Une grande partie des pronostics électoraux a été démentie hier soir mardi 22 janvier 2013 à Tel Aviv. Les commentateurs prédisaient une droitisation très forte de la scène politique israélienne et c'est un retour à l'équilibre fondé sur la relative sanction de Benyamin Netanyahu que les électeurs ont choisi.
Une droite divisée qui recule
Le premier ministre sortant conduisait une liste de coalition de son parti, le Likud, droite conservatrice sioniste traditonnelle, et des ultra-nationalistes laïcs de Yisraël Beitenu, le parti d'Avigdor Lieberman. Ils avaient remporté séparément et respectivement 27 et 15 sièges en 2009 ; l'incapacité de Tzipi Livni (Kadima, centre droit) à former un gouvernement avait alors permis à "Bibi" de se maintenir comme premier ministre en formant une alliance entre le Likud, Yisraël Beitenu et les partis religieux.
Netanyahu avait alors mené la politique la plus à droite de toute l'histoire d'Israël, amplifiant comme jamais la colonisation, reniant toute relations avec les Palestiniens et méprisant le mouvement social des indignés israéliens de 2011. Son échec à empêcher le vote de l'ONU en faveur de l'Etat de Palestine et la réalité de la crise sociale vécue par les catégories populaires et moyennes lui auront sans doute coûté de précieux sièges à la Knesset.
En effet, la coalition Likud-Beitenu ne recueillait hier soir que 31 sièges, loin des 42 députés des deux partis dans la précédente assemblée, mais loin aussi des 36-37 promis par les sondages.
Le discours belliciste et anti-arabe de la droite nationaliste n'aura servi qu'à légitimer le discours d'une nouvelle extrême droite religieuse Bayit Yehudi (Foyer juif ou Maison juive), dirigé depuis peu de temps par Naftali Bennett, coalition d'ultra-nationalistes favorables à l'annexion de 60% de la Cisjordanie et d'une partie de l'électorat religieux. Cependant, avec 11-12 députés le Foyer juif ne semble pas aussi puissant que ce qui était attendu (les sondages le donnait au coude à coude avec les travaillistes), il n'en restera pas un incontournable interlocuteur du Premier ministre sortant, qui paradoxalement a mis en selle celui avec qui il sera contraint de discuter aujourd'hui.
Un centre surprise ?
La nouveauté semble une des marques de ce scrutin puisque le grand gagnant d'hier est Yesh Atid "il y a un futur", parti créé de toute pièce par l'ancien présentateur de télévision Yaïr Lapid. Ce parti centriste a mobilisé une grande partie des classes moyennes laïques qui se sentaient les oubliées du développement économique israélien (et qui n'avaient pas forcément participé aux manifestations de 2011) et qui sont de plus en plus excédées par les privilèges accordées aux juifs ultra-orthodoxes dans la société israélienne (dispense de service militaire, ségrégation ethnique et sexiste - souvenez-vous des reportages sur les bus à Jérusalem).
Yesh Atid a également pris position pour la reprise du dialogue avec les Palestiniens même si cela ne fut pas au coeur de sa campagne.
Avec 19 sièges Yaïr Lapid est un caillou plus douloureux dans la chaussure de Netanyahu, car on le voit mal collaborer avec Benett, Lieberman ou les partis religieux... mais on disait aussi que Lieberman était un ultra-laïc incompatible avec les partis religieux de la précédente coalition. Il y avait sans doute plus de similitudes entre les religieux nationalistes et les laïcs nationalistes.
Il ne faut sans doute pas s'emporter sur la longue durée concernant le devenir de Yesh Atid. La vie politique israélienne nous a accoutumé à des successions de partis centristes surprises sans lendemain : Shinouï, Kadima...
Ce dernier pourrait d'ailleurs disparaître de la Knesset, sa leader Tzipi Livni, ancienne première ministre étant parti fonder HaTnouha qui remporterait 5-6 députés.
L'addition des trois partis centristes reccueille d'ailleurs autant de suffrages et de sièges que Kadima en 2009. Le centre surprend mais reste stable.
Une gauche qui se reconstruit
Les mobilisations sociales de 2011 ont cependant également trouvé leur résonnance dans le scrutin législatif. HaAvoda, le parti travailliste israélien, semble aujourd'hui en rémission. Il avait connu en 2009 un des plus mauvais résultat de son histoire avec 13 députés... Déjà décimé par la force d'attraction centriste de Kadima sous Ariel Sharon (départ de Shimon Peres), incapable depuis de nombreuses années de trouver un arbitrage ou un point d'équilibre entre sa gauche syndicaliste liées à Histadrout (Amir Peretz) et ses tendances centristes et opportunistes proches d'Ehud Barak.
En 2011, ce parti était donné pour mort car au moins 6 députés avaient suivi une nouvelle dissidence menée par Ehud Barak qui avait négocié pour lui-même le poste ministre de la défense de Netanyahu.
S'il se fait rafler la deuxième place par les centristes de Lapid, HaAvoda double son score avec 15 à 17 députés. Ce fut un long travail conduit par Shelly Yacimovitch, elle-même ancienne journaliste, qui a rajeuni le vieux parti de Ben Gourion, Golda Meïr et Yitzhak Rabbin.
L'incarnation se fait en la nouvelle députée Stav Shaffir, l'une des leaders du mouvement des indignés de 2011 (réécoutez ici son interview). Quelques voix s'élèvent pour dénoncer dans le Parti un score en demi teinte ce qui démontre qu'il n'est pas encore totalement stabilisé : les déclarations de Yacimovitch pendant la campagne sur la caractère centriste éternel du Parti Travailliste étaient non seulement une erreur, qui lui a coûté de nombreux suffrages, mais également historiquement faux et en contradication avec sa volonté de relayer le mouvement social de 2011. Mais le Parti travailliste a commencé à reprendre sa place de protecteur des classes populaires et moyennes et on le sait ouvert à la paix et aux négociations avec les Palestiniens.
Enfin, la gauche socialiste représentée par le parti Meretz double également sa représentation en passant de 3 à 6 députés. Elle récolte la clarté de son discours de gauche et en faveur de la paix et de la négociation, alors que Yacimovitch entretenait un peu le flou.
Les partis arabes conservent leur étiage habituel de 11-12 sièges et sont habitués à travailler avec la gauche.
Netanyahu sera reconduit mais ne durera pas
Netanyahu tentera une large coalition en jouant alternativement entre le centre et les ultra-nationalistes. Mais désormais les vrais débats de la société israélienne sont sur la table : le développement économique et social, la nécessité d'établir la laïcité et l'obligation de retourner négocier avec les Palestiniens, dont l'Etat est désormais reconnu.
Les observateurs s'accordent à dire que le cabinet Netanyahu 3 ne tiendra que la moitié du mandat... Je ne lui donne pas plus d'un an et en face de lui le centre et nos camarades peuvent, s'ils ne font pas trop d'erreurs construire enfin une alternative qu'attend le proche orient.
Frédéric FARAVEL