour, les affaires sortent». Se défendant d'avoir un avis et des preuves sur le sujet, elle n'en a pas moins répété l'argument – reprenant les éléments de langage de celui dont elle était porte-parole au printemps 2012 – jusqu'à ce que Bernard Guetta la place devant le vide de ses contradictions. C'est là démonstration que c'est ainsi toute la droite – et pas seulement Nicolas Sarkozy – qui est incapable d'envisager que la Justice puisse être indépendante, car elle n'a pas cette pratique lorsqu'elle est au pouvoir.

Plus grave encore, elle a martelé – reprenant ici des arguments répétés par de nombreux responsables politiques UMP – qu'il était inacceptable que Nicolas Sarkozy soit «jugé par ses ennemis». On s'attendait à des attaques sur le complots des «juges rouges» dans la bouche d'Henri Guaino ou Nadine Morano ; mais les propos de NKM sont la démonstration que la «berlusconisation» de l'UMP – Silvio Berlusconi n'ayant eu que ce seul argument pour expliquer ses ennuis judiciaires – est bien plus avancée et généralisée qu'on n'aurait pu l'imaginer. Car il ne s'agit pas d'instrumentaliser comme cela arrive souvent – y compris sous la gauche – des conflits de « territoires » et d'approche entre police et justice, conflits que la droite française a toujours accentués, en dénonçant le soit-disant laxisme des juges qui handicaperait l'action des policiers, pour «démontrer» à l'opinion publique qu'elle et elle seule serait du côté de l'ordre et des victimes.

Ce refrain avait déjà été entonné mezzo vocelors de la première mise en examen de Nicolas Sarkozy ; la droite et ce dernier avait accusé le juge Gentil d'arrière-pensée politique dans la procédure qu'il conduisait, alors que ce même juge d'instruction n'était pas connu (c'est un euphémisme) pour être marqué à gauche et qu'il avait lui-même rendu un arrêt de non-lieu dans cette affaire, preuve s'il en est que les moyens juridiques utilisés par les magistrats ne préjugent pas de leur décision finale.

Aujourd'hui, c'est l'une des deux juges d'instruction qui a signifié à l'ancien Président sa mise en examen qui est mise en cause par NKM et la droite. Membre du syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche), elle aurait publiquement et politiquement pris fait et cause contre le candidat Sarkozy. Or il se trouve que les responsables et militants UMP, tout à leur emportement, développent des contre-vérités démontrées à l'encontre de Mme Claire Thépaut :

  • elle n'est pas l'ancienne présidente du SM ;

  • elle n'a pas écrit de tribune contre Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle et les propos tirés d'un reportage de Médiapart qui servent à entretenir la confusion sont loin d'être des attaques directes et acerbes : «Ce qui est certain, c'est que nous aspirons tous à retrouver du calme, de la sérénité et de la confiance (...) Puisque la Seine-Saint-Denis est devenue le symbole de la délinquance urbaine, raison de plus pour que l'on nous accorde du respect et des moyens. Etre taxés de juges rouges quand on ne fait qu'appliquer les textes de loi, ce n'est pas normal, lance la magistrate. Certains ont voulu nous opposer aux policiers, alors qu'ils sont performants et qu'ils travaillent dans des conditions difficiles. Eh bien il faut maintenant que la justice retrouve son rang face au ministère de l'intérieur, et que la séparation des pouvoirs soit enfin respectée. (...) Je ressens une certaine défiance du parquet vis-à-vis des juges d'instruction, à qui l'on confie de moins en moins de dossiers ces dernières années, même dans les affaires criminelles» (...) «Nous étions 16 juges d'instruction en 2007, et nous ne sommes plus que 12 aujourd'hui. Même les policiers s'en plaignent : il serait plus simple pour eux d'avoir le juge d'instruction comme seul interlocuteur, avec un cadre procédural simple, celui de la commission rogatoire, plutôt que d'avoir affaire à plusieurs magistrats du parquet.» ;

  • Une version tronquée d'un texte attribué à Claire Thépaut circule sur les réseaux. Or il n'est pas d'elle. Il s'agit d'une lettre ouverte publiée par le Syndicat de la magistrature, à l'intention de Nicolas Sarkozy, et donc signée de son secrétaire général, Mathieu Bonduelle. Voici la version originale.

On notera au passage que le juge Thépaut ne travaille pas seule et n'a pas décidé seule de la mise en examen de Nicolas Sarkozy et c'est ainsi faire bien peu de cas du juge Simon, qui ne semble pas, elle, faire l'objet des même attaques. De fait, la nature des mensonges et des attaques à l'encontre de Mme Thépaut sont de graves atteintes à la liberté syndicales des juges et au-delà des fonctionnaires et des salariés en général. C'est une attaque inacceptable à l'égard de la liberté du Syndicat de la Magistrature à établir et développer son discours syndical ; c'est une mise en cause répréhensible pénalement de la liberté des magistrats à adhérer au SM, ce qui ne saurait leur être reprochés dans l'exercice de leur profession.

Ces attaques stupides veulent entretenir le fantasme de la frange la plus radicale des électeurs de droite sur une «France rouge» et des «juges rouges». Le fameux laxisme des juges se doublerait d'une volonté de nuireà Nicolas Sarkozy. On peut rappelerque le Syndicat de la magistrature est minoritaire. C'est l'Union syndicale des magistrats (USM), qu'on classe plutôt à droite, qui est majoritaire. En 2010, le SM avait obtenu 32,1% des suffrages, contre 58,9% pour l'USM et 9% pour FO-Magistrats. L'affaire des écoutes révèle l'existence d'une sorte de réseau d'amitiés sarkozystes au sein de l'appareil judiciaire, ce qui tend à démontrer que tous les juges ne sont pas de gauche... Et c'est bien pour cela que l'avocat de Nicolas Sarkozy et le juge Azibert étaient eux-mêmes en garde à vue avant leurs mises en examen.

Ces tentatives de détourner l'attention de la réalité des faits ne peuvent aboutir qu'à un seul résultat (et c'est d'ailleurs l'objectif recherché) : une perte de la crédibilité totalement infondée de l'appareil judiciaire français, un des piliers de l’État de droit et de la République Française. En cherchant les arguments les plus vils pour sauver un Nicolas Sarkozy de moins en moins défendable, c'est la République que la droite met désormais en danger. De telles manœuvres opérées par Berlusconi ont abouti en Italie au surgissement sur la scène politique d'un mouvement populiste parfaitement insaisissable, conduit par le peu drôle humoriste Beppe Grillo. Tout baroque qu'il soit, il reste moins dangereux à ce stade pour la démocratie que ne l'est en France le Front National de Marine Le Pen ; c'est au renforcement de cette dernière que nous conduisent les menées irresponsables des dirigeants de l'UMP et de Nicolas Sarkozy.

Frédéric FARAVEL

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