Parmi les nombreuses contributions générales déposées au milieu du mois de juillet 2012, il est en une pour laquelle j'ai participé à la rédaction, qui se veut complémentaire de la contribution générale présentée par "Un Monde d'Avance" intitulée "Réaliser le changement". Cette contribution "Le temps de la gauche" a pour premiers signataires Marie-Noëlle Lienemann - sénatrice, Jérôme Guedj - député et président du conseil général de l'Essonne, Emmanuel Maurel, vice président du conseil régional d'Île-de-France, et Marianne Louis, secrétaire nationale du PS à la rénovation urbaine et à la politique de la Ville. Voici quelques éléments de présentation de ce texte.
Frédéric FARAVEL
Secrétaire fédéral du PS Val-d'Oise, en charge des relations extérieures
1- Nous avons besoin d’un congrès ouvert et non d’un congrès taisant des différences d’approches, cadenassant les débats et organisant la cooptation des responsables nationaux, fédéraux, locaux.
2- Un parti fort est un parti où la démocratie s’exprime pleinement. Nous ne pouvons pas dire et écrire que nous voulons un parti de débats, de propositions, pas un parti godillot et faire le chantage à l’unité, au rassemblement unanime, pour éviter le vote des militants sur des textes différents.
3- L’unité n’est pas l’uniformité. La synthèse politique doit s’effectuer après un vote sur des positions différentes, plutôt qu’à partir d’un accord a priori gommant les éventuels désaccords. Quand des enjeux de pouvoirs opposent nos dirigeants, ils jugent légitimes les affrontements, quand il s’agit de confronter des idées sans querelles sur les personnes, les mêmes brandissent le spectre de la division !
4- Il n’y a pas d’un côté ceux qui seraient pour le gouvernement et les autres contre. Le soutien au gouvernement se construit et doit s’entretenir en lien étroit avec nos militants et le peuple de gauche, dont l’attente est forte. Le socle des réponses, c’est la mise en œuvre des 60 propositions de François Hollande, mais notre parti doit présenter désormais une stratégie de sortie de crise. C’est aussi de cela que nous devons débattre.
5- C’est maintenant que certains choix, certaines réformes, certaines orientations doivent être engagés. Avec l’expérience de nos difficultés politiques passées, nous savons que beaucoup se joue au début du quinquennat. Ce congrès sera donc important, car le prochain viendra après les élections municipales et européennes, qui auront des conséquences politiques majeures.
6- Le PS doit être un lieu où se prépare le combat pour des valeurs, contre des idéologies dangereuses et un rapport de force culturel, social et politique contre le capitalisme financier, la mondialisation libérale, les forces de l’argent. C’est ainsi qu’il permettra à ses adhérents et aux citoyens d’être acteurs du changement. Le congrès doit engager une rénovation profonde des pratiques et de la vie politique.
C’est pourquoi notre contribution veut mettre en débat des choix essentiels pour la réussite de la gauche, pour le succès aux élections et pour l’inscription dans la durée de l’exercice du pouvoir et de la transformation sociale.
Pourquoi « Le temps de la gauche » ?
parce nous ne pensons pas que la victoire de François Hollande et de la gauche aux élections législatives ne sont dues qu’au rejet de Nicolas Sarkozy. Il y a une attente de gauche, de justice sociale, d’égalité, de volontarisme retrouvé.
parce que nous refusons le fatalisme, le découragement entretenu. Nous vivons une crise d’une extrême gravité, qui entraîne un sentiment d’incertitude, de défiance et de fragilité généralisée. Dans les périodes de grands désordres, d’instabilité, de menace sociale, tout peut basculer : le pire n’est pas exclu, mais le meilleur est possible. La tâche de la gauche française est tout à la fois d’éviter le pire et de promouvoir une véritable stratégie de sortie de crise, de reprendre la marche du progrès social pour engager le pays et l’Europe vers le meilleur.
