La militante basque Aurore Martin a été arrêtée près de son domicile de Mauléon, le 1er novembre. La jeune femme avait été immédiatement livrée à la police espagnole. Depuis une semaine, l'exécutif - ministère de l'intérieur en tête - tente de justifier que l'exécution du mandat d'arrêt européen (MAE) était « une décision de la justice » qui a été « appliquée sous l'autorité du parquet général de Pau ».
« Ce n'est pas du ressort du ministre de l'intérieur que je suis », a soutenu Manuel Valls. « Ce n'est qu'après avoir décliné son identité qu'Aurore Martin a été identifiée comme personne recherchée ».
La procédure du mandat d’arrêt européen – introduite en 2004 dans le code de procédure pénale français – autorise la remise des nationaux aux autorités requérantes, et permet sa mise en œuvre « sans contrôle de la double incrimination » – la concordance juridique des poursuites entre les deux pays – s’agissant notamment d’actes terroristes. Mais la procédure prévoit aussi que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen peut être refusée s’il apparaît que l’autorité étrangère envisage de poursuivre ou de condamner une personne pour ses opinions politiques. Questionné par France Bleu Pays basque, en juillet 2011, après l’échec de l’arrestation d’Aurore Martin – protégée par une foule de militants à Bayonne –, François Hollande jugeait qu'il y avait « un principe de clémence à faire respecter ».
Or il semblerait au contraire que le gouvernement et l'Elysée aient bel et bien validé la remise de la militante basque à l'Espagne. Selon Mediapart, "l’interpellation d’Aurore Martin n’avait au contraire « pas de caractère fortuit ». « Les bonnes relations du président avec les autorités espagnoles et la volonté de renforcer la lutte antiterroriste facilitent ce type d’opération », a poursuivi cette source [administration élyséenne]. Le 22e sommet franco-espagnol, qui s’est tenu à Paris le 10 octobre 2012, sous la présidence de François Hollande et Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, en a été l’illustration."
Désormais, contrairement à ce qui semblaient l'opinion du candidat François Hollande, l'Elysée plaide que les chefs d’accusation visant Aurore Martin ne sont « pas anodins », contrairement à ce que soulignent tous les observateurs. La militante était réclamée pour son engagement au sein de Batasuna, un mouvement interdit en Espagne en 2003, mais qui est resté légal et actif en France jusqu’à aujourd’hui. Membre du bureau national de Batasuna, Aurore Martin est intervenue lors de plusieurs conférences de presse en 2006 et 2007, et elle a également été salariée du groupe parlementaire du Parti communiste des terres basques, en 2007. « Je suis accusée d'association de malfaiteurs, donc d'actes terroristes, pour le seul délit de m'être exprimée publiquement lors de différents événements, au nom de ma formation politique ». Les faits reprochés à Aurore Martin par l’Espagne relèvent, selon tous les recoupements, précisément d’une activité politique classique.
Cette affaire est donc particulièrement préoccupante. Il ne s'agit plus ici de laisser à penser que le gouvernement aurait été dépassé par un enchaînement malheureux entre un contrôle de sécurité et une décision indépendante de la justice, mais que notre gouvernement a bel et bien choisi de sacrifier une citoyenne française, sur la base d'une incrimination plus que douteuse, à une conception contestable de la raison d'Etat.
Nous avons défendu pendant 5 ans dans l'opposition la nécessité de raffermir les principes de liberté, d'Etat de droit et de justice mis à mal par la pratique sarkoziste du pouvoir ; la promesse d'une présidence "normale" répondait à cette exigence. Il est temps que le PS et les Socialistes dans leur ensemble, responsables et militants, rappellent à l'exécutif qu'ils ont contribué à mettre en place qu'il n'est pas possible de contrevenir ainsi à des valeurs, des principes qui sont fondamentaux.
Frédéric FARAVEL