Après le grand cycle du libéralisme triomphant, doit venir le temps de la gauche !
Fixer des priorités
1- La réussite de l’action gouvernementale et la capacité à conserver durablement un soutien majoritaire. Elle ne saurait être du seul ressort et arbitrage du président. Elle exige en effet une nouvelle articulation entre partis et gouvernement, une respiration politique tout au cours du quinquennat.
2- La reconquête des couches populaires et l’affirmation d’un nouveau projet pour la gauche en France et en Europe. Deux points marquants dans notre contribution. L’importance de la question sociale et l’exigence absolue d’un changement réel de cap et de politique en Europe. Nous n’acceptons pas l’austérité et la poursuite des orientations actuelles qui mènent dans le mur.
3- L’affrontement idéologique avec la droite et l’extrême droite. Refuser le diktat libéral. Nous estimons indispensable le retour de l’Etat, de la puissance publique dans l’économie, la restauration et le développement d’un haut niveau de service public et considérons comme essentiel de donner sens et réalité aux idéaux républicains. Le PS doit être un parti militant, défendant avec force des valeurs.
4- Une pratique du changement qui associe les citoyens, les corps intermédiaires et le mouvement social. Rompre avec les dérives de la 5ème République. Le non cumul des mandats ça doit être maintenant, sans tergiverser. L’écoute des syndicats, le soutien et le travail avec les associations, des nouvelles formes de militantismes doivent se développer. Des changements institutionnels s’imposent.
6- Une unité renforcée des forces de gauche et écologistes. Elle n’est pas seulement nécessaire pour gagner mais pour durer. Elle ne peut être a minima avec le seul désistement républicain. Nous refusons la thèse des « deux gauches antagonistes », celle qui exerce pouvoir et celle qui conteste, critique et pousse plus loin l’exigence de transformation. Elle redonnerait toutes ses chances à la droite.
Nos principales propositions
NB : A l’étape des contributions, des choix stratégiques sont faits. Ils négligent certains sujets très importants, traités dans des contributions thématiques et qui pourront se retrouver dans une motion.
Pour réussir, le temps de la Gauche doit être celui de
la réorientation de l’Europe
Si l’intégration politique fait du surplace, si l’harmonisation sociale est rangée aux oubliettes, l’unification des politiques monétaires et budgétaires est réalisée avec les échecs que l’on connaît. On nous avait promis l’Europe prospère : elle est austère, et ce aussi longtemps que demeurera en l’Etat le « Traité Sur la Coordination et la Gouvernance économique et monétaire » (TSCG) et avec lui la règle d’or en permanence, le dogme du déficit zéro et les sanctions automatiques à l’encontre des Etats récalcitrants.
En ne votant pas le TSCG en l’état, nous donnerons l’impulsion à une véritable renégociation qui permette de modifier les traités sur les points les plus iniques et d’aller vers : le contrôle des capitaux, l’harmonisation fiscale garantissant une juste redistribution des richesses, la transformation des missions de la BCE (qui doit prêter directement aux Etats), le rachat des dettes souveraines et la recapitalisation des banques.
Il est temps de renouer un pacte de confiance entre les Français et l’Europe. Il faut réorienter la construction européenne et consulter nos concitoyens pour recueillir leur adhésion.
la remise en cause de la mondialisation libérale
Il n’y a pas d’un côté la question sociale et de l’autre l’urgence écologique : les socialistes doivent réaliser l’indispensable synthèse entre ces deux exigences.
Nous devons exiger le respect de normes sociales (OIT) et environnementales, le principe de réciprocité et du juste échange. Il faut s’opposer au projet en préparation d’accord de libre-échange entre l’UE et les USA, contraire à cette vision. De même, dans toutes les instances internationales, la France ne devrait pas cautionner les déclarations condamnant les mesures dites protectionnistes, alors même que ne seraient pas instaurées les conditions du juste échange.
Notre parti pourrait préparer un mémorandum « un autre monde est possible » à l’intention des partis progressistes du monde entier, de façon à engager le débat et préparer des convergences. Notre gouvernement pourrait lancer l’idée d’une conférence internationale sur « le juste échange ».
la mise en œuvre d’une révolution écologique.
- Inventer de nouvelles formes de planification, autour d’enjeux comme le changement climatique, la préservation des ressources naturelles
- Promouvoir des politiques industrielles, avec, par branche d’activité, des contrats « innovation-environnement », où la puissance publique stimulerait les sauts technologiques et des nouvelles filières écologiques
- Réorienter nos comportements consuméristes. Mettre en place la tarification progressive et écologique de l’eau et de l’énergie, assurant des prix abordables pour la consommation normale et pénalisant les abus et les gaspillages.
-Favoriser la gestion en régie publique de l’eau, engager la renationalisation de GDF et créer un véritable pôle public de l’énergie.
- Le PS doit organiser dans l’année qui vient une grande convention nationale sur l’écologie et les choix énergétiques.
l’action pour la paix dans le monde
La construction de la paix est au cœur du message internationaliste des socialistes. Or, aucune nouvelle doctrine de sécurité n’a véritablement émergé depuis la chute du Mur de Berlin et la dissuasion nucléaire – qui consiste à exposer son adversaire à un risque de destruction massive – reste le pilier de la politique de défense de la France. Il est temps que le PS se saisisse de cette question et que nous fassions entendre à propos du désarmement nucléaire une voix conforme à nos valeurs.
Pour être utile, le temps de la Gauche doit être
le temps de la défense du travail et des travailleurs
Nous devons faire du recul de la précarité et du nombre de travailleurs pauvres un indicateur majeur de la réussite d’un gouvernement de gauche.
La « responsabilité sociale et environnementale » doit devenir une réalité en associant les salariés aux décisions de leur entreprise et en donnant à la puissance publique la possibilité de bloquer les décisions aux graves conséquences collectives dont la motivation n’est que financière.
Le droit du travail, protecteur des salariés, doit être consolidé comme étant une condition de la confiance des citoyens en l’avenir, et donc du redressement. La re-réglementation du temps de travail et des contrats précaires, la réactivation de la politique salariale (notamment grâce au SMIC), la formation professionnelle dirigée vers ceux qui en ont besoin et la protection de la santé au travail sont autant de chantiers prioritaires.
le temps de la redistribution des richesses, grâce :
- à une fiscalité progressive :
* pour les impôts sur les revenus : élargir, réduire, renforcer ;
* sur la TVA réduite : tenir bon ;
* sur la lutte contre l’évasion fiscale : instaurer un droit de suite fiscal ;
* sur le patrimoine : en finir avec une « France d’héritiers », grâce à une taxe sur les transactions immobilières élevées qui lutte contre la rente foncière, doublée d’une taxe additionnelle de 10% sur les droits de mutation pour les ventes supérieures à 10 millions d’euros.
- à un serpent fiscal européen, pour stopper la concurrence fiscale et sociale.
- au financement de l’aide au développement à la bonne échelle La création d’une taxe sur les transactions financières est un premier pas vers l’instauration de « taxes globales », comme la taxe sur les transactions financières ou encore une taxe sur les sociétés multinationales.
- à la mise en place des dispositifs d’échanges automatiques d’informations pour mettre fin au secret bancaire et aux pratiques opaques des paradis fiscaux, afin de juguler la spéculation et à financer l’aide au développement.
le temps du renforcement des services publics
Les services publics doivent s’étendre, mais il faut d’abord rattraper la casse qui a eu lieu depuis dix ans : fonctionnaires culpabilisés, dégraissage des effectifs, incitation immodérée à la productivité, extension rapide de l’emploi précaire, dialogue social inexistant. Un moratoire et une nouvelle politique de la gestion des services publics doivent être décidés.
le temps de la ré-industrialisation
Le premier des déficits à résorber est celui de notre balance commerciale, de nos emplois industriels et de nos capacités productives. Il faut mener à la fois :
- une stratégie offensive avec l’organisation de filières, la mobilisation cohérente des entreprises pour prévoir les produits et créneaux d’avenir, pour mettre en commun les efforts d’innovation, de recherche et d’exportation.
- une stratégie défensive de sécurisation productive, pour ne pas laisser partir des entreprises, des brevets et des marques. Les lois prévues contre les licenciements économiques abusifs, sur l’obligation de reprise lorsqu’un repreneur crédible se présente et que le propriétaire de l’entreprise veut la fermer sont urgentes et indispensables. Le droit de préférence accordé aux salariés qui sont prêts à reprendre l’entreprise sera aussi très utile.
le temps de la fin des dérives de la 5ème République
Le Parlement doit redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : le cœur battant de la démocratie. Il faut surtout redonner aux parlementaires le temps de légiférer et de contrôler. Cela passe par l’application stricte du non cumul des mandats, sans attendre 2014
Un parlement plus fort, c’est aussi un parlement plus représentatif. Nous proposons d’adopter un mode de scrutin mixte, à l’instar de celui pratiqué en Allemagne : la moitié des députés élus au scrutin majoritaire, l’autre à la proportionnelle.
Pour durer, le temps de la Gauche a besoin d’un PS
qui fasse vivre le débat d’idées
L’unité du PS n’est jamais menacée par le débat d’idées, mais elle est souvent fragilisée par les batailles d’écuries et l’affrontement des personnalités.
Cette contribution croit en la force d’un Parti Socialiste renouvelé, mobilisé, responsable sans être godillot et qui défend la stratégie d’union des forces de gauche et écologistes en toute circonstance.
La réussite de l’action gouvernementale et la capacité à conserver durablement un soutien majoritaire ne sauraient être du seul ressort et arbitrage du Président. Elles exigent une nouvelle articulation entre partis et gouvernement, une respiration politique tout au long du quinquennat.
qui mène le combat permanent de l’Union de la Gauche et des écologistes
Rien ne serait pire que de considérer notre parti comme hégémonique : c’est justement lorsque nous sommes dans un tel rapport de force démocratique que nous devons mettre en place des outils pour rassembler l’ensemble de la gauche.
Un comité de liaison permanent des partis de gauche et des écologistes doit être constitué par nos organisations politiques, pour construire ensemble une alternative durable au libéralisme.
Au Sénat et à l’Assemblée nationale, des intergroupes parlementaires permanents de la gauche et des écologistes pourraient aussi être constitués.
La création d’une université populaire des gauches permettrait d’organiser régulièrement dans les régions -en lien avec l’ensemble des forces politiques de gauche, des militants associatifs syndicaux, des intellectuels- des cycles de débat sur les grands sujets liés à l’actualité ou touchant à l’histoire et à l’identité de la gauche.
qui soit le premier acteur du changement
Notre parti ne peut avoir pour vocation d’être une simple courroie de transmission des mesures gouvernementales : nous proposons un parti combattif, attaché à la représentation proportionnelle, présent dans le mouvement social et dans le monde associatif. Nous populariserons d’autant mieux les grandes réformes de notre gouvernement que nous en aurons débattu.
Nous proposons la tenue d’une convention nationale sur « la seconde étape de la réforme fiscale pour une juste redistribution », sur laquelle tous les militants devraient être consultés et appelés à débattre.
Nous souhaitons la création d’une « école du militant », organisée nationalement et présente dans chaque fédération, pour délivrer une formation théorique comme et pratique
Nous devons promouvoir des formes variées de militantisme, en développant et valorisant des secteurs comme le secteur entreprise, en organisant chaque année une assemblée des militants vivant dans les quartiers populaires, en instaurant des semaines thématiques, au cours desquelles les fédérations dialogueraient avec le monde associatif, les ONG, les acteurs concernés par différents domaines.